
Depuis quelques semaines, j'ai la fièvre et ne cesse d'avoir des hauts le cœur. En vérité, j'ai le blues, le spleen, la saudade ou appelez-le comme vous voudrez. J'ai vu à la télé que Nelson Mandela a de nouveau été hospitalisé. Mon inquiétude est allée crescendo à la vue des magazines lui consacrant des Unes. «Cela n'augure rien de bon», me suis-je dit. «Astafouroulaye!», Birama ne souhaite point être un oiseau de mauvais augure, mais cette idée d'imaginer le futur sans lui est juste démoralisante. D'autant plus démoralisante qu'il est le dernier héros vivant de l'Afrique contemporaine.
J'ai eu cette merveilleuse chance de le rencontrer, lui parler, lui serrer la main. «Oh tu veux être journaliste? Donc, je devrais me méfier de toi» m'a-t-il lancé au palais de Koulouba lors de sa visite au Mali en 1996, avant d'éclater de rire. Pour moi, en ce moment précis, Mandela n'était pas le célèbre prisonnier de Robben Island chanté par Mokontafé Sacko ou Johnny Clegg. Il n'était pas ce mythe vénéré comme un Dieu. Mandela, appelé affectueusement Dada en Afrique du Sud, était devenu un membre de ma famille, un grand-père jovial, un homme simple et humble qui malgré les années d'épreuves se tenait droit sur son siège, ne cédant jamais à la mégalomanie. En sortant de prison, n'a-t-il pas déclaré: «Je ne suis pas un messie, mais un homme comme les autres, devenu dirigeant par un extraordinaire concours de circonstances». Ah si seulement, certains pouvaient prendre exemple sur lui, eux qui ont, par moment un plein pouvoir illégitime, ou ramassé dans la rue ou encore accordé par intérim. Pardon, ne gâchons pas cet hommage à un vrai héros! Ca fait cliché, mais ne mélangeons pas les uns et les autres.
Mandela, un héros ! Oui, Il est sorti de prison et a tendu la main à ses oppresseurs pour construire ensemble une nation Arc en Ciel. L'Afrique du Sud, c'était l'Apartheid et ses profondes injustices: le traitement préférentiel accordé aux blancs, les humiliations quotidiennes subies par les noirs, les massacres des populations noires à Sharpeville, Soweto...et ses conséquences sur l'image de l'Afrique du Sud entière à travers le monde. Et Mandela passa pour redresser son pays sur un plan moral, politique, social...
De Mandela, nous devons porter haut et fort les idéaux qui sont de vivre dans une société libre, démocratique, juste et fraternelle. Comme lui, nous devons être prêts à nous sacrifier pour stopper l'oppression, la domination d'un groupe sur un autre. Cela a tout son sens dans le Mali d'aujourd'hui où la loi du vainqueur, du détenteur d'armes domine. C'est dur, mais il nous appartient aussi de ne pas haïr ceux qui martyrisent les populations maliennes. Il nous appartient de voir une part d'humanité en eux et aller vers eux pour dialoguer, se comprendre et construire un avenir commun. Méditons sur cette pensée de Mandela «tous les hommes, même ceux apparemment inaccessibles à la pitié, ont toujours un fond de bonté; si on arrive à toucher leur cœur, il est possible de les faire changer». Mandela l'a fait avec Peter Botha et les Afrikaners extrémistes, alors pourquoi ne le ferions-nous pas avec le Mouvement national delibération de l'Azawad (MNLA) et associés?
Ce jour de mars 1996, avant de prendre congé, Dada m'a serré à nouveau la main et m'a dit «Bien monsieur le journaliste, ce fut un honneur de faire votre connaissance». Honneur? Moi? Un enfant? Par lui, le plus grand homme d'État de la planète, l'ami des plus grandes stars, wow! À l'époque cela m'était monté à la tête. Je suis resté deux jours sans me laver la main. Aujourd'hui, cette rencontre a toute sa signification. C'était sa manière de me dire que l'enfant que je suis était le futur de l'Afrique. Pour ça, je méritais tout le respect et toute la considération du monde. Il plaçait ainsi espoir en moi et me donnait confiance. Depuis, nos chemins ne se sont plus recroisés. Cela dit, il s'est à jamais installé dans mon cœur comme un grand-père. Alors, je vais suivre les recommandations de mon groupe de rap préféré Sexion d'Assault en lui disant que je l'aime «avant qu'(il) ne parte». Que Dieu te donne au moins 100 ans Dada. Amin!
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