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«Derrière chaque écrivain, il y a un apprenti perpétuel» - Blaise Ndala

«Derrière chaque écrivain, il y a un apprenti perpétuel» - Blaise Ndala

Pour Blaise Ndala, la frontière entre le récit (histoire vécue) et la fiction est plus poreuse qu'on pourrait l'imaginer. L'auteur d'origine congolaise installé à Ottawa, parti récemment « humer l'air de Dakar et sentir battre le pouls de l'Afrique », dresse pour nous un portrait fort poétique du genre, en toute humilité.

Il y a 10 ans, à peine débarqué de Belgique, sa maîtrise de droit en poche, Blaise Ndala vendait des cartes de crédit dans un centre d'appels de Montréal pour un peu plus que le salaire horaire minimum.

Sept ans plus tard, il publie son premier roman, J'irai danser sur la tombe de Senghor(L'Interligne), dans lequel il revisite le combat du siècle entre Muhammad Ali et George Foreman en 1974 au Zaïre, au lendemain de la décolonisation. Le livre remporte le Prix du livre d'Ottawa 2015. L'année suivante, l'auteur est lecteur pour le Prix du récit Radio-Canada. Son deuxième roman, Sans capote ni kalachnikov, une plongée au cœur d’un conflit armé et d'un monde obsédé par la célébrité et par la marchandisation de la misère, vient de paraître aux éditions Mémoire d'encrier.

Mettre le réel en musique

Sans entretenir de relation exclusive avec le récit (il se définit plutôt comme un « éclectique littéraire »), Blaise Ndala avoue que ce qu'il aime en particulier dans le genre, c’est la possibilité qu’il offre à l’auteur « d’échafauder de manière libre et authentique [sur] un événement souvent connu de plusieurs individus. »

Car plus qu'une simple narration d'un fait réel, le récit est une « mise en musique de la réalité », et c'est ce qui le rend si singulier et attachant pour le lecteur.

Cinq habitants de Lac-Mégantic peuvent signer autant de textes relatant comment ils ont vécu le drame qui a fait partir en fumée ce qui leur était cher, de même que 50 amis de Donald Trump peuvent nous raconter la dernière victoire électorale de leur champion. Mais dans un cas comme dans l’autre, indépendamment de ce que Lac-Mégantic ou le candidat américain évoquent dans notre esprit, il est possible qu’un seul de ces récits hante notre sommeil.

Fuir le nombrilisme

Écrire sur soi ne devient une expérience digne de la littérature qu’à une condition : il faut que ce soit un alibi pour rejoindre l’autre.

Si je me souviens du béguin que j’ai eu à 13 ans pour ma prof de français et le procédé absolument incroyable que j’ai mis en branle pour lui déclarer ma flamme, il me faut plus que le plaisir de raconter mes turpitudes d’adolescent pour que cela finisse dans un bouquin.

En tant que lecteur, Blaise Ndala aime la sensation de se plonger dans un récit avant de se heurter à ceci, de se laisser « chatouiller » par cela. Il est très rare qu'il sache d’avance ce qu'il cherche dans un texte.

J’aime avancer à tâtons, sans œillères ni a priori.

Mais attention à ce que les « crimes contre la grammaire » ou encore la gaucherie de l’auteur qui cherche obstinément à vous forcer la main ne deviennent pas irritants!

Conseils d'écriture

Quand on lui demande s'il a des conseils à donner aux jeunes auteurs qui voudraient se lancer, Blaise Ndala balaye de la main l'idée qu'il puisse exister une quelconque recette du chef-d'oeuvre littéraire.

Je n’aime pas beaucoup la posture de l’auteur qui, du haut de sa notoriété grande ou petite, donne des leçons à tout-va.

Car selon lui, derrière chaque auteur, chaque écrivain, il y a un apprenti perpétuel. et cela inclut la personne qui parle. Mais s'il devait y aller de conseils, ce seraient les suivants :

  • Lisez inlassablement, surtout les écrivains dont vous chérissez la plume. Laissez donc votre cerveau forniquer avec les meilleurs, vos écrits s’en ressentiront.
  • Méfiez-vous de votre propre jugement et de celui de ceux qui vous aiment. Faites toujours lire vos écrits par des gens dont vous respectez les aptitudes, mais qui ne se gêneraient pas de vous dire que votre texte ne devrait avoir qu’une destination : votre poubelle. Si malgré une telle sentence vous vous relevez et convainquez un éditeur, c’est qu’en vérité, vous n’avez jamais eu besoin de personne pour être un auteur. Ce sont la curiosité et l’audace qui font les bons écrivains, et non les listes pondues par ceux qui ont réussi à se faire (re)connaître.

Blaise Ndala est né en République démocratique du Congo (ex-Zaïre). Il a quitté son pays en 2003 pour poursuivre des études de droit international en Belgique avant d'émigrer au Canada en 2007. Son premier roman, J'irai danser sur la tombe de Senghor, publié en 2014 aux éditions L'Interligne, a remporté le Prix du livre d'Ottawa 2015 après avoir été finaliste au prix Trillium, au prix Christine Dimitriu-van-Saanen, au prix Le Droit et au prix Émergence – AAOF (Association des auteures et auteurs de l'Ontario français) la même année. Il est par ailleurs auteur de la nouvelle Silence, on crève! parue dans le collectif Dialogues de l'œil aux éditions Neige-galerie en 2015. Après avoir travaillé en Haïti comme représentant d'Avocats sans frontières Canada, Blaise Ndala vient de réintégrer la fonction publique fédérale à Ottawa.

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