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Au Canada, l'accès à de l'eau potable devrait être un droit de la personne

Le Canada a beau être un pays riche et développé, le fait que des conditions de vie aussi déplorables persistent dans des endroits comme le lac Shoal, ainsi que dans des centaines d'autres réserves et communautés autochtones, métis et inuit à travers le pays, est une honte nationale et doit être résolu immédiatement.
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Le Canada figure parmi les nations les plus riches du monde, mais notre richesse n'est pas distribuée équitablement. Plusieurs communautés, particulièrement celles du nord et autochtone, souffrent d'un manque d'accès à de la nourriture saine et abordable, à de l'eau propre, à des logements adéquats et à d'autres infrastructures de base. Un exemple ironique de cette disparité est le lac Shoal, à environ deux heures à l'est de Winnipeg. Là-bas, deux réserves indiennes, la bande 39 et 40, sont situées à côté de la principale source d'eau potable de la Ville de Winnipeg, mais la réserve de la bande 40 est sous un avis d'ébullition d'eau depuis des décennies.

L'histoire du lac Shoal est compliquée. Tout d'abord, la frontière entre le Manitoba et l'Ontario passe en plein milieu du lac. Winnipeg, depuis 1914, y puise son eau potable du côté manitobain via un aqueduc de 153 kilomètres de long.

J'ai visité le lac Shoal lors de la Tournée bleu Terre en appui aux droits environnementaux. En conduisant vers l'est, le long de l'autoroute Transcanadienne en direction de Kenora, nous avons traversé l'aqueduc avant d'arriver à Kejick, là où se trouve la bande 39. C'est là que le Chef Fawn Wapidoke de la bande 39 et le Chef Erwin Redsky de la bande 40 nous ont accueillis. Sur place, nous avons participé à une cérémonie traditionnelle d'eau organisée par les aînés de la bande 39. Le Chef Wapioke a alors expliqué qu'à cause de l'eau puisée par Winnipeg, la communauté doit maintenir un niveau d'eau artificiel, et cela affecte la pêche et la récolte de riz sauvage.

J'ai aussi visité la première nation voisine, la bande 40, que l'on peut atteindre de la rive par un court trajet en barge. À l'origine, la communauté était sur une mince pointe émergente du côté ouest du lac, mais elle fut coupée de ses voisins en 1914 par un barrage construit afin de canaliser les eaux marécageuses pour la prise d'eau potable, convertissant ainsi la péninsule en île.

Le canal bloque l'accès à l'ouest, et le lac Shoal bloque l'accès à l'est. En été, quand la barge fonctionne, il n'y a pas de problème à quitter la réserve de la bande 40 via la réserve de la bande 39 et la route 673. En hiver, il est possible de traverser le lac Shoal en motoneige ou à pied et une route de fortune en hiver a permis un accès à l'ouest au cours des dernières années. Cependant, deux fois par année, au gel et au dégel, il est dangereux de traverser le lac par la route, en barge ou à pied, ce qui isole la communauté du reste du monde, souvent pour plusieurs semaines consécutives.

La situation est à ce point sérieuse que des gens sont morts, parce qu'ils attendaient que des services médicaux arrivent de Kenora, située à environ une heure via l'autoroute Transcanadienne. On entend parler d'une foule d'histoires de fausses couches, de maisons brûlées et d'autres situations de sécurité personnelle ou publique menacée. Une lettre de la Commission mixte internationale Canada et États-Unis dit « ils nous ont dit que le retrait du passage direct et sécuritaire entre la Ville de Winnipeg et la bande 40 a assurément causé la mort de neuf membres de cette bande ». La commission a aussi mentionné que les premières nations ne recevaient pas une compensation adéquate.

Il y a moins de 40 ans, la pêche commerciale permettait à la bande 40 d'être autosuffisante économiquement. Cependant, au début des années 80, le gouvernement de l'Ontario a interdit cette pratique pour éviter une surpêche. Il y a 18 ans, un avis d'ébullition de l'eau a été émis et jamais levé parce que la communauté, avec ses 250 habitants, était jugée trop petite pour justifier une usine de traitement de l'eau. Aujourd'hui, un dépotoir à ciel ouvert et des fosses septiques débordantes gâtent l'île.

Le corps humain est constitué d'eau à environ 60 %. Dans un sens, cela veut dire que les habitants de Winnipeg ont un lien direct avec les territoires des réserves du lac Shoal, qui sont la source de l'eau qu'ils utilisent pour boire, cuisiner, nettoyer et se laver. Alors que les résidents de Winnipeg profitent de l'eau potable, les habitants de la bande 40 souffrent à cause d'une eau qui ne répond pas aux normes et qui met leur santé en danger à chaque fois qu'ils ouvrent le robinet. Cette situation est plus qu'injuste et bien plus qu'un simple problème environnemental. C'est le retrait du droit fondamental de tous les Canadiens à un accès à de l'eau potable, propre et sécuritaire.

Le Canada a beau être un pays riche et développé, le fait que des conditions de vie aussi déplorables persistent dans des endroits comme le lac Shoal, ainsi que dans des centaines d'autres réserves et communautés autochtones, métis et inuit à travers le pays, est une honte nationale et doit être résolu immédiatement. Voilà une raison de plus pour laquelle le droit à un environnement sain doit être reconnu par tous les paliers de gouvernement au Canada -- et, ultimement, dans notre constitution.

Ce billet a été écrit avec la contribution de Michael Dan, neurochirurgien, philanthrope et défenseur des premières nations, qui a accompagné David Suzuki au lac Shoal.

Pour en savoir plus, visitez davidsuzuki.org

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