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Aide à mourir : des médecins piqués au vif par la Commission des soins de fin de vie

Aide à mourir : des médecins piqués au vif par la Commission des soins de fin de vie
Shutterstock / Lighthunter

Des médecins qui administrent l'aide médicale à mourir montrent des signes d'exaspération face aux agissements de la Commission des soins de fin de vie, que certains assimilent à de l'inquisition. Le ministre Barrette tente de la calmer le jeu.

Un texte de Davide Gentile

Louis Roy a contribué au débat qui a précédé l'adoption de la loi sur les soins de fin de vie. Le médecin était même formateur au Centre hospitalier universitaire de Québec avant son entrée en vigueur.

Mais, il y a quelques semaines, il a décidé de ne plus participer à l'aide médicale à mourir. « J'ai besoin de prendre un recul, parce que ça devient angoissant », témoigne-t-il.

C'est que, comme d'autres collègues, il a reçu plusieurs lettres de la Commission des soins de fin de vie. Certaines remettent en cause l'aptitude du patient à consentir. D'autres portent sur l'indépendance des médecins envers les patients dont ils doivent approuver les demandes.

Des médecins ont même été questionnés pour savoir si les patients étaient bel et bien mourants. « Ça donne l'impression que la commission se pose presque en commission d'inquisition », affirme Louis Roy.

Elle [la Commission des soins de fin de vie] vient remettre en cause l'intégrité professionnelle des médecins. Leur capacité de respecter ce qui est précisé par la loi.

Louis Roy, médecin

Il est étonné du ton des lettres envoyées par la commission. « Vous mettez en cause que j'ai osé poser un geste aussi grave que l'aide médicale à mourir et que je l'aurais fait sans le consentement explicite d'un patient? », s'indigne-t-il.

Le Collège des médecins semble aussi inquiet du ton et de la teneur des lettres envoyées aux médecins. Assez pour organiser avec le Commission des soins de fin de vie une rencontre vendredi après-midi pour tenter de calmer le jeu.

La compétence et l'impartialité de la commission remises en cause

À micro fermé, plusieurs médecins se questionnent quant à l'approche de la commission. Certains, comme Alain Naud, remettent carrément en cause sa compétence.

« Quand on analyse les 11 membres de la commission, les milieux desquels ils originent, ces gens-là n'ont aucunement la compétence, l'expertise pour juger de la prise en charge des médecins et de l'administration des aides médicales à mourir », fait-il remarquer.

Il est anormal, selon lui, que seuls 2 des 11 membres de la Commission des soins de fin de vie soient des médecins. Il remet même en cause l'impartialité de certains des membres.

Il y a des rumeurs persistantes dans le monde médical qui veulent que certains membres de la commission aient une opposition de fonds avec l'aide médicale à mourir. Je pense que ces rumeurs-là méritent d'être éclaircies.

Alain Naud, médecin

Son collègue Louis Roy estime, lui, que certains membres de la commission « sont ouvertement opposés » à l'aide médicale à mourir. « Alors là, tout à coup, la notion d'objectivité et d'indépendance peut se questionner. »

Barrette en arbitre

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, semble prêt à tendre l'oreille aux critiques formulées à l'endroit de la Commission des soins de fin de vie.

« S'il advenait que le ton et la façon de procéder de la commission aient cet effet-là, on a un problème », dit-il. Il souhaite que des ajustements soient apportés si l'approche de la commission éloigne certains médecins de l'aide médicale à mourir.

Cela s'ajoute au flou provoqué par l'adoption de la loi fédérale, plus permissive. Le débat entourant cette loi aurait donné des espoirs à des patients qui ne sont pas admissibles en vertu de la législation québécoise.

Mais la loi fédérale a aussi ajouté des contraintes, comme la nécessité d'attendre 10 jours entre la formulation de la demande et sa concrétisation. Ou encore l'obligation de faire signer non plus un, mais trois témoins.

« Ça devient très lourd », affirme Louis Roy, qui estime que la procédure totale prend entre 8 et 12 heures. Une situation qui, globalement, pourrait éventuellement induire une réduction de l'accès.

Plus de demandes, moins de médecins

Il y a peu de médecins qui acceptent les demandes d'aide médicale à mourir. Plusieurs sources indiquent que, cet été, dans certaines régions, on a cherché pendant des jours des médecins qui acceptent de participer à l'aide médicale à mourir.

La situation risque donc de se compliquer. Surtout que, selon Louis Roy, le nombre de demandes d'aide médicale à mourir augmente de mois en mois.

Plusieurs estimaient en décembre 2015 qu'une cinquantaine de malades par année auraient recours à l'aide médicale à mourir. Mais en juillet, plus de 160 malades avaient déjà obtenu l'aide médicale à mourir. Des sources estiment que le nombre total de cas dépassera les 250 d'ici la fin de l'année.

Voir aussi:

Québec

Le droit à l'euthanasie à travers le monde

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