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Catherine Dorion: jouer à l’autruche, un t-shirt à la fois

Elle parle des enfants, des jeunes, des aînés qui souffrent de vivre. De la vitalité qui manque à nos vies. Ce que les médias en disent? Tuque et Dr Martens.
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La députée de Taschereau, Catherine Dorion, a livré un discours sur la culture, la solitude et la lutte pour son premier discours au Salon bleu.
CAPTURE D'ÉCRAN/ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC
La députée de Taschereau, Catherine Dorion, a livré un discours sur la culture, la solitude et la lutte pour son premier discours au Salon bleu.

Au moment où tous les regards sont obnubilés par le t-shirt de Catherine Dorion, la députée livre un discours des plus importants sur le fardeau de la solitude au sein de la société québécoise. Elle parle de nos tas de lessive pas pliée, de nos heures qui déboulent sur nos horaires et qui les font exploser, menant à nos épuisements émotionnels. Elle parle des enfants, des jeunes, des aînés qui souffrent de vivre. De la vitalité qui manque à nos vies. Ce que les médias en disent? Tuque et Dr Martens.

Je me contrefiche de la tuque et des Dr Martens de la députée Catherine Dorion. Oh, je vous ai choqués? J'ai manqué de décorum en sacrant dès la première ligne suivant le chapeau de mon texte?

Est-ce que vous serez déroutés par tout ce que j'aurai à dire par la suite? Je vous invite à prendre votre mal en patience. C'est malheureux, la colère, ça rend mal à l'aise, mais je vous invite à entendre ce qui provoque ma colère, une colère partagée par tant de Québécois qui n'en peuvent plus de voiler la section des commentaires des chroniques de Richard Martineau parce que ça pleut de fascisme et de commentaires sans humanité. Et récemment, il faut voiler les sections des commentaires de tous les autres médias: la haine se répand comme une bonne vieille grippe saisonnière.

Ce texte est un appel à l'amour et au respect

Je sais, c'est difficile à joindre, la colère et le désir d'aimer, mais encore là, je vais vous demander de me suivre. Je ne sais pas ce qui s'est passé collectivement pour qu'on ait aussi peur de ceux qui parlent ouvertement de leurs sentiments. Ceux qui parlent de solitude, de malheur, de mal de vivre.

Je ne sais pas si c'est cette mode du bonheur à tout prix, tout de suite, cette mode d'instantanéité de la joie qui crée ce besoin d'annihiler tout ce qui respire autre chose que des bonnes vibrations. De bonnes vibrations et la droiture du professionnalisme parce que visiblement, certains d'entre nous ont vraiment un problème avec ceux qui sortent de la norme, levant aussitôt leur pancarte d'un manque de respect à l'institution et aux électeurs.

Ah oui, c'est un manque de respect que d'adresser un des plus importants malaises de notre communauté, la solitude, à l'Assemblée nationale, le cœur de la représentation des citoyens? C'est un manque de professionnalisme de vouloir redonner du temps aux Québécois pour qu'ils puissent se retrouver, se bercer un peu et se reposer de leurs carambolages? Si c'est ça, manquer de respect, par tous les moyens, désobéissez plus souvent.

Ce qui me fâche, très chère communauté, c'est tout ce qu'on perd par la main qu'on dresse pour éloigner ceux qui nous parlent avec humanité. Il y a une douceur qui se perd dans notre refus collectif d'adresser les malaises que certains ont le courage de nous partager.

Les opportunités se perdent par notre aveuglement volontaire, par les yeux qu'on ferme fort fort pour ne pas, nous aussi, en venir qu'à partager des sentiments qui ne sont pas aussi joyeux que ceux qu'on veut se faire croire qu'on porte en soi. J'aimerais qu'on oublie les façades pour s'attarder sur le fond. J'aimerais qu'on se penche sur ce que l'autre dit avant de lui coller une étiquette sur le front, avant de s'emparer de nos grands principes et de s'en vêtir comme une deuxième peau.

Nous sommes des humains. Tous. Surprise, surprise! Nous sommes la même chose! Alors pourquoi est-ce que c'est si compliqué de voir au-delà d'un t-shirt? Vraiment, un t-shirt? C'est ça qui nous sépare? Je ne sais pas ce qui a pu se passer pour rendre notre société malade au point de nous envenimer pour une histoire de code vestimentaire alors qu'on nous parle de solitude, d'humanité, alors qu'on nous livre un discours beau à en faire dresser les poils sur nos bras. Ils sont passés où nos émerveillements collectifs, nos rêves collectifs, notre humanité? Dans nos p'tits billets de banque bien soigneusement pliés dans nos portefeuilles en cuir neufs?

Pourquoi est-ce qu'on est incapable d'entendre la blessure profonde de Safia Nolin alors qu'elle chante douloureusement bien et qu'elle raconte avec un limpide courage les horreurs qu'elle a vécues? Pourquoi est-ce qu'on critique Hubert Lenoir d'avoir candidement dit qu'il avait envie de se tuer parfois alors que nous connaissons tous, de près ou de loin, une victime de suicide? Je sais, j'ai dit le mot, suicide.

C'est cette incapacité de pouvoir dire les choses comme elles sont qui me purge. C'est cette incapacité d'admettre un élu à l'Assemblée nationale et de l'estimer parce qu'il ne porte pas un tailleur.

C'est l'impossibilité de se présenter sans double visage, sans spin en poche qui me démolit. C'est la peur de ceux qui osent le faire, qui se présentent en pleine maîtrise de leur authenticité, bien conscients de l'onde de choc que leur personne risque de forcer sur l'autre qui est bien assis serré dans son habit veston-cravate-mallette.

Peut-être bien que Catherine Dorion est une tache de moutarde sur la chemise blanche du premier ministre, pour certains. Eh bien, je vais vous dire: ça fait du bien, un peu de couleur à l'Assemblée nationale. Ça fait du bien, un peu d'humanisme à l'Assemblée nationale. Ça fait du bien, un peu de moins lisse, un peu de vrai à l'Assemblée nationale. Ça fait du bien de voir des gens qui ne cherchent pas à se cacher derrière des habits noirs, pas un pli mal placé.

Ça ferait du bien, chère communauté, de nous voir leur prêter l'oreille aussi. Je vous inclus, très chers médias, pour qui soudainement le click bait est plus important que votre vraie vocation, celle qu'on vous répète constamment dans les écoles de journalisme, votre rôle de «chien de garde de la démocratie».

Ce n'est pas pour rien que Platon a voulu chasser les poètes de la Cité: ce sont eux qui savaient réfléchir autrement, transformer les mots pour créer des objets nouveaux, ce sont eux qui pouvaient changer les choses à travers un matériau aussi simple que le langage. Platon savait bien que si on écoutait les poètes, on ne pourrait plus aussi bien manipuler les masses, de risque qu'elles aussi puissent se mettre à renverser les clichés, les rapports imposés. Et si on fermait nos yeux, deux secondes, et qu'on écoutait, juste brièvement, ce que les poètes ont à dire?

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