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Feu les référendums d'initiative populaire, feu la République du Québec

Si on se fit à l'histoire du Parti québécois, la Charte de la laïcité ne relève pas d'une idéologie républicaine, impliquant une participation populaire importante au processus décisionnel. La direction péquiste y voit un avantage concurrentiel pour se maintenir au pouvoir et accroître ses appuis plutôt que de travailler le projet politiquement inclusif et républicain d'une Constitution.
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L'histoire politique du Parti québécois (PQ) est faite d'un éternel retour: les chefs en situation de faiblesse acceptent des mesures dites radicales en congrès, comme de déclencher un référendum dans un premier mandat sous Bernard Landry, ou de permettre la possibilité pour les citoyens de mettre en branle des référendums d'initiative populaire sous Pauline Marois. Alors qu'en situation de force, ces chefs peuvent faire rentrer dans la gorge de leur parti et de la population québécoise leur lubie du moment (le «déficit zéro» sous Lucien Bouchard, la gouvernance souverainiste sous Marois, etc.). Par situations de faiblesse, je pense à une défaite électorale, à l'impopularité durable du parti dans les sondages, à une longue période sur les banquettes de l'opposition.

Après sa courte victoire aux élections de 2012, la première ministre est sortie renforcée. Elle peut donc continuer à mettre de côté les questions de la souveraineté du Québec, de l'adoption d'une Constitution québécoise et d'une démocratisation du processus décisionnel au Québec (notamment grâce aux référendums d'initiative populaire), pour se lancer dans la politique électoraliste, où prévaut la concurrence pour le maintien au pouvoir. Deux domaines doivent alors primer pour bien se positionner sur l'échiquier politique: l'économique (déficit zéro, croissance) et surtout l'identitaire (Charte de la laïcité). Or, la Charte de la laïcité, en ordre d'importance, vient après l'adoption d'une Constitution québécoise dans le programme de 2012 et dans l'histoire du PQ. En effet, l'importance de faire du Québec une république indépendante dotée de sa propre Constitution est déjà mentionnée dans le programme du PQ de 1975.

D'ailleurs, qui dit république, dit aussi participation populaire au pouvoir, et donc dit notamment référendums d'initiative populaire. Ces référendums auraient pu encourager la participation populaire, car avec une pétition de 850 000 signatures, les citoyens pouvaient forcer la main au gouvernement pour qu'il déclenche un référendum sur la souveraineté, une commission d'enquête, etc.

Certains, tel l'historien Éric Bédard, ont défendu la Charte de la laïcité comme étant un projet républicain. Si on résume le républicanisme à la laïcité de l'État et à un projet d'assimilation dans une seule identité et une seule culture, alors peut-être que le projet péquiste est républicain. Pourtant, le projet péquiste jongle simultanément avec deux concepts différents: la laïcité (appartenant davantage à l'univers républicain prônant un espace public areligieux) et la neutralité de l'État (développée par l'État libéral et ne signifiant pas l'absence d'intervention publique auprès du religieux, comme le financement d'écoles confessionnelles). Le concept même de neutralité de l'État a été promu par la Grande-Bretagne où la religion anglicane fait figure de religion étatique. Quant au Canada, sa Constitution affirme que «le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit ».

Seulement, le républicanisme n'est pas que le modèle assimilationniste français, il est aussi compatible avec de multiples identités et cultures unies sous une même appartenance politique, comme le souligne le politologue Marc Chevrier dans "La république québécoise". Tout comme le libéralisme peut être à la fois lié à un État unitaire n'impliquant qu'une seule identité nationale (chez Pierre Elliott Trudeau et ses disciples par exemple), il a aussi un pendant communautarien plus respectueux de la différence (que l'on retrouve chez James Tully au Canada anglais et chez Alain-G. Gagnon au Québec francophone). De plus, le républicanisme consiste aussi en un régime politique où les citoyens participent de manière importante et constante au processus décisionnel, pas seulement le jour des élections, et où une certaine égalité de richesse permettant la participation politique pleine et entière de tous et toutes.

