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Cannes: Xavier Dolan a-t-il les yeux plus grands que la panse avec «Juste la fin du monde»?

Xavier Dolan a-t-il les yeux plus grands que la panse avec «Juste la fin du monde»?

C’est sous les applaudissements que Xavier Dolan avait été accueilli il y a deux ans au Festival de Cannes. Reparti avec le prix du jury sous le bras, des critiques dithyrambiques et, quelques mois plus tard, les éloges du public pour son film "Mommy", il avait été choisi comme jury de la 68ème édition.

Fort de ce succès indéniable, les portes du "star-system" se sont ouvertes au jeune mais expérimenté réalisateur canadien. Cette année sur la Croisette, c’est entouré de Nathalie Baye, Marion Cotillard, Léa Seydoux, Vincent Cassel et Gaspard Ulliel, les stars de son dernier film "Juste la Fin du Monde" présenté en compétition, que le cinéaste québécois montera les marches du Palais des festivals.

xavier dolan juste la fin du monde

Tous les acteurs de "Juste la Fin du Monde" rassemblés dans une scène

Un casting qui pourrait surprendre lorsque l’on connaît l’oeuvre de Xavier Dolan. Outre la célèbre Nathalie Baye qui avait fait une apparition dans le très réussi "Laurence Anyways", les acteurs qu’il choisit habituellement sont d’une part Canadiens, d’autre part relativement peu connus dans l’Hexagone ou, plus largement, à l’international. Cette nouvelle réalisation sent le changement. L’habitué des idées originales s’est attaqué à l’adaptation d’une pièce de théâtre. Mais à 27 ans, l’autodidacte prend un risque en laissant de côté ses habitudes qui lui ont valu le statut de "petit génie du cinéma".

Quitte ou double

"La conjoncture fait en sorte que les étoiles sont alignées. Pour moi, c'est mon meilleur film", annonce clairement le réalisateur à Radio-Canada. Un travail abouti selon lui et un savoir enrichi par son expérience en tant que jury du Festival. A priori aucun danger à l’horizon. Et si Dolan avait vu trop grand cette fois ci, s'il avait voulu aller trop vite?

Depuis ses débuts précoces, son premier film "J’ai tué ma Mère" a été réalisé à l’âge de 20 ans, cette pratique semble lui avoir réussi. Mais jusqu’alors le chouchou de la Croisette n’avait jamais pris un tel virage. Une question légitime nous vient à l’esprit: Où sont passées Anne Dorval et Suzanne Clément, ses actrices de prédilection, partie intégrante du style Dolan? Le seul film auquel ni l’une ni l’autre n’ait participé, "Tom à la Ferme", n’a récolté que quelques 26.000 entrées en France; à noter qu’il s’agit également de sa création au plus petit budget. Les stars bankable présentes dans "Juste la Fin du Monde" attireront, sans nul doute, les foules dans les salles obscures mais qu’en sera-t-il de leur regard et de celui des critiques sur son oeuvre? Et si son dernier casting est souvent qualifié de "quatre étoiles", la plupart des acteurs présents ne font pas l’unanimité à l’instar de Vincent Cassel ou Léa Seydoux, par exemple. Des personnalités qui pourraient, malgré les apparences, mettre en danger son film.

Avec des comédiens français uniquement, une des touches du réalisateur disparaît: l’accent québécois. Une décision qu’il explique dans les colonnes du Hollywood Reporter: "J’avais le désir d’adapter cette pièce qui peut, en tout cas au cinéma, uniquement être jouée en français par des acteurs français. La question du casting est venue ensuite. Son ampleur n’a pas été dictée par un but commercial mais uniquement par les besoins inhérents à l’histoire et les talents que nous cherchions."

nathalie baye festival de cannes

Nathalie Baye, la seule actrice du film qui ait déjà joué avec Xavier Dolan

Le deuxième choix surprenant de Xavier Dolan est celui de l’adaptation. "Juste la Fin du Monde" est tiré de la pièce de théâtre du même nom de l’auteur français Jean-Luc Lagarce. Ce huis clos raconte l’après-midi en famille d’un jeune auteur qui, après 12 ans d’absence, retourne dans son village natal pour annoncer à ses proches son destin funeste.

Ici, un double défi est donné au réalisateur: réussir une adaptation du théâtre vers le cinéma, un objectif difficile que peu de cinéastes ont réussi à atteindre, et ne pas s’appuyer sur une histoire qu’il a imaginée. Une situation délicate qui, si elle est contrôlée, pourra faire de ce film un petit bijou, Xavier Dolan lui apportant son histoire dans une deuxième lecture, plus subtile. Un art qu’il a jusqu’à présent maîtrisé avec justesse.

D'autres s'y sont cassé les dents

Si cette inquiétude est venue nous titiller c’est avant tout parce que d’autres avant lui, pas des moindres, se sont brûlé les ailes après un grand succès public et critique semblable à celui que le réalisateur québécois a connu en 2014 avec son tant admiré "Mommy".

Steven Spielberg le premier. Après le succès critique de l’un de ses premiers longs-métrages, 'Sugarland Express" récompensé pour son scénario au Festival de Cannes en 1974, puis le tournage des "Dents de la Mer" et de "Rencontres du Troisième type", le cinéaste s’est pris les pieds dans le tapis. Sa comédie "1941", est un échec malgré la présence des chanteurs du groupe Blues Brothers au casting.

Deux décennies plus tard c’est Quentin Tarantino qui trébuchera. Après sa palme d’or sifflée pour l'intemporel "Pulp Fiction", le réalisateur a fait face à neuf ans de trouble artistique. Il faudra attendre 2003 et le culte premier opus de "Kill Bill" pour qu’il refasse surface.

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Xavier Dolan sur le tournage de "Juste la Fin du Monde" aux côtés d'André Turpin, son chef opérateur

Même si son film présenté à Cannes n’était pas reçu dans la gloire, le réalisateur des "Amours Imaginaires" pourrait toujours rebondir avec sa prochaine création qui devrait sortir courant 2017. "The Death and Life of John F. Donovan" qu’il dirigera dès cet été mettra en scène Natalie Portman et l’emblématique acteur de "Game of Thrones" Kit Harington, l’interprète de Jon Snow.

En attendant, Xavier Dolan est confiant concernant sa dernière création. “Cannes est un endroit qui est dur, qui est sévère. Les gens souvent peuvent être vils. Ils aiment détester; ils aiment haïr. [...] Mais je ne ressens quand même pas de pression, parce que je suis fier du film que j'ai fait, puis j'ai hâte de le partager." clarifiait le réalisateur à nos confrères de Radio-Canada.

«Juste la fin du monde» de Xavier Dolan

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