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Brexit: quelle leçon pour le Québec?

Il est possible pour les peuples de ne pas se laisser intimider par les campagnes de peur économiques portées par les élites fédéralistes. Celles-ci devraient se le tenir pour dit et les souverainistes doivent affronter sans crainte les campagnes négatives sur l'avenir économique d'un Québec indépendant.
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Le peuple anglais a choisi la sortie de l'Union européenne (UE). Tremblement de terre dans toute l'Europe: un peuple peut choisir librement de sortir de cette union, ce qui paraissait inconcevable il y a quelques jours encore. Par ce vote, le peuple anglais a réaffirmé la primauté de la souveraineté des nations sur les grands ensembles, grands ensembles qui exigent le renoncement d'une partie de cette souveraineté.

Le résultat du vote anglais constitue un séisme politique pour l'Union européenne. Celui-ci trouve même des échos au Québec, tout particulièrement dans le mouvement souverainiste. Premier écho de taille: lorsqu'il s'agit de souveraineté ou d'indépendance, c'est la règle du 50 % + 1 qui prévaut. Avec le précédent britannique, il sera difficile pour les fédéralistes canadiens de soutenir un seuil plus élevé pour reconnaître le résultat d'un référendum sur l'avenir politique du Québec.

Deuxième enseignement fort intéressant: il est possible pour les peuples de ne pas se laisser intimider par les campagnes de peur économiques portées par les élites fédéralistes. Celles-ci devraient se le tenir pour dit et les souverainistes doivent affronter sans crainte les campagnes négatives sur l'avenir économique d'un Québec indépendant.

Quelle Union européenne?

L'Europe a vécu trois décennies de néolibéralisme socialement dévastateur. La pensée unique imposée par la haute finance et les multinationales a fait miroiter les supposés bienfaits de la libre circulation des biens, des personnes et surtout des capitaux. Le Brexit incarne l'échec de ces politiques libre-échangistes. Celles-ci produisent certes plus de richesse, mais la distribuent très inégalement. Partout les services publics ont diminué et les droits sociaux ont reculé. La qualité de vie de la majorité se détériore, l'exclusion économique augmente et les inégalités sociales s'accentuent terriblement. Le résultat du référendum anglais démontre clairement l'état de détresse d'une large partie de la population anglaise pour qui les conséquences envisagées du Leave ne peuvent être pires que la situation actuelle; une situation imposée par le néolibéralisme porté par les élites «mondialisées» et aggravée par les politiques d'austérité impitoyables des conservateurs anglais.

Malheureusement, le Brexit, c'est aussi la victoire de ceux qui voient l'immigration comme une menace et qui aspirent à ériger des murs pour ghettoïser les peuples.

Qui sont les Anglaises et les Anglais qui ont voté pour le Leave? Il s'agit fondamentalement de larges segments de la population éloignés des bénéfices de l'Union européenne: populations des zones désindustrialisées par la délocalisation d'entreprises cherchant des zones à bas salaires; familles d'agriculteurs menacées par les traités de libre-échange; employés des services publics constamment menacés par la privatisation; populations urbaines exclues et condamnées au chômage ou au travail précaire, exposées à la compétition, même pour un logement. Ces populations, sacrifiées sur l'autel de la compétitivité et dont la voix est rarement considérée, se rendent bien compte que la construction européenne actuelle est malheureusement au service des élites financières, d'une fraction du 1 %! On est loin ici de la nécessaire solidarité des peuples!

L'immigrant comme bouc émissaire

Tout ceci ne doit pas nous leurrer sur la nature des positions défendues par une partie importante des dirigeants du camp du Leave. Leur campagne s'est jouée largement sur le thème du refus de l'immigration et du refus d'allouer à tous les citoyens de l'Union européenne les mêmes droits. Malheureusement, le Brexit, c'est aussi la victoire de celles et ceux qui voient l'immigration comme une menace et qui aspirent à ériger des murs pour séparer et ghettoïser les peuples.

Cette peur est constamment attisée par le populisme d'extrême droite qui voit dans l'immigrant le bouc émissaire tout désigné pour porter l'odieux de tous les maux provoqués par l'économie capitaliste et financière. Cette xénophobie dévastatrice suscite l'exacerbation de la compétition entre communautés de différentes origines. L'immigration inquiète des populations nationales éprouvées par l'insécurité économique et sociale causée en réalité par les décisions égoïstes des puissants.

Il est aussi utile de savoir que certains intérêts de la «City», la place financière de Londres, veulent se débarrasser du carcan de l'Union européenne pour approfondir davantage les politiques néolibérales et la financiarisation de l'économie. Si la construction de l'Union européenne se fait aujourd'hui au profit de la grande finance, la seule évocation d'une promesse jamais tenue, qui devait faire de l'union une Europe sociale, a poussé certains milieux d'affaires anglais à appuyer le Brexit. Ces secteurs du capitalisme financier sont à la recherche de plus de libertés pour la finance et moins de règlementation, pour faire de Londres la première place spéculative au monde, paravent des paradis fiscaux des riches et puissants.

Cela n'est pas de bon augure pour le peuple anglais qui, en voulant davantage de contrôle sur l'immigration, a donné les clés du pays aux marchands du temple. Voilà où le Brexit comporte une autre interrogation pour le mouvement souverainiste québécois.

Une indépendance pour le peuple

Au Québec, plusieurs sont tentés d'adopter un nationalisme identitaire comme véhicule d'«affirmation nationale», ou carrément comme une voie de conquête pour l'indépendance du Québec. Un projet de pays porté par ce message réducteur nous conduirait à un cul-de-sac ruineux susceptible d'empoissonner durablement notre devenir collectif. Couplé aux politiques d'austérité, le parti pris de nos élites pour des politiques de libre-échange sans contraintes ni garanties sur les plans sociaux ou environnementaux ne favorise que l'augmentation des inégalités et de l'insécurité économique. Comment donner le goût du pays à des gens qui vivent dans la précarité et l'inquiétude?

Voilà des défis qu'affronteront la gauche québécoise et Québec solidaire. Heureusement, nous savons que les problèmes auxquels nous faisons face ne proviennent pas de notre voisin immigrant, mais bien d'un système économique qui nous dépossède, tout en nous divisant. Le peuple du Québec attend d'abord et avant tout qu'on lui offre le projet d'un pays plus juste pour toutes les Québécoises et tous les Québécois. Il ne tiendra qu'à nous d'être convaincant pour éviter de livrer la question nationale au populisme de droite.

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