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Je m'excuse de ne pas déranger

Je suis autiste, très autiste. Même si ça ne paraît pas trop. C'est ce que deux médecins m'ont annoncé à l'aube de mes 35 ans.
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Bonjour cousin humain, comment vas-tu?

Je prends le temps de t'écrire quelques mots parce que j'ai besoin de toi.

Je suis autiste, très autiste. Même si ça ne paraît pas trop. C'est ce que deux médecins m'ont annoncé à l'aube de mes 35 ans. Ça fait donc 7 ans que je vis avec cette condition étrange et j'avais envie de t'en parler. Surtout que dans ma tête à moi, je suis tout à fait normal. C'est toi qui es étrange et différent.

Quand je ferme les yeux, je suis fondamentalement heureux. Mais quand je les ouvre, c'est une autre histoire. Le choc de la cohabitation avec toi et les codes de ta société me rendent l'existence complexe.

Mon univers à moi, il est parallèle au tien. Pas dans le sens d'une autre dimension, mais plutôt d'un refuge sur une île déserte au milieu d'une mer de monde. Je dois faire un effort pour vivre dans ton monde concret alors que le mien est fait d'abstrait.

Quand je vais chez toi, je me sens comme sur un trampoline. Ça vibre dans tous les sens et c'est instable et inconfortable.

Mais ne t'en fais pas, je ne te dérangerai pas avec ça. J'ai appris à m'arranger pour que ça ne paraisse pas. Tu ne me croiras pas, mais je travaille comme animateur de radio. Pour vrai!

Toi, mon cousin humain, tu as cette manie de vouloir interagir avec d'autres semblables, mais la plupart du temps, tes propos sont vides de sens et tu parles pour ne rien dire. Mais c'est attachant et j'aimerais éprouver autant de plaisir que toi à piquer une jasette impromptue.

Tu te demandes pourquoi j'ai décidé de t'écrire? D'abord parce que c'est la mode. D'autres l'ont fait avant moi - je sais - je passe souvent 2e.

Mais c'est important de le faire maintenant, d'abord pour m'excuser. Ce message, je le prépare depuis toujours, mais j'attendais d'avoir les bons mots avant de l'écrire.

Je veux m'excuser auprès de tous ceux qui se sont sentis blessés par moi. Sache, si j'ai parfois semblé user de ta confiance, de ta naïveté ou autre, je le faisais sans malice et sans aucune intention de blesser.

Je réalise trop tard que j'ai mal agi et je comprends dans ton regard que je t'ai souvent déçu. C'est pourquoi j'ai déménagé 30 fois dans ma vie. Cette accumulation de codes devenait trop complexe à gérer. Je suis souvent parti sans dire au revoir, comme un voleur qui déguerpit après avoir capturé son butin. Je l'ai fait pour ne pas t'importuner davantage, pour libérer la place sans te déranger.

Mais aujourd'hui, je t'écris pour te dire que j'ai besoin de ton étreinte. Même si le contact physique me fait mal, j'ai besoin que tu me serres dans tes bras.

Je me sens seul, même si la solitude me fait du bien

Tu ne le sais peut-être pas, mais je suis capable d'amour comme c'est impossible à imaginer. J'aimerais pouvoir te montrer les couleurs qui explosent et qui chantent dans mon cerveau tellement c'est beau. Si seulement tu arrivais à m'aimer autant que je t'aime, à regarder au-delà de mes yeux, sans me toucher, à entendre ce que ma bouche n'arrive pas à dire, à sentir ce que mes mains n'arrivent pas à communiquer. Donne-moi une chance.

Cela m'attriste quand tu me prêtes des intentions, me traite de snob. Je n'ai aucune malice et aucune méchanceté. C'est l'une des nombreuses émotions que je n'arrive pas à cerner. Je suis d'abord centré sur moi et uniquement moi, parce que dans mon monde, je suis le seul à exister.

J'ai toutefois appris que dans ton univers d'humain, cela s'appelait l'égoïsme. Je me suis donc adapté à toi.

Je ne comprends toujours pas pourquoi tu passes autant de temps à t'intéresser à la vie - et au problème des autres - quand s'occuper de toi est déjà complexe. Mais tu m'as appris que cela s'appelle de l'empathie et je l'ai mis en pratique.

Cela a conduit à de grandes frustrations, mais tu m'as appris la retenue et ainsi de suite. Quel monde compliqué dans lequel tu vis.

Quand tu verras mes yeux s'échapper des tiens, quand tu me sentiras ailleurs, sache que tu as raison. Mais rassure-toi: je ne t'aurai pas abandonné! Je serai simplement rentré à la maison et je t'attendrai patiemment. C'est beau ici.

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