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«Anne...la maison aux pignons verts»: une histoire universelle

Frédéric Bélanger possède une intelligence remarquable quand il s'agit de rendre l'essence et l'âme d'une œuvre sur une scène de théâtre. Il réussit une fois de plus à nous captiver avec cette.
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Il y a un certain nombre de choses qui me scandalisent dans la vie. Parmi celles-ci, le fait que Anne of Green Gables de Lucy Maud Montgomery, publié en 1908 au Canada anglais, n'ait pas été traduit au Québec avant 1986. Je l'avais lu en anglais 15 ans auparavant, j'avais ri et j'avais été émue mais lorsque j'en parlais à mes amis québécois, je ne rencontrais que regards vides ou interrogateurs. C'est dans des moments comme ceux-là que les deux solitudes me rentraient dedans. Le même phénomène s'est produit pour moi avec Margaret Atwood et Robertson Davies, mais c'est une autre histoire.

Publié en 1986, donc, Anne... la maison aux pignons verts a connu ici, comme partout ailleurs, un succès phénoménal. S'ensuivirent séries télé, adaptations théâtrales et comédies musicales, rendant hommage à cette héroïne canadienne on ne peut plus universelle, parfait exemple de ce qu'il peut advenir des jeunes filles si on leur permet d'exercer leur curiosité et d'obtenir une éducation.

Ce récit d'apprentissage d'un genre nouveau pour le début du 20e siècle a été adapté et mis en scène par Frédéric Bélanger pour la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier. Le Frédéric Bélanger de, entre autres, D'Artagnan et les trois mousquetaires et de Sherlock Holmes et le chien des Baskerville, capable de capturer notre imagination avec quelques bouts de ficelle (j'exagère à peine) et qui possède, ma foi, une intelligence remarquable quand il s'agit de rendre l'essence et l'âme d'une œuvre sur une scène de théâtre. Il réussit une fois de plus à nous captiver avec cette Anne...la maison aux pignons verts.

Et le metteur en scène a aussi le don de s'entourer des comédiens parfaits pour les rôles qu'il adapte à partir de ces œuvres. Ici, la distribution est impeccable. La toute jeune et irrésistible Paméla Dumont (une vraie rousse en plus) est Anne Shirley, l'orpheline adoptée par Marilla et Matthew Cuthbert à la suite d'une erreur puisqu'ils avaient demandé un garçon. Avec un charme exquis, elle va nous entraîner dans ce petit village de l'Île-du-Prince-Édouard, flibustière des mots elle va séduire tous ceux qui l'entourent. Mais la mise en scène de Frédéric Bélanger permet aux autres comédiens de briller aussi : Steve Gagnon (un irrésistible Gilbert Blythe), Katrine Duhaime, Maxime Desjardins, Shauna Bonaduce et Clara Prévost-Dubé assument tous une présence forte et un dynamisme sans faille. En incarnant divers personnages (et ça peut être un peu mêlant pour ceux qui ne connaissent pas l'histoire) ils sont tous plausibles, drôles ou touchants. Les différents épisodes prennent place dans un décor minimaliste où une charpente de bois évoque les célèbres pignons. Et j'ai beaucoup aimé aussi qu'il y ait quelque chose de résolument ancré dans la réalité canadienne à travers cette adaptation. Anne n'est pas très loin du Survenant quand on y pense : l'étranger dont l'arrivée bouleverse l'ordre établi d'une petite communauté, l'intolérance et la méfiance qui se manifestent au premier abord, la différence qui s'exprime et qui constitue une menace. Ce sont les obstacles auxquels Anne se mesurera. Avec son imagination débordante, son côté drama-queen, son amour pour les livres, l'émerveillement perpétuel qu'elle éprouve devant la nature, elle va inviter la petite communauté où elle se retrouve à poser un regard neuf sur les gens et les choses.

Anne Shirley est une icône du féminisme qui revendique son droit à la différence, que ce soit de par la couleur de ses cheveux ou de la façon dont elle s'exprime. Anne Shirley est une ode à la féminité, à la force, au courage et à l'excentricité. C'est un personnage entier et complexe qui refuse l'à-peu-près et qui exige autant des autres que d'elle-même et qui reconstruit ce qu'elle a été forcée de quitter. Elle est habitée par le désir qui pousse l'activité humaine vers l'avant, le désir de connaissance, le désir de mystère. Anne, qui pourrait être désenchantée, est au contraire habitée par une belle folie qui la rend attachante et réelle à quiconque lit ou voit son histoire. Elle nous prodigue une morale de la femme debout avec ses envolées lyriques et grandioses portant sur les modestes frémissements d'une vie somme toute simple et sobre dont elle est capable de débusquer toute la beauté et toute la noblesse. Pour toutes ces raisons, je crois profondément qu'Anne est immortelle et un modèle dont on peut s'inspirer.

Anne...la maison aux pignons verts: une production du Théâtre Advienne Que Pourra, à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 22 décembre 2016.

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