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Candy Crush en Bourse: son éditeur vaut-il vraiment 7 milliards de dollars?

Candy Crush vaut-il vraiment 7 milliards de dollars?
King

Tomberiez-vous de votre siège si l'on vous disait que l'éditeur de Candy Crush valait 7 milliards de dollars? C'est pourtant ce qui risque d'arriver avec l'introduction en Bourse de King Digital Entertainment, prévue le 26 mars à New York. Avec un prix unitaire de 21 dollars, l'action King valorisera la société à un niveau peu commun pour le secteur.

Candy Crush, c'est ce jeu simple d'accès dont l'inspiration se puise dans les années 1980, avec Tetris, Pac Man ou Space Invaders. Oublié depuis l'émergence des consoles puissantes, ce type de jeux a connu un nouvel élan avec l'essor des réseaux sociaux et surtout des smartphones. Et King illustre bien cette tendance: créé en 2002, la start-up a surtout vu sa croissance exploser ces 2 dernières années grâce aux jeux sur mobile.

Le modèle économique est diablement efficace. Proposé en téléchargement gratuit dans tous les magasins d'applications populaires (App Store, Android Market...), le jeu propose ensuite de payer pour des accessoires virtuels ou pour passer à un niveau supérieur quand on est bloqué. Très ingénieux, car les développeurs rajoutent sans cesse de nouveaux niveaux. Il est donc impossible de finir le jeu... Cette stratégie est incontestablement fructueuse: le chiffre d'affaires de King a bondi de 164 millions de dollars en 2012 à 1,88 milliard en 2013, et son bénéfice de 7,8 à 567,6 millions de dollars.

Compte tenu de son succès fulgurant, King rivalise désormais avec les plus grands. Avec 7 milliards de dollars de valorisation, la société devient ainsi le 3ème éditeur le plus important du jeu vidéo. Electronic Arts (Fifa, Battlefield, Les Sims, Need for Speed) est valorisé un peu plus de 9 milliards de dollars en Bourse. Activision Blizzard (Call of Duty, Diablo, Guitar Hero, Warcraft) reste toutefois un cran au-dessus, à 14,5 milliards de dollars.

Candy Crush plus cher que GTA ou Assassin's Creed

King vaut donc plus que des sociétés mythiques comme Ubisoft (Assassin's Creed, Prince of Persia), valorisé à 1,24 milliard de dollars, Take-Two (GTA), 2,12 milliards de dollars, ou Konami (Pro Evolution Soccer, Metal Gear Solid), 3,21 milliards de dollars. De quoi donner des ailes au jeu qui consiste à aligner des bonbons colorés. Mais peut-il seulement s'installer dans la panthéon du jeu vidéo comme ses illustres poursuivants?

L'introduction en Bourse est "très ambitieuse mais aussi très risquée", temporise Robert Enderle, un analyste spécialisé dans le secteur technologique. Pour lui, King aura du mal à maintenir une telle valorisation sur la durée. "Les sociétés de jeux n'ont de la valeur que si leurs jeux restent populaires", explique-t-il. "Les gens tendent à se lasser et il y a une tonne de concurrence sur le segment des jeux basiques". Par comparaison, le segment des jeux sophistiqués pour joueurs purs et durs est mieux installé. Les gros éditeurs sortent ainsi régulièrement de nouvelles licences innovantes.

Le problème pour King, c'est que ses performances reposent essentiellement sur le seul Candy Crush, utilisé par les passagers des métros du monde entier. Le jeu représente 73% des recettes brutes de King au 4ème trimestre, et 97 des 144 millions de joueurs quotidiens revendiqués par l'éditeur. Ses 2 jeux suivants, Farm Heroes et Pet Rescue, n'affichent respectivement que 20 et 15 millions d'utilisateurs. C'est la dépendance totale aux petits bonbons.

La peur de reproduire le précédent Zynga (FarmVille)

Cela rappelle le cas de Zynga, qui avait suscité l'enthousiasme à son entrée en Bourse en 2011. Comme King et son Candy Crush, Zynga était une entreprise dotée d'un seul "hit": FarmVille, très populaire à l'époque sur Facebook. Quand le succès de FarmVille est retombé, les bénéfices et le cours de l'action ont suivi la même tendance. Introduit à 9,5 dollars, Zynga ne vaut désormais plus que la moitié de sa valeur d'origine, avec un passage à 2 dollars à la mi-2012.

Cette expérience a d'ailleurs refroidi Rovio, l'éditeur d'Angry Birds, pour tenter l'introduction en Bourse. Un temps très intéressés, les dirigeants finlandais semblent aujourd'hui moins pressés. Il s'agit surtout d'avoir un modèle économique viable à long terme.

Pour Grégory Hachin, expert digital du cabinet Kurt Salmon, "il faut faire de son jeu phare une marque très forte, qui dépasse le seul cadre du jeu en ligne". "Le succès d'un seul jeu n'est pas durable dans le temps", explique-t-il à La Tribune. Ce que Rovio a très bien compris pour sa transition. On ne compte plus les produits dérivés Angry Birds, les dessins animés et le futur film d'animation prévu pour 2016 (produit avec Sony).

Au contraire de Zynga, Rovio s'inspire plus de Disney pour capitaliser sur sa marque. Le design des jeux Angry Birds est unique, les suites cohérentes et le design soigné. En revanche, Candy Crush est à la portée du premier développeur qui aurait les capacités techniques de produire sa version. King devra donc attentivement observer ses prédécesseurs.

Capitaliser sur des marques fortes à la manière de Disney

Zynga a annoncé des pertes de 37 millions de dollars en 2013, dont 25 millions concentrés sur le seul dernier trimestre. Il faut donc réagir vite. L'éditeur a racheté dans la foulée le studio d'animation californien NaturalMotion pour 527 millions de dollars. La start-up en difficultés a par ailleurs été contrainte de supprimer 314 emplois dans ses équipes. "Développer notre pipeline créatif, accélérer notre croissance dans le mobile et introduire des technologies de nouvelle génération", c'est le leitmotiv de Zynga pour remonter la pente.

Chez King, on préfère jouer cartes sur table. Dans un document boursier, il cite comme point faible son petit nombre de jeux parmi ses facteurs de risques et dit vouloir développer son catalogue. Ce constat de lucidité suffira-t-il à séduire les investisseurs? "Pour justifier une valorisation de 7 milliards de dollars, King va devoir continuer à acheter des jeux populaires et devenir un studio produisant des hits tout le temps", estime un analyste de Global Equities Research.

Le comparaison avec le cinéma peut être intéressante pour illustrer le problème à venir de ces éditeurs nouvelle génération. Combien de fois pouvons-nous regarder notre film préféré sur une période continue? Une fois, deux fois, trois fois... À la quatrième on commence sérieusement à s'ennuyer, malgré l'admiration que l'on a pour l'oeuvre. C'est pareil pour les jeux, spécialement les jeux simples comme Angry Birds, FarmVille, ou Candy Crush, qui ont un effet viral, mais pour lesquels l'excitation retombe très vite.

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