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Dans l'antichambre de la trahison de Maria Mouriani

Tu parlais Maria d'un manque de respect à ton égard. Il faut être culottée pour parler de respect au grand public alors que tu as choisi le lendemain même de la démission de Daniel Paillé, avec lequel tu étais manifestement en conflit de personnalité, pour passer à l'ennemi, comme dans un ultime pied de nez.
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Ce billet a également été publié sur le blogue personnel de Jocelyn Desjardins.

«Un traître est un homme politique qui quitte son parti pour s'inscrire a un autre. Par contre, un converti est un homme politique qui quitte son parti pour s'inscrire au votre.» - Georges Clemenceau

Maria, ma députée.

Le 15 septembre dernier, comme tu l'as confirmé jeudi matin à la radio de Radio-Canada, tu m'as appelé pour me remercier d'avoir initié une pétition pour te soutenir après ton expulsion du caucus du Bloc québécois. J'en ai profité pour tenter de te convaincre de deux choses : demeurer indépendantiste et songer à retourner au sein du caucus du Bloc québécois si la situation venait à s'améliorer.

À cette dernière considération, tu as répondu: «Les seules choses qui me feraient revenir au Bloc seraient le départ de Daniel Paillé, les excuses de mes collègues députés et que je devienne la cheffe du Bloc québécois!». Devant tant d'outrecuidance, je me rappelle avoir eu un long silence.

Dans la même discussion, je suis revenu à la charge. Je t'ai parlé de Claude Ryan qui, fort ébranlé par la mort de l'Accord du Lac-Meech, est toutefois resté fédéraliste toute sa vie. C'est aussi le cas en ce moment de Fatima Houda-Pépin, malgré sa dissidence avec son parti sur la Charte. Je t'ai fait valoir que c'était là des choix trop fondamentaux pour les remettre en question et que, nous, les indépendantistes qui n'avions pas accès à la même tribune que toi, comptions en quelque sorte sur toi pour mener cette bataille difficile et délicate contre un projet de loi que certains indépendantistes comme moi ne peuvent pas piffer. Je me rappelle que tu as eu un long silence quand j'ai eu fini d'argumenter. Puis tu as changé de sujet. J'ai eu l'impression que ta décision était déjà prise.

De telle sorte que je n'ai pas poussé plus loin cette pétition d'appui à ton égard. Je ne l'ai mise en ligne nulle part et ai cessé d'en faire la promotion par la suite. Tu disais vouloir entrer dans une «période de réflexion». Mais selon moi, tu étais déjà dans l'antichambre de la trahison.

...

Ce matin, tu parlais d'un manque de respect à ton égard.

Il faut être culottée pour parler de respect au grand public alors que tu as choisi le lendemain même de la démission de Daniel Paillé, avec lequel tu étais manifestement en conflit de personnalité, pour passer à l'ennemi, comme dans un ultime pied de nez.

Il faut manquer de respect envers les membres du Bloc québécois pour chercher à prendre la direction de ce parti et en moins d'un an le quitter avec fracas puis insulter tout le mouvement indépendantiste et ceux qui, pourtant, te soutenaient.

Il faut être effrontée pour abuser comme tu viens de le faire de la confiance des électeurs et du travail des militants.

Il faut avoir beaucoup d'impudence pour annoncer un tel changement d'allégeance dans un dessein électoraliste alors même que tu reproches au projet de Charte d'être mené à des fins électorales. Il est renégat d'essayer de se justifier par de grands principes quant au fond, Maria, tu apparais aujourd'hui plus dépendante de ta situation professionnelle qu'indépendantiste.

Et, enfin, quelle insolence de changer de bateau alors que tu aspirais à la responsabilité d'en remonter un.

Je n'ai pas de pitié pour un manque de discernement politique aussi flagrant.

Ce que nous avons à construire est un pays. Ça ne se fera pas sans caractères forts et sans volonté de fer. Comme François Rebello, tu es perdue. En janvier 2012, je lui écrivais ceci: «... le danger qui guette tout homme politique est de perdre ses rêves. De céder aux caprices du pouvoir et de s'éloigner des idéaux qui l'ont mené au service public. Parce que la politique, c'est aussi une part d'utopie. En abandonnant ses idéaux, l'homme politique transmet une perte de sens. Comme un père indigne qui persuade sa fille qu'elle n'a pas les moyens ou les facultés de devenir astronaute, médecin ou ingénieure. En effet, lorsqu'on échoue à ses propres rêves, les rêves des autres n'ont plus de sens.»

Quelle sombre hypocrisie! Quel aveu de faiblesse! Tes idéaux étaient-ils si moches, tes rêves si ternes, tes valeurs si élastiques et ta conviction si ébranlable pour que tu cherches à t'en éloigner afin de mieux céder aux caprices du pouvoir ?

Quel gâchis, Maria.

...

D'autant plus qu'en annonçant ta décision, tu as commis des erreurs majeures.

La première erreur était de lier le projet de loi de Charte des valeurs du gouvernement du Parti québécois à l'idée d'indépendance en soi.

