Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Un aîné canadien sur trois pourrait refuser de se faire vacciner. Ma grand-mère en fait partie.

Comme beaucoup de personnes âgées vulnérables à la désinformation, ses nouvelles positions à ce sujet lui ont été suggérées par un membre de la famille en qui elle avait confiance.

«Eh bien, j’ai entendu dire que les scientifiques et les médecins ne font que deviner! Ils ne savent pas encore ce qu’ils font! On ne sait pas ce qu’ils vont mettre dans notre corps avec cette injection.»

C’est ma grand-mère bien-aimée, qui a près de 95 ans, qui parle ici. Elle vit dans une maison de retraite et a toujours suivi les conseils de ses médecins. Lorsque son médecin lui a dit de faire deux promenades de 30 minutes par jour, elle a enfilé ses souliers. Elle était diligente dans la routine de suivi de sa cataracte, peu importe l’inconfort que cela provoquait. Et elle est toujours restée à jour par rapport aux vaccins contre la grippe et aux autres vaccins recommandés.

Mais récemment, elle m’a dit qu’elle prévoyait refuser le vaccin contre la COVID-19.

Le fait de se faire vacciner, ou non, est un choix individuel.
Cecilie_Arcurs via Getty Images
Le fait de se faire vacciner, ou non, est un choix individuel.

Compte tenu des procédures et des protocoles biomédicaux en place, je sauterais personnellement sur l’occasion de me faire vacciner et je diminuerais ainsi les chances d’infecter ma grand-mère — mais je dois attendre patiemment mon tour. Le gouvernement canadien a donné la priorité aux personnes âgées dans le cadre de la campagne de vaccination en raison de la probabilité statistiquement élevée qu’elles soient hospitalisées, ou pire encore.

File d’attente ou pas, le fait de se faire vacciner ou non reste le choix de l’individu. Une enquête récente de Statistique Canada a révélé que les personnes âgées (65 ans et plus) sont plus disposées à recevoir le vaccin que d’autres tranches de la population — cela peut être dû au fait que de nombreuses personnes âgées ont vécu personnellement la transformation positive qui a accompagné la campagne de vaccination contre la polio à la fin des années 1950.

Mais malgré leur volonté générale de se faire vacciner, près de 30% des personnes âgées ont exprimé une réticence par rapport à la vaccination.

L’hésitation des personnes âgées à se faire vacciner diffère du fort sentiment anti-vaccination exprimé par certains baby-boomers, qui est renforcé par des vidéos virales et des articles d’opinion circulant au sein des communautés en ligne et/ou sur les médias (sociaux) préférés fréquentés par cette génération. Et dans les groupes anti-vaccination catégoriques, il y a une méfiance psychologique plus large envers les idées dominantes et une attirance nette pour les théories du complot.

Mais ce n’est pas ce qui se passe avec ma grand-mère. Grand-maman n’a ni ordinateur ni téléphone portable, et possède encore moins la vue, la mobilité articulaire ou les connaissances techniques nécessaires pour se laisser emporter par le trou noir des vidéos virales. Elle regarde assidûment la chaîne d’information presque 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et elle m’a souvent dit que les téléspectateurs sont invités à visiter des sites Web pour obtenir plus d’informations sur des sujets comme le vaccin, ce qu’elle ne peut pas faire. La seule façon pour elle de recevoir «plus d’informations» est de converser avec les autres.

“Les personnes âgées reçoivent la majorité de leurs informations de la part de leurs proches aidants.”

L’explication la plus vraisemblable de sa soudaine méfiance à l’égard des vaccins est que la seule personne avec qui elle a un contact significatif ces jours-ci est ma mère, sa proche aidante. Mes deux parents sont catégoriquement anti-vaccination. Eux aussi ont choisi de ne pas se faire vacciner avec les doses qui seront proposées dans les semaines ou les mois à venir. Après avoir accumulé beaucoup de frustration personnelle et mené plusieurs conversations chargées en émotion, j’ai accepté le fait que ce n’est pas à moi d’essayer de changer la vision du monde de mes parents — ou, du moins, que je n’ai pas l’énergie surhumaine nécessaire pour les convertir. Finalement, nous avons convenu d’éviter tout simplement le sujet.

