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4 techniques d'entreprise utilisées par Donald Trump qui bouleversent la politique américaine

Il se peut que la clé de la campagne du trublion républicain se trouve dans un domaine qui lui est bien plus proche et naturel que la politique: le monde de l'entreprise. Et plus précisément, dans ce monde des affaires, un secteur dispose d'une influence aujourd'hui sans précédent: le conseil en stratégie.
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La campagne présidentielle américaine détonne cette année, et la cause principale en est «le Donald» comme on l'appelle, Donald J. Trump. La stratégie de campagne de ce dernier a déconcerté la plupart des analystes politiques, qui admettent naviguer à vue avec cet ovni de la politique américaine.

Après avoir mis K.O. son propre parti en éliminant successivement ses 16 adversaires au grand dam de l'appareil du parti républicain, voilà M. Trump avec en ligne de mire la candidate démocrate, Hillary Clinton.

Les modèles d'analyses classiques utilisés par les experts pour traiter la candidature de M. Trump ayant échoué de l'aveu même de ces derniers, il se peut que la clé de la campagne du trublion républicain se trouve dans un domaine qui lui est bien plus proche et naturel que la politique: le monde de l'entreprise. Et plus précisément, dans ce monde des affaires, un secteur dispose d'une influence aujourd'hui sans précédent: le conseil en stratégie.

Les entreprises qui disposent d'un budget conséquent font en effet appel de manière récurrente à des cabinets de conseil pour les accompagner sur des sujets traitant un large spectre de problématique, en miroir avec les besoins exprimés par lesdites entreprises.

Il est étonnant de constater que Donald Trump applique méthodiquement 4 principes essentiels du conseil en stratégie dans sa campagne:

  1. Il décide de l'ordre du jour
  2. Il utilise la technique de la storyline de manière intensive dans ses discours
  3. Il maîtrise la dimension informelle de la communication
  4. Il propose une campagne «sur-mesure» aux électeurs

Un consultant en stratégie se doit de maitriser l'ordre du jour dans le déroulement de son projet. Par exemple, lors d'une réunion client, cette capacité revient à trouver un équilibre subtil entre le contexte de l'entreprise cliente et la ligne directrice que le consultant souhaite suivre dans le cadre de son accompagnement. Par exemple, si une entreprise rencontre un contexte d'urgence lors d'une mission, comme la sortie d'un produit innovant chez un concurrent alors que la mission traite d'une réduction des coûts, le consultant devra à la fois traiter l'urgence, mais maintenir que son objectif est de réduire les coûts. Illustrons comment D. Trump utilise cette approche dans sa campagne.

Après l'attentat d'Orlando, on aurait pu s'attendre à ce que la campagne soit mise de côté, comme ce fut le cas en France après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Casher de Vincennes, lorsqu'une grande majorité du pays se retrouvait derrière le «je suis Charlie».

Ce ne fut pas le cas. M. Trump a bien modifié le contenu de ses discours, en les axant plus sur la sécurité que sur l'économie, mais il l'a fait en gardant son ordre du jour: critiquer méthodiquement H. Clinton et son nouveau soutien officiel, le Président Obama. Dans ce cadre, M. Trump est une machine à donner le ton et les sujets de discussion chez ses «clients», à savoir les médias. Ainsi, en l'espace de seulement 3 journées de campagne, il est parvenu tout d'abord à mettre sur le devant de la scène la controverse sur le terme «terrorisme islamique radical», que le Président Obama se refuse d'utiliser et qu'Hillary Clinton a dû se résoudre d'admettre comme légitime.

Il est intéressant de noter que cet ordre du jour s'est imposé au Président Obama, qui s'est montré irrité de l'attaque, conduisant la machine Trump à lancer une nouvelle accusation: «le Président Obama s'est montré plus énervé contre moi que contre le terroriste d'Orlando»... Ensuite, M. Trump a accusé H. Clinton d'avoir reçu 25 millions de dollars de pays qui ne respectent ni les droits des femmes ni ceux des homosexuels, comme l'Arabie Saoudite. Cette nouvelle offensive a émergé dans son discours du 14 juin dans le New Hampshire, avant d'être reprise en boucle sur la chaîne conservatrice Fox News. On voit donc que les événements influencent l'agenda de M. Trump, mais qu'il parvient à maintenir sa propre ligne directrice, qui consiste à démolir son adversaire démocrate.

