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77 scientifiques se sont attaqués à la coriace théorie du complot des «chemtrails»

77 scientifiques se sont attaqués à cette coriace théorie du complot
Environmental Research Letters

Elle n'est pas aussi populaire que les Illuminati, mais vous avez surement entendu parler de cette théorie du complot. Les traînées blanches que vous voyez dans le ciel ne sont pas de la simple condensation de vapeur d'eau émise par les moteurs d'avion, mais des chemtails. Soit des produits chimiques déversés à haute altitude.

Avec différents objectifs (réchauffement climatique, contrôle de la météo ou de la population, arme bactériologique, etc), ces épandages géants sont dissimulés au grand public par les gouvernements du monde entier. Même Kylie Jenner trouve ça intriguant:

Sur les sites mettant en garde contre le complot chemtrails, on trouve également des "preuves scientifiques", présentées comme irréfutables... que de vrais scientifiques viennent de réfuter.

Dans une étude publiée le 10 août dans la revue Environmental research letters, quatre chercheurs ont choisi de vérifier les dires des fervents défenseurs de la théorie des chemtrails, rapporte ScienceAlert.

A l'épreuve des spécialistes

Car mine de rien, précisent les auteurs, près de 17% des personnes interrogées dans un sondage international de 2011 croient que certains de ces traits dans le ciel sont des produits chimiques cachés.

Les 4 chercheurs ont donc interrogé 77 scientifiques spécialisés dans la chimie atmosphérique et des géochimistes travaillant sur les dépôts de pollution. Ceux-ci ne sont pas choisis au hasard et sont les plus cités dans les publications scientifiques sérieuses (avec comité de lecture) depuis 1994.

76 d'entre eux affirment n'avoir jamais rencontré une seule preuve validant la théorie des chemtrails. Le seul scientifique qui a répondu oui a précisé avoir observé "un haut niveau de barium atmosphérique dans une zone éloignée avec des niveaux bas de barium au sol".

L'étude est allée plus loin, en soumettant aux spécialistes les "preuves" mises en avant par les complotistes afin d'évaluer leur validité scientifique. En général, les preuves sont soit des photos de traînées bizarres, soit des analyses de l'eau, du sol et de la neige prélevée à des endroits supposés contaminés par les chemtrails.

Des photos intrigantes, des réponses toutes simples

Les chercheurs ont donc commencé par montrer quatre des photos les plus utilisées pour prouver que ces traînées ne peuvent pas être de la simple condensation formée si les conditions s'y prêtent (altitude, température notamment, plus de détails ici). Dans tous les cas, les scientifiques ont trouvé de nombreuses explications et aucun n'a mentionné les chemtrails.

Pour cette photo, un tiers des chercheurs estime que cela peut être expliqué par des acrobaties d'avions militaires, les autres évoquant comme causes des avions volant en rond, de fort vents ou encore un important trafic aérien.

Pour ces deux photos (des traînées plus ou moins longues ou coupées), les scientifiques affirment pour plus de la moitié que l'explication la plus logique est un changement d'humidité de l'air, qui empêche la condensation.

Enfin, pour cette traînée multicolore, les chercheurs penchent pour un air moite sursaturé, une réfraction de la lumière sur un cristal de glace, l'angle du soleil et de la prise de vue ou encore une température faible... mais jamais n'est évoquée l'idée d'une diffusion volontaire de produits chimiques.

Des analyses faussées (ou pas pertinentes)

Dans la deuxième partie de leur étude, les quatre auteurs ont montré aux scientifiques, et notamment aux géochimistes, des analyses de laboratoires, présentées comme des preuves par les tenants de la théorie des chemtrails. A chaque fois, un échantillon a été récupéré dans l'air, dans un étang ou dans la neige. La teneur en différents éléments chimiques suspectés d'être épandus par les avions est alors analysée. En général, on retrouve l'aluminium, le cuivre ou encore le barium.

Trois échantillons, mis en avant sur les sites complotistes, ont été présentés aux scientifiques. A chaque fois, l'écrasante majorité (plus de 8 scientifiques sur 10) ont trouvé que ces preuves ne permettaient pas de conclure à l'existence de chemtrails. Pour deux des échantillons pourtant, un expert a estimé que les taux étaient anormalement haut et pouvaient s'expliquer par un épandage massif de produits chimique.

Et si finalement, ce spécialiste avait raison et tous les autres se trompaient? Sauf que sur ces deux échantillons, il y a plusieurs problèmes qui font douter de la véracité des analyses fournies. Le premier compare le niveau relevé dans l'atmosphère en barium, notamment, et le "niveau maximum autorisé". Le graphique montre une différence énorme. Sauf que la limite est en réalité celle du nombre de particules dans l'eau potable et non dans l'air. Quant à la concentration anormalement haute dans ces échantillons récoltés dans l'atmosphère, elle est étrangement similaire à celle moyenne trouvée dans les sols ou les poussières désertiques, ont noté quatre des experts interrogés.

De même, sur l'échantillon de neige avec des taux de ces molécules chimiques anormalement hauts. Le problème? Ce n'est pas de la neige tombée du ciel mais ramassée sur le sol, et donc potentiellement contaminée par autre chose.

Plus d'avions... donc plus de traînées

En fait, dans tous les cas, les scientifiques étaient souvent soit très sceptiques face aux preuves fournies, soit demandaient plus d'informations et de contexte. Chose que, évidemment, les sites complotistes ne fournissent pas, jouant justement sur la pseudo-science de leurs arguments.

En conclusion, les auteurs de l'étude rappellent que même si une partie (37%) des experts sont d'accord qu'il y a de plus en plus de traînées dans le ciel, c'est surtout dû à la hausse du nombre d'avions, mais aussi aux moteurs plus gros et plus efficaces. Ceux-ci créent de la vapeur d'eau plus froide et permettent aux avions de voler plus haut. Les conditions nécessaires pour que des traînées de condensation se forment.

Les auteurs affirment que c'est la première fois que des scientifiques s'interrogent rigoureusement sur la théorie des chemtrails. Même s'ils ne pensent bien sûr pas faire changer d'avis les auteurs de ces sites conspirationnistes, ils espèrent en tout cas que les "citoyens ordinaires", qui s'interrogent logiquement suite aux différents scandales sanitaires qui ont véritablement été couverts par des Etats, soient véritablement informés sur le sujet et ne se fassent pas avoir par ces preuves qui n'en sont pas.

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