La direction péquiste, plutôt technocratique, n'a jamais apprécié que son contrôle sur l'ordre du jour politique soit contesté par sa base militante ou par la population, et a pris le virage néolibéral sous Bouchard. Héritière de l'esprit britannique du gouvernement fort, elle a toujours voulu garder la main haute sur toute décision d'importance et ainsi éviter tout imprévu. Il est assez révélateur à cet égard que ce soit René Lévesque et sa garde rapprochée qui ait imposé la stratégie de l'étapisme en 1974.

Bien qu'en congrès, les militants péquistes aient opté majoritairement pour l'élection référendaire (signifiant que l'élection du PQ lui donnait le mandat de mettre en branle le processus d'accès à l'indépendance), la direction péquiste imposa au parti, sans débat, l'étapisme. Il s'agit d'un mécanisme d'accession à la souveraineté, développé par Claude Morin, qui impliquait dans un premier temps que la population voterait pour un gouvernement péquiste. Dans un deuxième temps, celui-ci demanderait le mandat de négocier une souveraineté-partenariat avec le reste du Canada. Dans un troisième temps, il soumettrait par référendum à la population le résultat de ces négociations. L'étapisme devait donc rassurer la population et donner une apparence modérée à un projet politique nécessairement radical : l'indépendance à la fois du pouvoir fédéral canadien et d'un régime politique monarchique.

Avec l'étapisme, la direction conservait le contrôle politique du processus du début à la fin. Pourtant, dans le programme électoral du PQ de 2012, il est écrit de «ne pas attendre qu'Ottawa décide pour nous», c'est dire alors qu'il faut «attendre que Québec décide pour nous». De plus, dans son programme de 1975 aux accents républicains, le PQ parle de démocratisation et de décentralisation du pouvoir. Il n'a, dans les faits, pas partagé le pouvoir avec la population ou avec sa base militante une fois au gouvernement tout en pratiquant une politique d'austérité budgétaire génératrice d'inégalités socioéconomiques qui se transposent en inégalités de participation politiques.

Bref, la direction du PQ ne retrouve les vertus de la démocratie, au sens fort du terme, que dans les moments où ses chefs sont en difficulté, comme Marois dont le leadership était fort contesté en 2011 et en 2012, ce qui l'amena à accepter les réformes démocratiques proposées par Bernard Drainville, notamment les référendums d'initiative populaire.

Si on se fit à l'histoire du PQ, la Charte de la laïcité ne relève donc pas d'une idéologie républicaine, impliquant une participation populaire importante au processus décisionnel. La direction péquiste y voit un avantage concurrentiel pour se maintenir au pouvoir et accroître ses appuis. Plutôt que de travailler à un projet politiquement inclusif et républicain d'une Constitution, s'appuyant sur une consultation large de la population et sur les travaux d'une assemblée constituante devant travailler avec l'Assemblée nationale, et plutôt que d'accepter l'incertitude de laisser la population prendre un certain contrôle de l'ordre du jour politique (par les référendums d'initiative populaire), la direction péquiste s'est limitée à une petite «chartette», lui permettant d'essayer de ramener au bercail l'électorat francophone des banlieues éloignées qui est devenu adéquiste puis caquiste.

Il ne faudrait surtout pas que la population puisse, par une intervention intempestive, ruiner les calculs des stratèges du PQ qui, voyant la souveraineté comme une nécessité de l'histoire, doivent prévoir un référendum gagnant en 2018, après la formation d'un gouvernement péquiste majoritaire, dans un contexte économique favorable et dans une période de crise constitutionnelle avec Ottawa. Plutôt que de convaincre la population, on cherche plutôt une fenêtre d'opportunité pour l'emporter à l'arraché. C'est dire qu'il faut faire confiance à la direction péquiste qui saura, tel Moïse, séparer les eaux de l'Outaouais, nous mener à la terre promise. Entre-temps, le message péquiste est que le processus politique québécois, sous leur gouverne provinciale, ne sera ni davantage participatif ni davantage égalitaire, donc républicain. Mais, si le présent est garant de l'avenir, on se demander si le régime politique d'un Québec indépendant sera réellement républicain?

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