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Accord entre l'Iran et l'Occident: issue gagnant-gagnant

Stratégiquement, mettre un terme à l'isolement de l'Iran - chose qui va à l'encontre des équilibres géopolitiques de la région - déverrouillera le processus de stabilisation politique de la Syrie et de la région.
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L'Iran et l'Occident ont des intérêts communs. Résoudre la crise du nucléaire iranien est la clé pour défendre ces intérêts et résoudre d'autres crises dans la région. Résoudre cette crise est en effet important pour éviter une prolifération nucléaire, mais cela pourrait aussi potentiellement permettre de trouver un accord politique sur la Syrie et stabiliser d'autres crises régionales (comme l'Irak, l'Afghanistan ou encore l'Egypte). Un accord sur le nucléaire est également l'une des clés qui permettrait de soulager considérablement l'économie iranienne, mais cela encouragerait par la même occasion la reprise économique européenne.

Déconstruisons ceci :

Tout d'abord, les sanctions américaines sur les transactions bancaires et l'embargo de l'Union Européenne sur le pétrole iranien ont sévèrement touché l'économie iranienne, et il est dans l'intérêt de l'Iran de trouver un moyen de se sortir de cette crise du nucléaire.

Cependant, sortir de cette impasse est aussi dans l'intérêt des 5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU plus l'Allemagne) puisque leurs inquiétudes au sujet de la prolifération nucléaire se sont accrues au rythme des sanctions. Jusqu'à présent, l'objectif annoncé - à savoir "changer le comportement de l'Iran" sur son programme nucléaire - n'a pas apporté les résultats escomptés puisque les capacités d'enrichissement du nucléaire de l'Iran n'ont fait qu'augmenter en flèche.

En effet, avant 2006 (premières sanctions de l'ONU), l'Iran possédait environ 3000 centrifugeuses et il enrichissait son uranium à 3,5%. Son stock d'uranium enrichi était de quelques centaines de kilogrammes alors qu'aujourd'hui, l'Iran maîtrise l'enrichissement à 20%, possède 18000 centrifugeuses et son stock dépasse les 8000 kilogrammes d'uranium faiblement enrichi (plus un stock d'environ 300 kilogrammes d'uranium enrichi à 20%).

L'Iran et le groupe des 5+1 sont engagés dans la voie diplomatique afin de renverser ce processus d'escalade des tensions : plus de sanctions paralysantes d'un côté contre plus de capacité d'enrichissement du nucléaire de l'autre. Le retour de la diplomatie est donc positif pour chaque camps et Washington et Téhéran ont besoin de résultats pour calmer les ardeurs de leurs parlementaires et autres groupes de pressions qui ont investi énormément dans cette escalade des tensions entre l'Iran et les États-Unis.

Stratégiquement, mettre un terme à l'isolement de l'Iran - chose qui va à l'encontre des équilibres géopolitiques de la région - déverrouillera le processus de stabilisation politique de la Syrie et de la région. Jusqu'à présent, nous avons vu que Bachar al-Assad se trouve en meilleure posture que l'opposition syrienne que l'Occident soutient et tente d'organiser depuis des mois. Plus la crise syrienne s'aggrave plus les frontières de la Syrie s'effritent, et par conséquent, plus Al-Qaeda et autres groupes djihadistes tel le Front Al-Nosra gagnent du terrain dans la région.

Cette expansion de l'islamisme sunnite représente une menace commune pour l'Iran et l'Occident. D'un côté, des Américains (et Européens) sont la cible de ces groupes extrémistes de Benghazi en Lybie jusqu'à Hérat en Afghanistan. De l'autre côté, des Iraniens et des populations chiites sont également victimes de ces groupes en Irak, au Yémen ou encore en Syrie. Il y a donc logiquement un terrain d'entente pour une coopération régionale entre les Occidentaux et les Iraniens (coopération qui est désormais nécessaire et qui a déjà été fructueuse dans le passé (notamment sur l'Afghanistan entre Washington et Téhéran, du 11 septembre 2001 au 29 janvier 2002 - date du discours de George Bush qui positionne l'Iran dans "l'axe du Mal").

