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Les évêques canadiens veulent un débat sur l'aide médicale à mourir

Les évêques canadiens veulent un débat sur l'aide médicale à mourir
Radio-Canada

La Conférence des évêques catholiques du Canada appelle les candidats dans l'actuelle campagne électorale fédérale à débattre du droit à mourir dans la dignité. Et ils réclament l'instauration d'un système de soins palliatifs de qualité partout au pays.

Un texte d'Anne Marie Lecomte

Dans une déclaration rendue publique vendredi, les évêques du pays expriment leur « indignation » et leur « plein désaccord » avec la décision rendue unanimement en février dernier par la Cour suprême du Canada.

« Nous ne pouvons taire notre profonde consternation et déception devant la décision ce la Cour suprême du Canada de créer un nouveau ''droit constitutionnel'' au Canada, le prétendu ''droit au suicide''. »

— Extrait de la déclaration de la Conférence des évêques catholiques du Canada

Le plus haut tribunal du pays avait alors invalidé l'article du Code criminel qui interdit à un médecin d'aider quelqu'un à s'enlever la vie dans des circonstances bien précises. La Cour donne un an aux gouvernements fédéral et provinciaux pour réécrire leur loi à cet égard.

« S'il y a un moment pour avoir un débat, c'est bien maintenant, durant une campagne électorale », déclare le président sortant de la Conférence des évêques du Canada et archevêque de Gatineau, Mgr Paul-André Durocher. Or, s'étonne ce dernier, sur cette question qui traite littéralement de vie et de mort, c'est silence radio du côté des candidats fédéraux.

« Qu'est-ce qui se passe? Est-ce qu'on a peur? [...] Ces peurs empêchent le débat. C'est pas normal qu'on ne puisse pas débattre de ces questions-là durant une campagne électorale. Les candidats ont-ils eu des signaux de leur chef comme quoi c'est un sujet tabou? »

— Mgr Paul-André Durocher, archevêque de Gatineau

Des cas de conscience, notamment pour les médecins

Pour les évêques canadiens, il importe que les candidats se prononcent non seulement sur la décision du plus haut tribunal du pays, mais aussi sur la liberté de conscience des médecins qui seront appelés à intervenir dans ces situations délicates et controversées, sur le plan éthique.

En entrevue avec Radio-Canada, Mgr Durocher rappelle que les évêques envisagent la question sous l'angle du bien et du mal. « Alors que de nos jours, on juge plus cette question sous l'angle de l'autonomie », dit-il.

« Ce que nous disons, c'est que dans l'histoire de l'humanité, on a toujours jugé ça mal de mettre fin à la vie d'une personne innocente, affirme Mgr Durocher. Or, il y a un respect à porter à la vie elle-même. Et dans ce sens-là, tuer, sauf dans le cas de légitime défense, n'est pas acceptable. »

Le suicide et l'euthanasie

« Quand une personne en santé nous dit qu'elle veut s'enlever la vie, notre première réaction est de dire : "Ben non! Il n'en est pas question!" On a des associations et des campagnes pour prévenir le suicide. Mais là, parce que la personne est âgée ou en douleur on lui dirait : "Mais oui, vas-y". Pour nous, il y a une inconsistance. »

— Mgr Paul-André Durocher, archevêque de Gatineau

L'archevêque de Gatineau explique qu'il y a un risque que ce droit à mourir que confère la Cour suprême ne crée des attentes dangereuses. Autrement dit, qu'il y ait des abus : « Les familles vont-elles commencer à attendre "ça" de leurs parents âgés? Les aidants naturels vont-ils s'attendre à "ça" face à de grands malades qu'ils accompagnent? Ça ouvre une porte ».

« Au Québec en particulier on nous assure continuellement que cette loi-là sera très restreinte et que tous seront bien protégés. Mais en Belgique, on commence à étudier la possibilité d'euthanasier des enfants handicapés. On est rendus dans un autre monde et cela nous fait peur. Et pas seulement nous : des groupes de personnes qui luttent pour les droits des personnes handicapés ont peur aussi. »

— Mgr Paul-André Durocher, archevêque de Gatineau

De l'importance des soins palliatifs de qualité

La Conférence des évêques catholiques du Canada dénonce que les soins palliatifs ne soient pas accessibles à tous, partout au pays.

Mgr Durocher cite en exemple les régions où il a été appelé à travailler. Il a fallu des années, dit-il, pour que Cornwall se dote d'un centre de soins palliatifs, grâce à l'implication bénévole de médecins et à la générosité d'une église qui a fait don d'un terrain.

À Gatineau, décrit-il encore, le centre de soins palliatifs Mathieu-Fernand Savoie est en campagne de financement continuelle et nécessite des centaines de bénévoles pour fonctionner. Et dans le coin de Montebello, ces services-là ne sont pas accessibles. Des comités de citoyens cherchent un lieu, de l'argent. « De petits groupes communautaires tiennent ces projets-là à bout de bras ».

« C'est clair que lorsque les services en soins palliatifs ne sont pas accessibles, les gens sont portés à dire, devant le manque d'alternatives : "Je suis aussi bien de mettre fin à ma vie". Derrière cette question-là, y a-t-il des motifs économiques? On ne veut pas prêter de mauvaises intentions aux personnes qui ont à gérer ces dossiers-là. Mais on pose les questions. »

— Mgr Paul-André Durocher, archevêque de Gatineau

Encore du chemin à faire

De l'avis de la Conférence des évêques catholiques du Canada, il y a encore du chemin à faire en matière de recherche pour parvenir à mieux contrôler la douleur des grands malades en fin de vie. Et il faut sans relâche accompagner ces derniers : « C'est une question de fraternité », dit l'archevêque de Gatineau.

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