Mais je reste profondément préoccupée par ma grand-mère et toutes les autres personnes vulnérables qui ont développé une méfiance à l’égard du système médical. En ayant moins accès aux plateformes numériques et (souvent) une aptitude mentale réduite à traiter des informations complexes ou à rechercher d’autres points de vue, les personnes âgées reçoivent la majorité de leurs informations de la part de leurs proches aidants.

Les proches aidants peuvent être la seule source d'information d'une personne âgée.
shapecharge via Getty Images
Les proches aidants peuvent être la seule source d'information d'une personne âgée.

Même si moi-même, et d’autres personnes dans la vie de grand-maman, avons essayé de maintenir un contact régulier pendant la pandémie, nous avons beaucoup moins d’interactions avec elle que ma mère.

Une étude a révélé que le fait d’être exposé à des informations à plusieurs reprises a une corrélation directe avec la propension des personnes âgées à se souvenir de ces informations et d’affirmer leur authenticité. Imaginez à quel point les informations répétées ont beaucoup plus d’impact lorsqu’une personne n’a pas accès à des opinions extérieures pour contrer les discours selon lesquels le vaccin est sous-développé, mal testé et finalement dangereux. Cela me brise le cœur, parce que son choix de ne pas se faire vacciner la mettra sans aucun doute (et peut-être d’autres) en grand danger.

Que pouvons-nous faire pour offrir des informations plus complètes afin qu’ils puissent prendre une décision judicieuse et éclairée concernant le vaccin?

“Nous devons d'abord nous informer par l'entremise de sources crédibles, puis partager ce que nous avons appris avec les autres — en particulier avec ceux qui n'ont peut-être pas les moyens ou la motivation pour y accéder par eux-mêmes.”

Combattre les sentiments anti-vaccination était déjà assez difficile avant la pandémie. Croyez-moi, j’ai tout essayé durant la pandémie. Présenter des preuves — par exemple, le fait que les essais cliniques démontrent que le vaccin de Pfizer est efficace à 90% et celui de Moderna à 95% — parvient rarement à convaincre les gens dont les croyances «anti-vaxx» sont liées à une vision du monde plus large, comme mes parents.

Nous ne pouvons pas compter uniquement sur le personnel médical. Lorsque le foyer de soins de longue durée de grand-maman a informé ses résidents du plan de déploiement du vaccin, ils n’ont fourni aucune information sur l’innocuité du vaccin. Je suppose que c’est parce que le personnel est tellement surchargé et débordé en ce moment qu’on ne peut pas s’attendre à ce qu’il ajoute «éduquer les résidents à propos des vaccins» à leur liste. Mais, malheureusement, nous ne pouvons pas supposer que les personnes âgées accéderont de manière proactive à ces informations d’une autre manière: nous, les membres de leur famille, devons leur fournir.

Nous devons apporter un équilibre à ces opinions anti-vaccination. Nous devons nous assurer que les personnes âgées et les autres populations vulnérables reçoivent des informations plus équilibrées concernant le vaccin contre la COVID-19. Nous devons d’abord nous informer par l’entremise de sources crédibles, puis partager ce que nous avons appris avec les autres — en particulier avec ceux qui n’ont peut-être pas les moyens ou la motivation pour y accéder par eux-mêmes. Pour ma part, j’ai écrit au directeur de la maison de retraite de ma grand-mère et lui ai proposé de créer une courte brochure d’information à l’aide de ressources gouvernementales qui répondra aux questions sur l’innocuité du vaccin que certaines personnes âgées pourraient avoir.

En tant que professeur d’université, je me représente souvent l’éducation comme quelque chose qui se produit formellement dans une salle de classe, entre un enseignant et des étudiants. Mais l’éducation peut simplement passer par les conversations que nous avons avec les membres de nos cercles sociaux (virtuels). Appelez vos grands-parents, parents, tantes, oncles et amis: voyez s’ils ont des questions sur le vaccin et voyez si/comment vous pouvez y répondre. Soyons solidaires; nous sommes tous concernés.

Ce texte initialement publié sur le HuffPost Canada a été traduit de l’anglais.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.