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Le Canada, cet incroyable pays

Si le premier ministre Philippe Couillard souhaitait démontrer à ses électeurs, l'insignifiance qu'a aujourd'hui le Québec dans le Canada et bien, c'est un pari réussi.
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Il est de bon ton, du côté des sièges fédéralistes de l'Assemblée nationale, d'accuser le Parti québécois de n'en avoir que pour le pays imaginaire et de n'être qu'indifférence aux vraies affaires du bien tangible pays réel qu'est le Canada. La fixation qui saisit, à dates ponctuelles, ce parti vis-à-vis des dates référendaires, se manifestant souvent par de grands débats encore plus ésotériques que fratricides, pourrait nous porter à acquiescer. Et s'il s'agit bien d'une part, d'un fait qu'aucun pays du Québec n'existe, fait appuyé par cette habitude de nos «cousins français» à nous donner du «vous les Canadiens» plutôt que du «vous les Québécois» et que, d'autre part, un pays nommé Canada existe réellement comme l'atteste son siège à l'ONU ou même à la Francophonie; ce pays demeure bien peu croyable.

Après tout, connaissons-nous beaucoup de pays, qu'aucun conflit ne déchire, dont une des provinces ou un des états n'aurait pas adhéré à la Constitution et où comme au Canada, on ne s'en formalise pas? Tant s'en faut! J'imagine que dans un tel pays, on se moquerait bien qu'un quart de la population vive dans une province qui n'est pas signataire du document qui lui sert de loi suprême et qu'on serait à ce point confortable dans l'indifférence, qu'on ne voudrait pas même en parler. Pour ma part, un pays dans une situation aussi loufoque, aussi peu croyable, aussi incroyable, je n'en connais qu'un et c'est le Canada.

Ainsi, dans le second plus grand pays du monde et le «plus meilleur», il ne se trouverait personne pour vouloir parler de l'éléphant dans la pièce ou de la nudité du roi? Ce n'est pas tout à fait juste. Il se trouve quand même une personne qui souhaiterait ardemment en parler, si ardemment, qu'elle a ordonné, en secret, qu'on s'attèle à la rédaction d'un document de deux cents pages; deux cents pages qu'elle nous sort aujourd'hui en guise de préliminaire à cette grande discussion. Tout le monde aura reconnu le premier ministre Philippe Couillard. Les moins perspicaces l'auront reconnu par défaut, car pour le moment, à vouloir de cette discussion, il est le seul. On le dit surdoué. Peut-être dialoguera-t-il avec lui-même tels ces maîtres d'échecs qu'on aperçoit s'exerçant seuls devant leur échiquier?

Pourtant, ce n'est pas du premier ministre québécois dont il est question ici. Il faut même avouer qu'il est peut-être le seul personnage crédible de cette pièce qui se joue dans cet incroyable pays réel. Quoi de plus normal pour un fédéraliste convaincu, comme l'est monsieur Couillard, de souhaiter voir la province dont il a la charge, intégrer la constitution canadienne ? Jusqu'ici, rien qui ne soit anormal ou incroyable surtout que le principal intéressé s'était déjà dévoilé sur la question.

On aurait pu croire qu'au moins le premier ministre de la Confédération serait heureux de profiter d'une telle situation pour essayer de faire l'histoire.

Là où l'histoire devient incroyable, c'est qu'alors que les souverainistes croyaient voir arriver le coup de grâce de leur némésis, c'est ce dernier qui se prend un uppercut avec les fins de non-recevoir qu'on lui assène «from Coast to Coast». Ainsi, face au moins nationaliste de tous les premiers ministres qu'a eu le Québec, le Canada anglais fait bloc. Cette union ne vise pas à empêcher un changement ou des négociations constitutionnelles, mais bien qu'on ne commence à avoir que le début d'une discussion sur la possibilité, dans un avenir où les éléments favorables seraient réunis, à régler ces choses. On aurait pu croire qu'au moins le premier ministre de la Confédération serait heureux de profiter d'une telle situation pour essayer de faire l'histoire. Mais, le Canada est un pays calme et sans histoire. Justin Trudeau a donc préféré, au tournant d'un corridor, refuser laconiquement la main naïvement bienveillante que lui tendait l'assoiffé de dialogue, Philippe Couillard. Prenant acte de cette soif, les autres provinces se sont empressées de déverser une cascade de refus sur l'importun Couillard. Ce dernier manque de goût.

Dans le «British Canada», on a eu suffisamment de bon goût pour signer la constitution quand c'était le moment. «Vous n'en êtes pas? Mais qu'est-ce que vous voulez que ça nous fasse? Vous n'allez pas nous faire revivre ça?» Le tout dit «in English» ou dans un français que caractérisent une voix lente à moins qu'elle ne soit simplement maladroite, de drôles d'intonations avec un fort accent. Car, disons-le clairement et honnêtement : les deux référendums qui se sont déroulés sur le sol québécois ont été vécus comme une insulte par tout le reste du Canada. De cette insulte est née une grande blessure. Le Québec doit donc rester dans le purgatoire constitutionnel. Après tout, on avait bien essayé de le punir de ses premiers errements, car qui aime bien châtie bien, en lui refusant Meech et Charlottetown. Au lieu de courber le dos et de rentrer dans le rang, le Québec avait remis ça!

On avait eu bien peur dans le «English Canada». Et là, ce Philippe Couillard, qui parle pourtant volontiers et si bien anglais, voudrait nous refaire un tel coup! «Sorry Phil, we're just not interested. Please talk real buisinesses.»

On dit souvent que la réalité dépasse la fiction. Le Canada est un pays réel alors que le Québec n'est un pays qu'en fiction. Pourtant, c'est dans le «rest of Canada» qu'il se passe des choses incroyables tellement elles sont loufoques. C'est dans le vrai pays du Canada qu'on trouve normal que le Québec, dont on ne veut pourtant pas la séparation, n'intègre pas le giron constitutionnel. Mieux! Le voudrait-il, qu'on lui barre la route!

Si le premier ministre Philippe Couillard souhaitait démontrer à ses électeurs, l'insignifiance qu'a aujourd'hui le Québec dans le Canada et bien, c'est un pari réussi. À moins qu'il ne souhaitât simplement que nous ne prenions conscience d'à quel point le Canada est un pays incroyable? De toute façon, un pays, où l'on discute au Parlement dans un débat houleux, s'il faut ou non demander à l'ONU de reconnaitre la nationalité canadienne du père Noël, n'est-il pas incroyable?

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