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«Abecedarium Bestiarium»: une réflexion inusitée sur les catégories animales

L'oeuvre de la chorégraphe Antonia Baehr part à la redécouverte d'espèces animales qui ont disparu de la surface de notre planète, mais qui pourraient ressembler à nos contemporains.
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Si l'art permet de voir, de percevoir ou même de découvrir ce qu'on ne voit ni ne perçoit dans le monde du quotidien, alors Abecedarium Bestiarium est une œuvre très réussie. Présentée en collaboration avec le Goethe-Institut dans le cadre du Queer Performance Camp 2018, Abecedarium Bestiarium de la chorégraphe berlinoise Antonia Baehr part à la redécouverte d'espèces animales qui ont disparu de la surface de notre planète, mais qui pourraient ressembler d'une manière ou d'une autre à nos contemporains.

On traduit Queer par étrange, peu commun, hors catégorie au fond. La performeuse, revêtue d'un costume masculin trois-pièces, cravate, avec des souliers d'homme, une coupe de cheveux très courte, du vernis à ongles rouge sur une seule de ses mains et les seins écrasés par une bande pour ne pas faire apparaître le relief de sa poitrine, interprète seule au milieu des spectateurs quelques très courtes saynètes parmi les treize composées par des ami(e)s à elle.

Les affinités ou les ressemblances entre les mondes humains et animaux peuvent être de toutes sortes.

La contrainte qu'elle leur a imposée pour leurs compositions: choisir comme sujet un animal disparu avec lequel ils ou elles ont une affinité de nom. Car les affinités ou les ressemblances entre les mondes humains et animaux peuvent être de toutes sortes.

Au moment d'arriver dans la salle où ils vont déambuler, s'assoir sur le sol ou rester debout (il n'y a ni gradins ni chaises), les spectateurs sont invités à observer sur un mur des projections d'images dessinées, du style des ouvrages de physiognomonie des XVIIe ou XVIIIe siècles. Sur elles, un homme est mis en relation avec un animal: même expression triste, renfrognée, joviale, agressive, étonnée, voire savante... mêmes chevelures, arcades sourcilières, barbes, allures du nez ou des ergots, même comportement endormi, etc.

Une oeuvre inégale

Antonia Baehr, qui s'exprime en français, présente au début de chaque pièce l'animal dont il va être question: son nom en anglais, en français et en latin, l'auteur de la pièce et son titre. Puis, à une station de la salle qui lui est dédiée, elle fait sa performance qui, à chaque fois ou presque, lui donne à mimer l'animal en question tout en émettant des sons étranges, parfois accompagnés d'enregistrements, qui reconstituent l'univers auditif de ce monde animal.

Les pièces sont inégales, certaines excellentes et drôles, d'autres qui trainent un peu en longueur malgré leur durée très brève.

Les pièces sont inégales, certaines excellentes et drôles, d'autres qui trainent un peu en longueur malgré leur durée très brève. Mais pour toutes, l'artiste parvient à plonger le spectateur dans un univers inédit, en se métamorphosant quelquefois de manière saisissante en l'animal en question.

Ainsi, le Dodo, cet oiseau lourdaud, mais sympathique et incapable de voler, qui réalise une sorte de danse sonore autour d'une pastèque. Le dernier tigre de Tasmanie sans doute, à la fois majestueux et touchant, qui dans son agonie, connaît des sursauts de vie. Un dauphin de Chine qui interprète son dernier chant doux et mystérieux, sous des allures de rock star. Un gros chat hargneux, sale et antipathique, du genre de celui d'Alice au pays des merveilles, ou une vache de mer, sorte de phoque à queue de poisson dont on entend ce qui a peut-être été considéré autrefois comme le chant des sirènes.

Antonia Baehr se métamorphose ainsi en différents animaux. Le dernier de la liste montre comment une antilope gourmande s'est fait piéger par une trappe à miel. Autant d'espèces disparues depuis plus ou moins longtemps, que l'artiste fait revivre devant nous.

Au-delà du débat élimé sur la protection des espèces menacées, c'est sans doute une réflexion sur le découpage en catégories du monde animal, auquel nous appartenons aussi, qui est offerte ici.

Abecedarium Bestiarium, les 22 et 23 août 2018, au théâtre La Chapelle à Montréal

Concept, production et performance Antonia Baehr

Cet article a aussi été publié sur info-culture.biz

Abecedarium Bestiarium, Antonia Baehr @ Kampnagel, 12.-14.6.2013
Abecedarium Bestiarium © Anja Weber
Abecedarium Bestiarium, Antonia Baehr @ Kampnagel, 12.-14.6.2013
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