Le deuxième élément de la stratégie de Donald Trump réside dans son utilisation intensive de la technique de la storyline lors de ses meetings et de ses entretiens avec les médias. Cette technique consiste à construire son discours comme une véritable histoire et non comme un énoncé de faits les uns après les autres. Par exemple, plutôt que de donner des chiffres macro-économiques sur les délocalisations d'entreprises comme le faisait Mitt Romney en 2012 face à Barack Obama, Donald Trump a construit une histoire précise, décrivant avec force de détails comment il punirait l'entreprise de climatiseurs Carrier en cas de maintien de ses usines au Mexique:

«Je prendrai mon téléphone et je dirai au PDG de Carrier, bonne chance pour vos affaires au Mexique, mais désormais, chaque climatiseur produit hors des États-Unis sera soumis à une taxe d'importation de 35%».

Pour s'en prendre à la politique migratoire de M. Obama et à celle supposée d'H. Clinton, le magnat de l'immobilier a lu une célèbre histoire, «Le Serpent», d'Al Wilson. La technique de la storyline permet de se connecter avec son auditoire, en utilisant des mécanismes neurologiques spécifiques. Cette technique est utilisée dans les techniques de vente, de marketing et dans le conseil en stratégie.

Le troisième élément emprunté par M. Trump au conseil en stratégie est l'attention portée à la dimension informelle de ses communications. Là encore c'est une technique redoutablement efficace pour faire passer ses messages et conditionner son auditoire.

Dans le conseil en stratégie, on apprend à préparer ces «petits moments» apparemment insignifiants, mais qui permettent d'emporter l'adhésion d'un client. Une bonne communication doit alterner les composantes formelles et informelles. Dans le conseil, un consultant est censé savoir parler à son client dans son bureau, mais aussi dans l'escalier, dans le taxi ou l'avion. Et l'être humain est ainsi fait, pour construire une relation de confiance avec le client, ce dernier fondera son opinion à la fois sur le formel et l'informel. Il faut donc savoir non seulement couper le rythme d'un échange trop formel, mais aussi le mettre à profit. L'exemple le plus marquant dans la campagne de M. Trump est sa manière si consulting de traiter les protestataires dans ses meetings. Il est en effet fréquent de voir des protestataires l'interrompre avant de se faire expulser des réunions.

M. Trump prend alors tout son temps pour glisser que ces protestataires sont des alliés objectifs face à «la malhonnêteté des médias», accusés de ne montrer les foules dans ses réunions qu'à l'occasion d'un gros plan sur les protestataires ou encore pour louer le travail de la police américaine. Ces séquences sont des coupures informelles qui lui donnent l'occasion de maintenir l'attention de son auditoire pendant des discours parfois longs et dont le sujet n'est pas des plus excitants pour motiver une foule. On se souvient de la piètre prestation de Jeb Bush, obligé de demander des applaudissements lors d'un meeting tant les spectateurs étaient déconnectés de son discours.

Le dernier élément est de proposer un rendu sur-mesure pour son client. Un cabinet de conseil n'est en effet pas payé pour répéter inlassablement des recommandations qui conviendraient tant à son client qu'à ses concurrents. Il doit au contraire démontrer que sa prestation est sur-mesure pour son client, en intégrant toutes les spécificités de ce dernier à ses analyses. Sur ce volet D. Trump a mis en place une stratégie extrême. Alors que les analystes politiques expliquent que le positionnement du parti républicain est de moins en moins compétitif, du fait notamment de dynamiques démographiques défavorables à son électorat traditionnel, M. Trump martèle qu'il est le «seul candidat républicain» à pouvoir viser la victoire dans des États traditionnellement démocrates comme New-York ou la Californie.

Ce type de déclaration le positionne en candidat unique, même vis-à-vis du parti républicain. Pour l'instant, l'effet de ce positionnement présente l'avantage de donner l'impression à ses électeurs de «participer à un mouvement», mais il porte aussi le risque d'un investissement de courte durée pour les républicains, ce type de stratégie ne pouvant pas être reproduit aisément avec un autre candidat.

L'avenir dira si cette approche en quatre temps issue du conseil en stratégie pourra ou non conquérir les électeurs.

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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