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Travail ou non travail du sol? Question pour une agriculture plus durable

Il y a pour mettre au point des manières de cultiver la terre innovantes et durable, très demandées par un nombre croissant d'agriculteurs, un champ de recherche très vaste pour les sciences agronomiques.
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Ce billet est publié dans le cadre de l'opération Têtes Chercheuses. Cette initiative du HuffPost France permet à des étudiants ou chercheurs de grandes écoles, d'universités ou de centres de recherche partenaires de promouvoir des projets innovants en les rendant accessibles, et ainsi participer au débat public.

Cultiver la terre, c'était d'abord la travailler et l'image de l'agriculteur a longtemps été étroitement associée à celle du laboureur. Cette vision des choses est profondément ancrée dans l'imaginaire d'une société qui, devenue essentiellement urbaine, ne perçoit que très imparfaitement les évolutions actuelles de l'agriculture et leurs motivations.

Car cet état de fait change et, désormais, dans les plaines céréalières, le labour est remis en question. Les agriculteurs et les chercheurs inventent d'autres moyens de préparer leurs champs et les méthodes de travail du sol évoluent en se diversifiant.

Les enjeux de cette évolution sont très importants : la façon de travailler le sol engage en effet non seulement les performances et la productivité de l'agriculture, mais également l'évolution de la fertilité des sols, la maîtrise de l'érosion, la préservation de la faune du sol, le stockage du carbone. Le défi est de trouver le meilleur équilibre entre tous ces effets du travail (ou du non travail) du sol. C'est un défi difficile à relever, car il suppose de bien connaître les processus qui conditionnent les conséquences des techniques aratoires sur les états du sol, sur la faune, sur les plantes, conséquences qui dépendent elles-mêmes fortement du climat, de la nature du sol ou de celle des cultures pratiquées.

Les objectifs assignés autrefois au travail du sol sont nombreux : assurer la mise en place des cultures, améliorer la circulation de l'eau et de l'air dans le sol, favoriser son réchauffement (dans les pays au printemps froid), lutter contre les infestations de mauvaises herbes ou d'organismes nuisibles. Le labour à l'aide d'une charrue à versoir, instrument symbolique du travail du sol, jouait un rôle important pour l'atteinte de ces objectifs multiples, à travers deux actions fondamentales : il aère le sol et, en le retournant, permet l'enfouissement des amendements organiques, des engrais, des résidus de culture et des organismes pathogènes qu'ils portent, des graines de mauvaises herbes.

Cependant, cette technique de travail du sol est remise en question pour trois types de raisons.

  1. Lorsqu'on laboure un champ, la dépense énergétique est très importante. La charrue, travaillant sur une profondeur de 30 cm environ, retourne une masse de terre de l'ordre de 4.800 tonnes par hectare. Il faut, pour la tirer, un tracteur puissant, qui avance lentement et consomme une quantité importante de gazole. Enfin, c'est une opération qui prend du temps et la durée nécessaire au labour a longtemps déterminé la surface maximale exploitable par travailleur.
  2. Le sol reste nu après son retournement, exposé à l'action des pluies. Dans certains cas (qui dépendent beaucoup des teneurs en argile et en limon de la terre) ceci entraîne des risques d'érosion hydrique. Par ailleurs, l'évaporation est rendue plus intense, ce qui peut être un avantage dans les zones humides où l'assèchement du sol avant le semis est recherché, mais s'avère pénalisant lorsque le climat est sec.
  3. Enfin, un travail du sol régulier perturbe la faune du sol, spécialement la macrofaune. Ainsi en parcelle régulièrement labourée, on observe que les populations de vers de terre sont moins importantes que dans les situations où la charrue ne passe plus que très rarement. La diversité des espèces est aussi moins grande.

Lorsqu'on abandonne le labour, on peut quand même travailler le sol à l'aide d'outils qui ne le retournent pas mais qui peuvent aider à détruire les mauvaises herbes et/ou à préparer la surface du sol pour recevoir les semences. Mais il existe aussi des agriculteurs qui font le choix du semis direct, c'est à dire d'un mode d'implantation sans aucun travail du sol autre que celui des organes du semoir (on utilise un matériel adapté), sur la ligne de semis. Ces techniques diverses, dont le choix dépend de multiples paramètres (type de sol, de culture, de climat, d'organisation de l'exploitation agricole) ont toutes deux conséquences directes qui vont profondément modifier l'état du sol.

En plus de la diminution de la fragmentation du sol, le non retournement du sol entraîne l'accumulation de matière organique en surface et dans les premiers centimètres de sol. Cette matière organique joue un rôle positif très important dans la protection physique de la surface du sol, la stabilisation de la structure, la rétention d'eau (protégeant le sol d'une évaporation excessive). Par ailleurs, elle sert d'abri et de source de nourriture aux organismes du sol. De plus, beaucoup de ces organismes profitent de l'absence de perturbation de leur milieu de vie ; notamment les vers de terre. Mais cette conséquence s'applique aussi aux agents qui nuisent à la culture : mauvaises herbes dont les graines restent en surface et qui exercent une compétition plus intense en l'absence de labour ; agents pathogènes (champignons, limaces...) liés aux résidus de la culture précédente rongeurs, dont les terriers ne sont plus détruits etc.. Lorsqu'on supprime le labour, il faut donc réviser la stratégie de protection des cultures. Cela se traduit parfois par un accroissement de l'usage de certains produits phytosanitaires (herbicides, molluscicides...). Si on veut l'éviter, il faut recourir à la lutte mécanique (notamment destruction des mauvaises herbes levées à l'aide d'outils à disques ou à dents). On peut aussi utiliser des plantes de couverture : le principe est d'installer la culture dans un couvert végétal déjà en place, couvert que l'on contrôle soigneusement. Mais ce type de méthode, très innovante, rend délicate la maîtrise de la culture.

Finalement, ces modifications vont jouer sur le cycle des éléments majeurs dans le sol (notamment ceux du carbone et de l'azote), les transferts d'eau, l'érosion, les émissions de polluants et l'activité biologique. Il y a donc, pour mettre au point des manières de cultiver la terre innovantes et durable, très demandées par un nombre croissant d'agriculteurs, un champ de recherche très vaste pour les sciences agronomiques.

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Avril 2018

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2013-10-31-logagrotech_ABL_RVB.jpgAgroParisTech est un des principaux établissements de formation et de recherche européens en sciences du vivant et de l'environnement. Il forme des ingénieurs, masters, docteurs et professionnels pour répondre aux enjeux de l'agriculture, de la forêt, de l'alimentation et du développement durable.
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