Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Ce que j’aurais aimé que ma petite soeur sache avant que son père meure

Je l’aimais. Encore aujourd’hui, je regrette de ne pas lui avoir dit quand je pouvais encore le faire.
Mon beau-père, Chris, est décédé sans prévenir d’une maladie du coeur.
Courtoisie
Mon beau-père, Chris, est décédé sans prévenir d’une maladie du coeur.

Pour ma famille, le 24 juillet 2005, a été - et est toujours - la pire journée de nos vies.

À l’aube de ce dimanche matin-là, mon beau-père, Chris, est décédé sans prévenir d’une maladie du coeur dont il ne se savait pas atteint. Il avait 38 ans et semblait en parfaite santé.

Il a laissé derrière lui une épouse, quatre enfants, un père, une mère, des soeurs, des beaux-parents, des neveux, des nièces, des amis, qui ont tous été abasourdis par son décès.

Je suis l’aînée de quatre enfants. Avant Chris, ma mère s’est mariée à mon père, ils ont eu deux enfants: moi et ma soeur, Courtney. Mes parents ont divorcé quand j’étais à la maternelle, et plus tard cette année-là, ma mère s’est remariée… avec Chris. Ils ont eu mon frère Austin, et plus tard, ma soeur Alex.

Quand Chris est mort, j’avais 16 ans, et Courtney 14. On le connaissait alors depuis presque aussi longtemps que je pouvais m’en souvenir.

“Et aussi douloureux que ce fut de le perdre, avec du recul, je réalise à quel point nous avons été chanceuses qu’il soit dans nos vies tout ce temps-là, même si ce fut bien trop court.”

Beaucoup de mes souvenirs les plus heureux, chaleureux et sécurisants appartiennent à l’ère Chris.

Austin avait neuf ans quand son père est décédé, assez vieux pour se souvenir de l’habitude qu’avait Chris de préparer des pancakes le samedi matin, ou de le conduire au cinéma.

Mais Alex, qui avait quatre ans, ne se souvient de rien. Et ça, ça me brise le coeur.

Chris était fait pour être père - je l’ai su dès mon plus jeune âge.
Courtoisie
Chris était fait pour être père - je l’ai su dès mon plus jeune âge.

Évidemment, elle a connaissance de quelques bribes - comment ils partageaient des Oreos et un verre de lait avant d’aller au lit, comment il devenait dingue quand les Eagles de Philadelphie perdaient - mais seulement parce qu’elle nous a entendus raconter, encore et encore, ces histoires durant des années.

Chris était fait pour être père - je l’ai su dès mon plus jeune âge. Quand j’avais cinq ans, ma mère se rappelle que je lui avais dit que Chris ferait un bon père. «Tu savais comment les choisir même en ce temps-là», m’a-t-elle dit plus tard.

Pendant longtemps, j’ai voulu coucher sur le papier toutes ces choses, petites et grandes, que j’aurais aimé qu’Alex connaisse au sujet de son père, le genre d’homme qu’il était et ce que cela voulait dire pour moi et pour tous ceux qui furent assez chanceux de le connaître:

1- À 26 ans, Chris a fait la cour à Maman, une femme en instance de divorce avec deux jeunes enfants. Pour beaucoup de jeunes de cet âge, en train de profiter du célibat et de faire la fête, ça aurait été trop de responsabilités. Mais non, pas pour Chris. Il les a assumées sans que ce soit la grosse affaire. Plus je vieillis, plus j’apprécie ô combien cela était spécial.

Chris était un papa cool.
Courtoisie
Chris était un papa cool.

2- Bien qu’on ne l’aurait jamais admis à l’époque, Chris était un papa cool. Courtney et moi avons toujours aimé quand il nous conduisait avec nos amis voir des films, ou qu’il venait nous chercher à l’école de danse ou après une soirée pyjama (petit détail: il était super doué quand il s’agissait d’enrouler un sac de couchage). Le fait qu’il était vraiment grand, athlétique et qu’il avait 10 ans de moins que la plupart des autres parents l’aidait pas mal.

3- En fait, à l’une de mes fêtes d’anniversaire à l’école primaire, une amie m’a prise à part pour me dire que mon beau-père était «trop cute» - c’était une information aussi embarrassante que flatteuse.

4- Chris n’était jamais trop vieux pour jouer avec les enfants. Il était toujours partant pour faire du bodyboard ou pour construire des châteaux de sable à la plage, jouer à des jeux dans la piscine ou nous amener sur les montagnes russes.

5- Quand il passait la porte chaque soir en rentrant du travail, toi et Austin étiez super excités et criiez toujours «Papa!». Je ne peux pas m’imaginer un meilleur son quand on rentre chez soi.

