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#AgressionNonDénoncée: qu'en reste-t-il un mois plus tard?

#AgressionNonDénoncée: qu'en reste-t-il un mois plus tard?
Simone Becchetti via Getty Images

QUÉBEC - L’anniversaire de la tragédie de Polytechnique remet en lumière chaque année la question des violences faites aux femmes. Cette fois, il survient dans une actualité chargée en matière de violence sexuelle qui a engendré un déferlement de témoignages sous le mot-clic #AgressionNonDénoncée. La vague annonçait-elle une lame de fond?

Tout a commencé avec un animateur de CBC pratiquement inconnu au Québec. Jian Gomeshi, animateur-vedette dans le ROC, est accusé de nombreuses agressions sexuelles particulièrement violentes. S'il n'a pas encore été reconnu coupable, plusieurs femmes ont affirmé publiquement avoir été agressées par l'ex-enfant chéri de la CBC.

Ces dénonciations ont déclenché une vague de témoignages de personnalités publiques au Québec, dont la présidente du Conseil du statut de la femme, Julie Miville-Dechêne, et la chroniqueuse Michèle Ouimet. Plusieurs Québécoises ont également partagé leur triste expérience sur les médias sociaux sous le mot-clic #AgressionNonDénoncée, dans une sorte de grande thérapie collective.

Forum itinérant

À Québec, ce vaste mouvement a été à l'origine d'un forum itinérant qui sondera les citoyens au printemps prochain. Le tout se poursuivra dans une commission parlementaire et la mise en œuvre d'un Plan d'action gouvernemental en matière d'agression sexuelle. Des mesures législatives sont également envisagées.

Si l'initiative est accueillie favorablement, on est loin de la grande commission calquée sur le modèle de «Mourir dans la dignité» réclamée par les groupes de femmes. Le forum itinérant ne durera que trois jours. «Ce n'est pas exactement ce que nous voulions, mais on est quand même satisfaites», dit la présidente de la Fédération des femmes, Alexa Conradi. Elle espère que la démarche permettra de faire des «bonds de conscience» dans la population, comme «Mourir dans la dignité» l'a fait pour les soins en fin de vie.

De son côté, la ministre responsable de la Condition féminine estime que le forum est adapté à l'enjeu. «La question des soins de fin de vie, c'était un élément qui était complètement nouveau dans la sphère politique québécoise, rappelle Stéphanie Vallée. Il n'existait pas de législation pour encadrer les soins en fin de vie.»

Le Québec compte déjà un plan d'action et diverses mesures pour accompagner les victimes de violence sexuelle, plaide la ministre. «On n'a pas à réinventer la roue», dit-elle.

Hausse des demandes

La consultation visera notamment à amener les victimes à dénoncer leurs agresseurs. Plusieurs femmes préfèrent encore se taire, par crainte de ne pas être crues ou de devoir affronter leurs agresseurs.

Stéphanie Vallée estime que les mesures de soutien aux victimes sont méconnues. «Au cours des 20 dernières années, il y a eu énormément de travail pour améliorer le soutien auprès des victimes», dit-elle. La ministre cite les Centres d'aide aux victimes d'actes criminels, un service gratuit financé par son ministère, de même que les Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS).

«Il y a énormément d'organismes sur le terrain qui peuvent accompagner une victime, dit Stéphanie Vallée. Qui va aider une victime à parler de l'acte, de l'agression, parce que ce n'est pas toujours facile de mettre en mots ce qu'on a vécu.»

«Nous sommes inquiètes»

Toutefois, le contexte d'austérité à Québec fait craindre le pire pour ces organismes. «Est-ce que les ressources vont être là pour les besoins grandissants?», demande Alexa Conradi. Le forum et la commission parlementaire, croit-elle, amèneront plus de femmes à dénoncer leur agresseur.

Déjà, le mouvement #AgressionNonDénoncée a entraîné une hausse des demandes dans les CALACS. «Ça varie selon les régions, mais on estime la hausse à environ 40%», dit la chargée de projet du Regroupement québécois des CALACS, Maude Chalvim.

Les requêtes pour des ateliers de prévention dans les écoles et les centres communautaires sont également en hausse.

Encore faut-il que les subventions soient maintenues, malgré les compressions du gouvernement Couillard. «Pour le moment, nous ne sommes pas touchées, mais nous sommes inquiètes, dit Maude Chalvim. On ne sait pas si on peut embaucher, on ne peut pas faire de planification sur un an ou deux.»

Et l'abolition des Agences de santé par le ministre Gaétan Barrette pour créer des CISSS complique la donne. «Présentement, on ne sait plus à qui parler, dit Maude Chalvim. Les gens en place nous disent qu'ils ne savent pas s'ils seront encore en poste dans les prochains mois.»

Pour Alexa Conradi, la solution passe également par le retour des cours d'éducation à la sexualité, disparus de nos écoles depuis une décennie. Elle déplore que le gouvernement tarde à mettre le programme en place: «On est en 2014 et nous en sommes toujours à étudier un projet-pilote».

Un registre québécois des armes à feu

Québec a d'ores et déjà annoncé qu'il créera un registre québécois des armes à feu, peu importe la décision de la Cour suprême. Le plus haut tribunal du pays doit décider au cours des prochains mois si la province pourra conserver les données de la portion québécoise du registre aboli par les conservateurs en 2012.

Celui-ci avait été créé dans la foulée de la tragédie de Polytechnique, où un homme armé a abattu 14 jeunes femmes à l'aide d'une arme semi-automatique.

La ministre Vallée estime que le registre est un outil important pour les policiers et les tribunaux. «Lorsque surviennent des cas de violence conjugale, de menaces, de harcèlement, si le prévenu possède des armes à feu, c'est de l'information qui est portée à l'attention des tribunaux. La remise des armes à feu pourra être prise en considération dans les conditions de remise en liberté», illustre la ministre de la Justice.

Les policiers utilisaient également le registre avant d'intervenir dans un domicile pour un cas de violence conjugale, ajoute-t-elle.

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