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Affaire Lagacé: sonneurs d'alerte ou saboteurs?

La question n'est pas de nier l'odieux du traçage téléphonique, mais de réaliser qu'il y a un écart manifeste de valeur entre l'information provenant d'un sonneur d'alertes et celle d'un saboteur aux motivations personnelles. Sinon, entre le journalisme d'enquête et le potinage malfaisant.
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Depuis début novembre, le brasier de l'hystérie médiatique aveugle la scène politique montréalaise. Un brasier d'une ampleur telle que ses feux se sont propagés à la Sûreté du Québec, et conséquemment au bureau du premier ministre.

Pour comprendre une crise, il faut enquêter à sa source, il faut chercher des indices dans le terreau qui l'a fait naître.

La matrice de cette crise, c'est la rationalisation des régimes de retraites des employés municipaux, plus particulièrement ceux de Montréal. Une réalité connue et largement documentée à l'effet que le déséquilibre des forces entre la mairie et ses employés lors des négociations contractuelles a entraîné la signature de conventions collectives aux avantages indus.

Ainsi, suite à cette rationalisation et aux demandes fermes de l'administration Coderre de doter la mairie de pouvoirs suffisants à la réussite des négociations à venir, le Service de police de la Ville de Montréal n'a cessé de couler illégalement des informations concernant le maire Denis Coderre. Excès de vitesse, rapport d'événement fallacieux, contravention non payée ; une collection d'éléments dont le lien commun est l'absence de pertinence quant à l'exercice du pouvoir. De la boue.

Ce coulage systémique d'informations personnelles du maire se résume à une faute déontologique grave pour le SPVM, une faute commise en toute connaissance de cause par certains de ses membres.

La Fraternité des policiers nie l'évidence du coulage alors qu'au moins trois de ces évènements ont marqué l'année 2014. Ce grabuge administratif équivaut au grabuge à l'hôtel de ville, sinon à cette indiscipline du port non sanctionné des pantalons de clowns. De graves manquements à la discipline pour une catégorie de serviteurs publics qui généralement s'en fait une règle de conduite, une fierté.

Ce coulage systémique d'informations personnelles du maire se résume à une faute déontologique grave pour le SPVM, une faute commise en toute connaissance de cause par certains de ses membres. Et en toute impunité médiatique.

Car aucun journaliste, à ma connaissance, n'a encore abordé la récente crise sous cet angle. De même qu'aucun journaliste n'a encore questionné le lien entre les révélations d'espionnage du SPVM et celui de la SQ, alors que la réponse est évidente : la solidarité syndicale pour faire gonfler l'évènement afin qu'il occupe une place démesurée dans l'espace médiatique et peut-être, devienne ingérable.

Revenons maintenant à la source du brasier, le journaliste Patrick Lagacé.

En 2015, celui-ci reçoit un rapport d'évènement mettant en cause un comportement inélégant du maire. Il publie. Pour reconnaître l'autre dimanche à Tout le monde en parle que ce document était douteux. Mais le mal est fait. Depuis la publication de l'article, la fameuse tirade que le maire aurait ou n'aurait pas prononcée est publiée 100 fois par jour sur les réseaux sociaux.

Au lendemain du débat à TLMP, débat au cours duquel le maire Coderre a fait réaliser à Patrick Lagacé le peu de poids de ses allégations, le journaliste sort un nouveau lapin du chapeau des fuites : la contravention pour retard de renouvellement d'immatriculation signifiée en 2012 à Denis Coderre et qu'il aurait omis de payer.

La fuite s'est produite en 2014. Lagacé expertise alors le document pour découvrir qu'il est plus que douteux. Il décide ne pas publier.

Maintenant, façon TLMP, la question qui tue : comment un professionnel des médias, témoin du transfert illégal d'un document vraisemblablement faux, en provenance d'une institution au code déontologique strict, peut-il sciemment ignorer la charge non éthique et peut-être criminelle d'une telle manœuvre ?

Tout journaliste qui prend parti dans un conflit politique devient acteur de ce conflit.

Pourquoi ne pas investiguer cette remise frauduleuse ? Les errements illégaux de groupuscules syndicaux ne sont-ils pas d'intérêt public ? Cette tentative manifeste de déstabiliser l'institution politique n'est-elle pas une atteinte potentielle à la vie démocratique ?

Le pétaradant journaliste-vedette est-il à ce point obnubilé par la grosse bête à traquer qu'il en oublie son devoir de neutralité devant l'évènement, sa mission d'information du public ?

Les médias sont un contre-pouvoir essentiel à celui des élus. Leur rôle est de mettre en lumière tant les enjeux que les coulisses de la trame politique.

Ainsi, la question n'est pas de nier l'odieux du traçage téléphonique, mais de réaliser qu'il y a un écart manifeste de valeur entre l'information provenant d'un sonneur d'alertes et celle d'un saboteur aux motivations personnelles. Sinon, entre le journalisme d'enquête et le potinage malfaisant.

Et la ligne est mince. Mais tout journaliste qui prend parti dans un conflit politique devient acteur de ce conflit.

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