Il y a des pays indépendants xénophobes et des pays fédérés progressistes comme il y a des pays indépendants progressistes et des pays fédérés xénophobes. Tu pratiques l'amalgame sans tenir compte du fait que Jacques Parizeau, Bernard Landry, Lucien Bouchard, les députés de Québec solidaire, le chef d'Option nationale, Jean Dorion et plusieurs autres, que tu insultes en qualifiant de marginaux, rejettent à des degrés divers le projet de Charte des valeurs tout en restant farouchement indépendantistes.

L'indépendance est une chose, la Charte en est une autre. La Charte des valeurs, parce qu'elle risque d'aliéner des segments de l'électorat au projet indépendantiste, peut nuire à ce projet et c'est la raison pour laquelle je m'y oppose. Mais m'y opposer ne remet nullement en question mon indépendantisme. Pourquoi cela renverserait-il la valeur immense que je place dans la souveraineté de mon peuple? Si tu n'es pas capable, Maria, de voir la différence entre les grandes aspirations de ton peuple et un projet de loi, d'en faire la nécessaire distanciation, au fond, tu ne mérites pas vraiment le droit d'en parler.

Ta deuxième bourde, de catégorie mondiale celle-là, est de croire qu'une charte est meilleure que l'autre quant au respect des libertés fondamentales, que la Charte canadienne protège l'identité des Québécois, comme tu l'écris. Quelle fraude politique et intellectuelle fais-tu là! Tout, dans la Charte québécoise héritée de René Lévesque, de l'article 1 à l'article 16, va dans le sens d'une interdiction de toute forme de discrimination religieuse, en particulier dans l'accès à l'emploi. Pourtant, à l'article 27 de la Charte canadienne, il est énoncé ce qui suit: «Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens.»

Maria, tu ne crois plus à l'indépendance? D'accord, on peut en débattre. Tu veux croire à un beau risque 4.0? Là encore, on peut en débattre. Mais affirmer que la Charte canadienne protège l'identité québécoise, ça c'est une connerie et une vraie!

Enfin, ta troisième bêtise, de catégorie intergalactique cette fois, est de croire ou laisser croire que le Québec peut survivre et prospérer en tant que société de langue française sans pouvoir s'appuyer sur un État-nation. L'évolution démographique de la francophonie hors Québec et l'érosion du français au Québec prouvent au contraire que le système fédéral canadien, où la langue n'est qu'une question de choix individuel à la carte, favorise l'assimilation. Enfin, à l'échelle internationale, les seules « petites » langues qui tiennent le coup sont celles qui peuvent s'appuyer sur leur propre État, danois, islandais, slovène, malgache, kirghiz et autres, tandis que périclitent le corse, le breton, le gaélique écossais, le gallois, le tatar, le kabyle, le kalmouk, le mordve et autres caréliens.

Maria, ton engagement social et humanitaire demeure respectable et personne ne pourra enlever cela à ton crédit.

Tu as bien sûr le droit de changer d'avis, disent les gens dans de telles circonstances. Ça ne tuera pas le mouvement indépendantiste. Mais pour être un transfuge respectable, et les Québécos sanctionnent la plupart du temps les transfuges, il vaut mieux ne pas se présenter avec un argumentaire si pauvre.

Au fond, quand on épouse la cause de l'indépendance, c'est parce qu'on a suivi un raisonnement qui laisse place à peu de retour. Car une fois qu'on devient indépendantiste, une fois qu'on souhaite et travaille à la liberté de son peuple, comment oeuvrer le lendemain même à son enfermement et au maintien de sa dépendance politique sans se sentir un peu traître?

...

Ceci étant dit, je rejette l'unanimisme indépendantiste derrière ce projet qui laisse peu de place aux divergences ou appuis prudents. Je réprouve aussi l'irresponsabilité avec laquelle le débat sur la Charte des valeurs est mené par le gouvernement du Québec. Partiellement respectable dans ses principes et mal échafaudé dans ses propositions d'applications, le gouvernement devrait à la fois refaire ses devoirs et apaiser le débat eu égard à ce projet de Charte. Il s'obstine pourtant à serrer la vis un peu plus à chaque détour et à limiter arbitrairement les droits des minorités pour calmer les craintes d'une majorité.

De par les exigences qu'ils tentent de poser à l'ensemble de la famille indépendantiste, Pauline Marois et le ministre Bernard Drainville sont les premiers responsables de la crise qui secoue le Bloc Québécois depuis septembre dernier. Ce sont eux qui ont saboté sans le vouloir peut-être le labeur patient et enthousiaste de Daniel Paillé pour remettre sur les rails un parti ébranlé par l'élection de seulement 4 députés en 2011.

Quelques examens de conscience s'imposent et, malheureusement, on sait qu'ils ne viendront pas

...

Peu importe ce que je pense de ce projet de Charte, je demeure indépendantiste coûte que coûte.

Maria, comme Rebello, comme Legault, tu es tombée dans l'illusion. Tu as égaré ton si beau gouvernail politique, tu as baissé les bras et dis à tous que tu ne sais plus ou pas te battre pour ton pays.

Finalement, Maria, je regrette d'avoir initié une pétition pour te soutenir. Tu ne valais pas cette marque d'attention. Et c'est Daniel Paillé qui avait raison.

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