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Le cancer du sein: de la torture à l’espoir

Les femmes n'ont plus à craindre aujourd'hui une mastectomie radicale automatique quand un cancer est détecté.
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pinkomelet via Getty Images

L'évolution dans le dépistage et les traitements du cancer du sein a été fulgurante au cours des 75 dernières années. La première approche fut de tout enlever. Dès qu'un cancer était confirmé, on se pressait d'enlever les deux seins, les muscles sous les seins et tous les ganglions sous l'aisselle (ganglions axillaires). Cette technique chirurgicale appelée mastectomie radicale a longtemps fait figure de dogme en ce qui concerne le traitement du cancer du sein. On doit cette chirurgie au docteur William Halstead au début du XXe siècle. Parfois, cela fonctionnait, mais le plus souvent le cancer revenait. Et on perpétua ce dogme même si le cancer pouvait quand même réapparaître (récidive) et même si des effets secondaires apparaissaient comme un bras qui devenait enflé et endolori (lymphœdème du bras communément appelé gros bras). Plus tard, on commença à s'apercevoir que plus de chirurgie n'est pas toujours synonyme de plus de succès et on cessa d'enlever les muscles sous les seins (chirurgie appelée : mastectomie radicale modifiée), ce qui permettait au moins une reconstruction mammaire en chirurgie esthétique pour celles qui se voyaient amputer un sein ou les deux seins. Puis certains oncologues commencèrent à penser que, dans les cas de petites tumeurs, il serait tout aussi efficace de n'enlever que la tumeur avec une marge de tissus sains au pourtour et ainsi pouvoir conserver le sein. Cette chirurgie appelée segmentectomie ou tumorectomie mit près de 25 ans à s'établir, bien des médecins croyant toujours au fameux dogme de la mastectomie radicale. Plusieurs médecins du Québec ont contribué à une recherche internationale visant à démontrer que la tumorectomie suivie de traitements radiologiques et \ ou médicamenteux était aussi efficace que la mastectomie. Ces recherches menées ici, aux États-Unis et ailleurs dans le monde ont réussi à prouver l'efficacité de la tumorectomie. Les femmes n'ont plus à craindre aujourd'hui une mastectomie radicale automatique quand un cancer est détecté. Cette crainte empêchait bien des femmes de consulter tôt.

Or, plus le cancer est diagnostiqué tôt dans son évolution, meilleures sont les chances de trouver un traitement efficace. Deux domaines connurent une grande expansion : le dépistage et les traitements. Les vastes campagnes promouvant l'autoexamen des seins ainsi que des techniques radiologiques (mammographies) de plus en plus précises permettent de détecter des cancers à des stades de plus en plus précoces. D'autres techniques comme la cytoponction à l'aiguille fine ou les biopsies contribuent à bien identifier le type de cancer et son niveau de développement offrant la possibilité de traitements plus efficaces. En ce qui concerne les ganglions axillaires, au lieu d'en enlever 25 et plus comme anciennement, on n'en prélève qu'un seul appelé : le ganglion sentinelle qui détermine le stade exact de la maladie. Toujours en ce qui concerne le dépistage, un test sanguin qui permettrait de découvrir le cancer par une simple prise de sang en est présentement au stade expérimental.

Toujours en ce qui concerne le dépistage, un test sanguin qui permettrait de découvrir le cancer par une simple prise de sang en est présentement au stade expérimental.

Au niveau des traitements, une panoplie d'outils s'est aussi développée. En plus des chirurgies moins mutilantes, d'autres avenues de traitement se sont avérées efficaces dont la radiothérapie, la chimiothérapie et l'anti hormonothérapie. Du côté de la radiothérapie, l'apparition récente de nouveaux appareils radiologiques qui ciblent plus précisément les lésions tumorales permet de réduire les temps de radiothérapie de 6 à 1 seule semaine, ce qui représente un avantage indéniable pour les patientes.

Depuis la découverte de 2 gènes reliés au cancer du sein (les gènes BRCA1 et BRCA2), des espoirs sont aussi permis du côté des thérapies géniques. Donc de l'époque des mutilations massives, nous en sommes arrivés aujourd'hui à un dépistage plus précoce et à un arsenal plus élaboré incluant la radiothérapie, la chimiothérapie et l'hormonothérapie qui permettent de traiter le cancer plus efficacement avec beaucoup moins de mutilation. Plus récemment encore, les chercheurs : Jennifer Fraszczak, Charles Vadnais, Riyan Chen et Tarik Möröy de l'IRCM (Institut de recherche clinique de Montréal) ont mis en lumière un mécanisme utilisé par les cellules cancéreuses pour lutter contre les chimiothérapies. Ces observations concernent présentement les leucémies et les lymphomes. Mais l'étude de ces mécanismes ouvre la porte à une meilleure compréhension de toutes les cellules cancéreuses.

En conclusion d'un livre que j'ai eu l'honneur de cosigner avec la chirurgienne oncologue, Dre Dominique Synnott ( Dominique Synnott et Jacques Beaulieu, Le cancer du sein, tout et même plus, Éditions La Semaine, août 2007) nous écrivions : « Au début des années 1990, les statistiques révélaient qu'une femme sur dix seraient atteintes d'un cancer du sein durant sa vie, aujourd'hui, on parle plutôt d'une sur sept. Malheureusement cela n'est pas entièrement explicable par le fait que le dépistage est aujourd'hui plus efficace. Pour des causes inconnues, l'incidence du cancer du sein, en nombre absolu, augmente. La bonne nouvelle, comme nous en avons abondamment parlé dans ce livre, est que les moyens thérapeutiques ont grandement évolué. Rappelons la technique du ganglion sentinelle qui permet maintenant de vérifier si le cancer s'est essaimé sans avoir à enlever tous les ganglions sous l'aisselle. Un autre exemple illustre bien cette évolution. Alors qu'au début des années 1990, le cas type était une femme âgée de 70 ans avec une bosse au sein de 3cm, nous voyons aujourd'hui une jeune femme de 38 ans avec une masse de 2mm. En résumé, on détecte donc beaucoup plus tôt des tumeurs de plus en plus petites.

La façon même de fonctionner a considérablement évolué au cours de cette période. Le médecin qui travaillait de manière individuelle a cédé sa place aux équipes multidisciplinaires et aux réseaux. Les échanges d'information entre les spécialistes se sont accélérés grâce, entre autres, à l'Internet, mais aussi par l'établissement de réseaux qui demeurent en communication étroite.

Les patientes nous arrivent aujourd'hui beaucoup mieux informées ce qui augmente de beaucoup leur implication dans leur plan de traitement. Tout ceci demeure extrêmement positif. »

Bien sûr, apprendre que l'on a un cancer du sein en 2018 n'est certes pas la meilleure nouvelle qu'on ait pu espérer. Mais comme souligné, les techniques de dépistage et les diverses thérapies ont gagné en efficacité au cours des dernières années et laissent place à bien des espoirs qui auraient été inimaginables il y a à peine 20 ans.

Avril 2018

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