Chris m’a montré quel genre de conjointe et de parent j’espérais devenir un jour.
Courtoisie
Chris m’a montré quel genre de conjointe et de parent j’espérais devenir un jour.

6- Bien qu’il n’y connaissait absolument rien en vêtements de fille, ton père, qu’il soit béni, s’est fait un devoir de t’acheter une robe - une robe à patchwork bleu qui faisait très «Petite maison dans la prairie». Objectivement, ce n’était pas très mignon. Mais le fait qu’il était si fier de l’avoir choisie l’a rendue adorable.

7- Il se servait de son majeur pour changer les stations de radio ou lancer un CD dans la voiture, et on adorait le taquiner avec ça. Les albums des Counting Crows, de Dave Matthews Band et de Hootie and the Blowfish ont tourné en boucle.

8- Il s’est toujours plié en quatre pour sa famille. Je me souviens d’une fois où Chris est rentré avec la grippe, mais il n’a pas hésité à se lever du canapé et à sortir se lancer la balle avec son neveu pour lui remonter le moral car il passait une mauvaise journée.

Puis, il y a cette fois où Chris s’est levé au petit matin pour aller faire la file, le jour de son anniversaire, afin de nous acheter des billets pour une activité qu’on voulait faire à Washington. Pendant ce temps-là, on dormait tous encore à l’hôtel.

Même si je n’étais pas son enfants biologique, Chris m’a toujours fait sentir comme si j’étais sa «vraie» fille.
Courtoisie
Même si je n’étais pas son enfants biologique, Chris m’a toujours fait sentir comme si j’étais sa «vraie» fille.

9- Chris m’a montré quel genre de conjointe et de parent j’espérais devenir un jour. Je ne me souviens pas tant de mes parents ensemble. Et les souvenirs que j’en garde ne sont pas les plus heureux. Pourtant, je n’ai pas développé une vision cynique ou pessimiste du mariage. Je pense que c’est parce que Maman et Chris en vivait un beau - si beau qu’il écrasait toutes les dynamiques de relation malsaines que j’avais vues avant, pour les remplacer par de bien meilleurs exemples.

Chris et elle étaient mari et femme, mais bien plus que ça, ils étaient vraiment de bons amis. Des partenaires égaux. Des équipiers. Et on pouvait voir qu’ils appréciaient sincèrement être en compagnie l’un de l’autre.

10- Il était plus sensible qu’il ne le laissait paraître. Avant d’aller au lit, Courtney et moi avions l’habitude de traîner avec Maman dans son lit à elle et Chris. La règle était que nous étions autorisées à rester jusqu’à ce que Chris monte l’escalier. Quand il arrivait, on laissait toutes échapper de gros soupirs. Ça n’avait rien à voir avec Chris - on était juste des enfants qui ne voulaient pas aller se coucher tout de suite. Mais maintenant, je me rends compte que ça devait le toucher. Et ça me rend triste.

Ils étaient mari et femme, mais bien plus que ça, ils étaient vraiment de bons amis.
Courtoisie
Ils étaient mari et femme, mais bien plus que ça, ils étaient vraiment de bons amis.

11- Même si je n’étais pas son enfant biologique, Chris m’a toujours fait sentir comme si j’étais sa «vraie» fille. Pourtant, aucun de nous deux n’a jamais dit «je t’aime» à l’autre. Peut-être parce que nous n’avions pas commencé assez tôt, et qu’avec les années qui passent, ça semblait trop effrayant de le cracher soudainement. Peut-être, aussi, qu’on aurait eu l’air trop vulnérables.

Mais je l’aimais. Et je savais, sans l’ombre d’un doute, qu’il m’aimait aussi. Encore aujourd’hui, je regrette de ne pas lui avoir dit quand je pouvais encore le faire.

12- Alex, je déteste le fait que tu n’aies pas eu la chance de connaître Papa. Je déteste le fait que tu n’aies pas pu vivre cette expérience aux premières loges. Je déteste le fait que Chris ne verra jamais aucun de nous le soir de son bal de finissants, ou le jour de notre remise de diplôme ou de notre rentrée à l’université. Il n’est plus là pour nous voir tomber amoureuses, et il ne sera pas là pour rencontrer nos futurs enfants.

Mais chaque fois que nous pensons à lui et qu’un morceau des années 90 joue à la radio; chaque fois qu’il nous manque et qu’on attrape un «333», notre chiffre porte-bonheur, sur une horloge, une facture, ou une plaque d’immatriculation, il y a un peu de lui qui est encore là avec nous.

La prochaine fois que tu croises un de ces signes, ferme les yeux. N’est-ce pas vrai que tout semble si réconfortant, même si cela ne dure qu’une seconde? Je pense que c’est son amour, sa présence. Et ça, ça ne s’en ira jamais.

Ce texte initialement publié sur le HuffPost États-Unis a été traduit de l’anglais.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.