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Bernardino Femminielli, artiste multidimensionnel (ENTREVUE)

Bernardino Femminielli, artiste multidimensionnel (ENTREVUE)
Anais Ramos

De retour d’une tournée européenne, Bernardino Femminielli a donné deux spectacles les 4 et 5 septembre derniers à la Brasserie du Trèfle Noir de Rouyn-Noranda dans le cadre du Festival de Musique Émergente. Rencontre avec un artiste humaniste qui accumule plusieurs casquettes.

Devant le bar, une scène improvisée où Bernardino Femminielli a planté son décor: encerclé de franges brillantes et de fanions américains, l’artiste perché sur des souliers plate-forme argent porte un complet aux couleurs des États-Unis. Il finira une heure plus tard en slip de cuir, noyé dans une fumée rosâtre. Femminielli, qui a choisi son pseudonyme en hommage aux travestis napolitains, rentre dans une peau d’acteur, chante des dialogues et ballades érotiques en appuyant ses regards, le tout soutenu par une instrumentale s’échappant d’un portable posé à hauteur de son bras. Il perd quelques spectateurs dans la foulée.

Total art

L’artiste montréalais rentre tout juste d’une tournée européenne, où il a donné ce spectacle accompagnant la sortie de l’album Plaisirs Américains. Pour autant, il ne fallait pas s’attendre à entendre les interprétations des titres évocateurs qui le composent (Touche-pipi, Gluantes pornographies, Babylone Strasse…). Bernardino Femminielli parle d’une «extension de l’album», soit un show conceptuel où l’on prend la scénographie séparée de la musique. Les connaisseurs y reconnaîtront la recette du délirant Chaudtime, la capsule expérimentale du feu restaurant Bethlehem XXX.

Nous échangeons avec Femminielli dans le sous-sol de la brasserie où il vient de performer. À la question de savoir comment ce spectacle surprenant a été mis en place, il répond: «Il s’agit de créer des choses disparates, sans filtre et dévierger, reproduire l’état d’esprit du Bethlehem avec des costumes et des décors». Pour situer les choses, ce fameux établissement du Boulevard Saint-Laurent était un restaurant expérimental qu’il menait de front avec Beaver Sheppard (artiste, chef et moitié du duo CO/TRY). On comprend alors que Femminielli est un artiste qui tend à s’exprimer à travers une série de médiums. La restauration, la scénographie, la musique… Il dénombre également l’écriture et le cinéma.

«C’est maintenant que je m’exprime le plus ouvertement, le plus librement et le plus maladroitement, pour évoluer vers des concepts plus précis qui arriveront les prochaines années (…) J’ai joué dans différents groupes, je compose, mais je me suis rendu compte que je ne suis pas musicien. En réalisant cela, quelque chose s’est brisé et je me suis dirigé vers la conception. Ça m’a aidé à m’éloigner du musicien incapable que j’étais et à développer mon langage, ma poésie dans d’autres médiums et par d’autres gens. C’est ce qu’on appelle de l’art total.»

Influences majeures

À l’écoute de Plaisirs Américains et à la vue de ce spectacle, les influences apparaissent plurielles. Femminielli cite le compositeur contemporain Robert Ashley, l’art bâtard de Pippo Delbonno et rend hommage au cinéma: «Les dialogues, les décors…. Ça a toujours été l’élément sauveur de toute musique, car pour moi la musique en tant que telle est vide. J’ai appris à aller vers la performance, alors que j’aurai pu être coincé à une seule figure avec le cinéma ».

Puis, Femminielli évoque ce que lui inspire l’humanité et cite Fassbinder: «Je lis beaucoup de biographies, j’étudie et j’admire la poésie de certains individus qui racontent des choses précises comme Fassbinder, alors que moi j’en suis incapable. En cela, il est l’un de mes plus grandes influences artistiques et intellectuelles. Il n’a pas eu peur, il s’est brûlé et a toujours continué dans sa direction. Je me vois dans son début de cheminement, c’est important de se reconnaître dans certaines idoles, s’influencer et s’identifier.»

Un autre spectre plane sur le travail de Femminielli: «Gainsbourg est une influence majeure pour un certain langage, un laisser-aller et une musicalité, la tradition du chant parlé. On le voit héroïque, alors qu'on se moquait de lui. Il y a du masochisme quand on regarde tout ce qu’il a fait et je trouve ça séduisant. Gainsbourg a incarné mille choses, a eu une vie complète et a souffert en restant libre et en refusant beaucoup de choses.»

Quant à ce qui sous-tend ces Plaisirs Américains? «Ce disque et ce spectacle, c’est ma façon de voir l’Amérique, ce territoire qui a affecté ma famille et qui est en en fait un concept. C’est à la fois ironique et hyper réel, comme ma musique. Je laisse cette réponse la plus poétique possible car ça ne me dit plus rien.»

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