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«Lost Soul» d'Anik Jean: le meilleur de deux mondes (PHOTOS)

«Lost Soul»: le meilleur de deux mondes (PHOTOS)
Pamela Lajeunesse

Anik Jean a trouvé une façon originale de faire vivre son album Lost Soul sur scène, en s’éloignant de la formule des spectacles traditionnels.

À sa démarche d’auteure-compositrice, la chanteuse a jumelé une aventure cinématographique. C’est-à-dire qu’au moment où elle pondait les chansons de son dernier opus, elle cogitait parallèlement un scénario de film. La première œuvre devenant intrinsèquement la trame sonore de la seconde, toutes deux se retrouvent mariées sur les planches dans une projection-concert portée par la voix d’Anik et les rythmes de ses musiciens. Une union dont on a pris la pleine mesure, mardi, au Théâtre Outremont, et qui pourrait être retentée éventuellement dans des festivals, au Québec ou à l’extérieur de la province.

Le complice d’Anik, Jean-François Bergeron, et elle, ont pratiquement occupé tous les postes sur leur plateau de tournage à budget restreint et entièrement autoproduit, de la direction photographique à la conception des costumes, en passant par la préparation du buffet qui a nourri tout le beau monde qui leur a prêté main-forte dans cette agréable galère.

«Lost Soul» d'Anik Jean

Anik Jean a même blagué, en s’adressant au public, à la fin de la prestation, mardi, que son amoureux, Patrick Huard, avait joué les cantiniers pendant la production de Lost Soul.

L’expérience entière est intéressante. Très intéressante, même. Le film, pratiquement sans dialogues, avec tout au plus quelques phrases en anglais, dure environ une heure, et comporte une vingtaine de pistes musicales, qui s’enchaînent les unes aux autres au gré des tableaux, dans un grand fleuve mélodique.

Anik Jean y interprète une mère de famille qui étouffe dans son quotidien trop paisible, avec son mari et ses deux fils pourtant parfaits. Mal dans sa peau, la femme prépare minutieusement son évasion dans les bois, à laquelle seront confrontés ses hommes, qui croiront d’abord à une disparition suspecte. L’issue pourrait être tragique, mais une paix se dégagera de la finale semi-heureuse de cette fresque campagnarde. Une paix temporaire, à tout le moins. L’envie du large peut-elle s’envoler à tout jamais chez quelqu’un qui rêve d’un ailleurs inatteignable?

Lost Soul, c’est l’expression de la souffrance : celle de cette maman indigne, mais aimante, comblée nulle part, celle du papa laissé pour compte, désemparé, celle des enfants démunis de perdre la première femme de leur vie. Certaines détresses se colmatent par contre mieux que d’autres. Et certains bonheurs ne s’avèrent que passagers, ou carrément superficiels.

Heureuse et fière

Rien à redire sur le jeu des acteurs, qui pourraient pourtant s’égarer dans ce contexte un peu hasardeux, sans textes pour se repérer. Anik Jean, Richard d’Anjou (de Too Many Cooks, qui incarne le père éploré), Liam Condo (l’aîné des deux garçons) et Nathan Jean-Huard (le fils d’Anik, mignon comme tout, dans la peau du cadet) sont authentiques et semblent chez eux dans ce cadre bien ficelé. Patrick Huard effectue aussi une apparition-éclair dans Lost Soul en personnifiant un policier.

Le petit orchestre de sept musiciens, incluant Anik au piano, et Richard d’Anjou à la voix, est majestueux, mais se fait visuellement oublier sous le grand écran où se joue toute l’intrigue. On imagine que l’effet était voulu. Idéal pour ce genre d’exercice, le Théâtre Outremont inspire l’atmosphère désirée dans ce genre de rendez-vous.

S’il n’a rien de très «hop la vie», le style musical de Lost Soul, très introspectif, centré sur les ballades langoureuses et vaporeuses, teintées de soul, de blues et même d’accents de gospel, met merveilleusement en valeur la voix d’Anik Jean, surtout connue du grand public pour ses morceaux à teneur davantage rock, comme Junkie de toi et Oh mon chéri (la version radiophonique qu’on connaît, car Anik revisite l’air sur Lost Soul et, cette fois, il décoiffe beaucoup moins).

Si on avait un pépin à reprocher à Lost Soul, c’est peut-être, justement, d’avoir les défauts de ses qualités. Les pistes sonores sont belles, pour ne pas dire envoûtantes, mais le spectateur gagnerait à reprendre ici et là son souffle. On aurait souhaité davantage de mots pour comprendre encore plus profondément le trouble de l’anti-héroïne, attachante malgré ses failles, et la perception de son époux de cet acte si radical de départ.

Inversement, on aurait parfois voulu vibrer avec le guitariste, le bassiste, le claviériste, le batteur, la violoniste et la pianiste, cerner leur regard, s’évader dans leurs offrandes. Lost Soul jumelle le meilleur de deux mondes, le cinéma et le concert mais, inévitablement, on perd un peu du charme des deux, dans la foulée.

Anik Jean a suscité les moqueries, il y a trois ans, avec la campagne de promotion liée à son quatrième album, Schizophrène, qui reposait sur de fausses lettres d’intimidation envoyées à des journalistes. Aujourd’hui, n’en déplaise à ceux qui sont encore blessés de ses gestes, on peut dire qu’elle revient en force. Peut-être l’album Lost Soul ne fracassera-t-il pas de records de vente, avec ses sonorités très campées, peut-être n’est-il pas le chouchou des radios commerciales (pas encore), mais on constate que l’artiste est allée au bout de son rêve avec ce projet anglophone qui lui ressemble. Surtout, on la sent heureuse et fière. Ses «Maudit que j’vous aime» répétés plusieurs fois pendant son mot de remerciements, mardi, en ont fait foi, hors de tout doute.

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