Les 5+1 savent que l'Iran n'est pas en position de faiblesse dans la région. Vali Nasr, Doyen du SAIS de John Hopkins University, soulève que "l'Iran est sorti du Printemps arabe en meilleure position que n'importe lequel de ses rivaux dans la région, et la tourmente en Syrie, son allié, l'a paradoxalement renforcé davantage." Etant donné son influence sur Assad, l'Iran doit rejoindre la conférence de paix sur la Syrie, Genève II, avec l'ensemble des acteurs régionaux afin de trouver un accord politique (ce que préconise l'émissaire de l'ONU en Syrie Lakhdar Brahimi).

Toutefois, il est nécessaire d'adresser la crise syrienne et les négociations sur le nucléaire iranien séparément car les puissances occidentales n'accepteront pas que l'Iran utilise son influence en Syrie afin d'obtenir des concessions sur le dossier du nucléaire. Cependant, tout progrès sur le dossier du nucléaire facilitera des avancés sur la crise syrienne.

L'Union Européenne a également intérêt à sortir de l'impasse du nucléaire iranien, et nombreux sont les intérêts qui diffèrent de ceux des États-Unis. L'U.E. a besoin de se sortir de la crise de la zone euro et elle sait deux choses : premièrement, son coût énergétique est bien plus élevé que celui des États-Unis. Deuxièmement, l'U.E. est dépendante d'imports énergétiques. Et comme environ un quart de son énergie est importé de Russie, diversifier l'approvisionnement en ressources naturelles représente un intérêt stratégique considérable. L'Europe, qui est largement dépendante du géant russe Gazprom pour ses besoins énergétiques, a intérêt à trouver un compétiteur pour diminuer sa facture croissante d'hydrocarbure.

Le site d'exploitation offshore South Pars/North Dome - situé dans le Golfe Persique - est le plus grand gisement de gaz naturel au monde. S'approvisionner du gaz qatari devient une option compliquée étant donné que la Syrie d'Assad fait barrage. Résoudre la crise du nucléaire et lever l'embargo sur le pétrole iranien ouvriront à nouveau l'accès à l'Europe aux ressources naturelles massives de l'Iran. Cela signifie que les compagnies occidentales, qui ont hâte de travailler avec le marché énorme que représente l'Iran, seront libres de retourner en Iran, mais plus important encore, cela diminuera le prix du pétrole.

En effet, l'Arabie Saoudite exporte 10,4 millions de barils de pétrole brut par jour (b/j). Si un accord se dégage sur le dossier du nucléaire, l'Iran serait en capacité, à moyen-terme, d'exporter à son niveau de trois à quatre millions b/j au lieu du million qu'il exporte actuellement à cause des sanctions. Et comme l'Arabie Saoudite aura besoin de temps pour revenir à son niveau d'exportation d'avant sanctions contre l'Iran, il y aura par conséquence une quantité de pétrole plus importante sur le marché mondial (qui est de 89 millions de b/j aujourd'hui), ce qui signifie que le prix du baril diminuera.

De leur côté, les intérêts des États-Unis différent de ceux de l'Europe puisque seulement 9 pour cent des approvisionnements en pétrole des États-Unis viennent du Moyen-Orient (les États-Unis se procurent leurs ressources naturelles principalement de l'hémisphère occidental et ils sont sur le point de devenir le premier producteur mondial de gaz et de pétrole). Ce qui importe pour Washington est de garder le contrôle du prix et du flux du pétrole. Les investisseurs et les traders ont besoin que le prix des hydrocarbures soit stable pour investir, et ils ont besoin de garanties. Et comme l'administration Obama cherche à sortir militairement du Moyen-Orient, elle a besoin d'une stratégie sur le long-terme pour stabiliser la région et structurer le développement institutionnel. L'Iran ayant une position géopolitique centrale dans la région, sortir de cette impasse du nucléaire et apaiser les tensions est dans l'intérêt de chaque camp.

Maintenant que l'atmosphère des pourparlers est plus positive, le gouvernement d'Hassan Rouhani et l'administration Obama doivent parvenir à convaincre leurs parlementaires et opinions publiques que la diplomatie doit aboutir. Les politiciens doivent désormais laisser de l'espace aux diplomates qui se rencontrent à nouveau à Genève les 7 et 8 novembre.

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