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Bientôt la Francophonie sans francophonie?

La candidature rwandaise de Louise Mushikiwabo n'est certainement pas pour œuvrer au rayonnement de la langue française ni pour faire la promotion des valeurs démocratiques prônées par l'OIF.
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Louise Mushikiwabo
Darren Ornitz / Reuters
Louise Mushikiwabo

L'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) est une institution fondée essentiellement sur le partage de la langue française comme levier de coopération, et a pour vocation de promouvoir des valeurs fondamentales communes telles que la primauté du droit, la gouvernance démocratique, la consolidation de l'État de droit, le respect des droits de la personne et des libertés fondamentales.

Par les mandats qui lui sont confiés par les États et gouvernements membres, notamment d'agir pour prévenir et régler pacifiquement les conflits dans l'espace francophone, l'OIF est reconnue également comme un acteur international qui contribue en faveur de la paix et de la sécurité mondiales.

Le secrétaire général, clé de voûte de la Francophonie, est chargé justement de mettre en œuvre l'action politique et diplomatique, d'animer et de coordonner la coopération entre les États et gouvernements membres en vue d'atteindre les objectifs que ceux-ci se sont fixés.

En effet, comme nous l'avions noté dans notre précédente publication, il nous paraît assez suspect l'intérêt soudain du Rwanda pour la Francophonie, lui qui a toujours accusé la France de complicité de génocide et a même banni la langue française dans l'enseignement et l'administration publique.

Le soutien de la France à la candidature de la ministre rwandaise des Affaires étrangères nous paraît tout aussi incompréhensible que cela puisse paraître et difficilement justifiable compte tenu de l'état actuel des relations diplomatiques entre les deux pays.

Rappelons que, depuis le génocide de 1994 et l'arrivée au pouvoir des autorités politiques actuellement au Rwanda, la France a déployé des efforts considérables pour rétablir le dialogue en vue de renouer les liens brisés avec ce pays, mais le Rwanda rechigne toujours à rétablir les relations diplomatiques saines avec celle-ci. La crise de confiance perdure encore, en dépit de toutes les tentatives bien intentionnées de la France.

Les relations entre les deux pays sont tendues, voire même exécrables, et ce, peu importe le nombre de fois où les deux présidents, Emmanuel Macron et Paul Kagame, se sont entretenus.

En tout état de cause, la candidature rwandaise n'est certainement pas pour œuvrer au rayonnement de la langue française ni pour faire la promotion des valeurs démocratiques prônées par l'OIF. Bien au contraire, cela aura pour effet d'annihiler tous les efforts déployés jusqu'ici par cette organisation en vue d'accompagner le processus de transition démocratique en cours dans un certain nombre de pays de l'Afrique francophone notamment.

Selon des sources bien informées au sein de cette organisation, le Rwanda a fait preuve d'un certain laxisme dans l'acquittement de sa contribution statutaire à l'OIF dans les temps requis, et ce, pendant des années. En 2014, par exemple, l'Organisation a dû lui accorder une réduction de 50 % et s'entendre sur un calendrier de paiement régulier. Mais, malgré cela, le compte est resté en souffrance pour une maigre contribution de 30 000 euros l'an. Dans une récente réunion, le Comité sur les arriérés est revenu à la charge pour exiger du Rwanda le paiement de ses arriérés pour les années 2015, 2016, 2017 et 2018.

Qu'à cela ne tienne, le Rwanda, pour des raisons que l'on ignore encore, est déterminé à prendre la direction de la Francophonie. Et, sa diplomatie s'active en coulisse autant sur les plans bilatéral et africain pour y parvenir. Les puissants médias de l'espace francophone sont mis à profit pour assurer une couverture médiatique ouvertement favorable à la candidature de Louise Mushikiwabo.

Tout compte fait, les raisons sous-jacentes pouvant expliquer l'intérêt soudain du régime rwandais à l'égard de la Francophonie sont à rechercher ailleurs que dans la volonté de faire avancer les objectifs contenus dans la « Déclaration de Bamako », renforcés par la « Déclaration de Saint-Boniface », deux textes normatifs de référence, l'un sur le respect des règles de la gouvernance démocratique et de l'État de droit, l'autre sur la sécurité humaine et la responsabilité de protéger.

En effet, les nouvelles réalités mondiales nous rappellent qu'aucun État, aussi puissant soit-il, ne peut à lui seul relever les immenses défis qui nous attendent, ni dicter voire imposer sa volonté, mais il est nécessaire d'instaurer un ordre international fondé sur un multilatéralisme efficace. Ainsi, au lieu d'affaiblir la Francophonie en la déstabilisant dans son action, il vaudrait mieux reconnaître et investir davantage dans sa plus-value, en lui apportant des moyens supplémentaires à la hauteur de l'ambition légitime qu'elle porte et qui la définit.

Il va sans dire qu'il appartient aux chefs d'État et de gouvernement membres de la Francophonie, dans leur grande sagesse, de faire preuve de réalisme en ne brisant pas la dynamique engagée par les prédécesseurs, Boutros Boutros-Ghali, Abdou Diouf et poursuivie par Michaëlle Jean.

Un choix judicieux pour l'avenir de la Francophonie devait tenir compte des impératifs en accord avec les objectifs fondamentaux et missions originelles de l'Organisation, à savoir la promotion de la langue française et de la diversité culturelle, mais aussi du respect des valeurs communes, telles que la primauté du droit, les droits de la personne, la consolidation de la gouvernance démocratique, de l'État de droit et la protection des libertés publiques fondamentales.

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