Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Doublement du CELI: du vent pour 93 % des Canadiens

Parmi les gens qui ont des revenus de 60 000 $ ou moins, combien atteignent leur plafond de cotisation? La réponse est: environ 5 %. Ce sont plutôt les personnes aux revenus plus élevés qui versent le maximum dans leurs CELI. Ce qui montre bien que les avantages des CELI se déplacent vers les plus riches.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

L'économie canadienne est loin de rouler à plein régime : il n'y a presque pas de croissance, la création d'emplois est faible, les emplois de qualité sont rares, le déficit commercial se creuse, les ménages sont plus endettés que jamais, et le niveau de confiance vivote. Dans ces circonstances, les gouvernements doivent faire attention aux décisions qu'ils prennent.

Ils doivent adopter les mesures qui auront le plus d'impact sur la croissance et l'emploi, et viendront en aide au plus grand nombre des personnes qui en ont le plus besoin. Le mot d'ordre doit être de favoriser la croissance, et de le faire équitablement.

Or, le gouvernement Harper a décidé d'accroître le plafond annuel des cotisations aux « comptes d'épargne libres d'impôt » (CELI). Créé en 2009, le programme des CELI permet actuellement aux contribuables de déposer jusqu'à 5500 $ par année, après impôt, dans un compte dont la croissance est libre d'impôt. M. Harper doublera ou presque la limite de cotisation annuelle, qui passera à 10 000 $.

Selon les calculs du gouvernement, ce changement coûtera au Trésor fédéral plusieurs centaines de millions de dollars sur les cinq prochaines années, et quelques dizaines de milliards de dollars à long terme. Il réduira aussi les recettes des gouvernements provinciaux.

Pour ceux et celles qui ont 4 500 $ de plus à placer après avoir payé leurs impôts, ce changement est certainement un allégement fiscal alléchant. Mais est-il vraiment juste pour tous les contribuables? Pour répondre à cette question, il faut déterminer combien de contribuables, selon le niveau de leur patrimoine, pourront verser les cotisations accrues.

À 5 500 $ par année, les avantages des CELI sont accessibles à une large gamme de contribuables. Mais à 10 000 $ par année? On peut en douter.

Au terme de son examen détaillé du programme des CELI l'hiver dernier, le directeur parlementaire du budget (DPB) a dit ce qui suit : « Les avantages du CELI, qui sont actuellement répartis également entre les différents niveaux de patrimoine financier, se déplaceront de plus en plus vers les plus riches ». Après le budget récent, il a ajouté : « L'augmentation du plafond de cotisation proposé dans le budget de 2015 accentuera ces disparités ».

Quand le DPB dit, dans son jargon, que la mesure « accentuera les disparités », il veut dire qu'elle est injuste. Les dernières statistiques sur les CELI, publiées par l'Agence du revenu du Canada (ARC), renforcent cette mise en garde du DPB.

En effet, plus de 28 millions de Canadiens étaient admissibles au programme des CELI en 2013. Mais de ce nombre, seulement 10,7 millions ont cotisé. C'est un taux de participation d'un peu moins de 38 %.

Parmi ceux qui ont cotisé, seulement 1,9 million ont versé toute la somme possible. C'est moins de 18 % des cotisants, et surtout, à peine 6,7 % des Canadiens admissibles au programme.

Le doublement du plafond annuel des CELI ne présente donc aucun avantage pour l'immense majorité des Canadiens (93,3 %) qui ne cotisent même pas à l'heure actuelle la totalité du montant de 5 500 $ par année.

Fait important, la proportion des contribuables qui cotisent le montant maximal chaque année connaît une chute constante depuis la création du programme. Le nombre de ces cotisants était de 1,9 million en 2013, soit 39 % en deçà de ce qu'il était cinq ans auparavant. Autrement dit, plus de 64 % des cotisants ont versé le montant complet en 2009, contre moins de 18 % en 2013.

Il faut mentionner que les droits de cotisation « inutilisés » sont reportés à l'exercice suivant: ils s'accumulent. Les chiffres de l'ARC révèlent que les droits de cotisation inutilisés du CELI moyen se chiffrent à plus de 13 500 $ -, et ce, selon le plafond actuel.

Il en ressort donc qu'on peut difficilement justifier le doublement du plafond des CELI. Un bien plus grand nombre de Canadiens seraient avantagés si, au lieu de changer la limite des CELI, le gouvernement :

  1. Réduisait le taux d'impôt général de la classe moyenne;
  2. Créait une seule « prestation pour enfant » progressive, libre d'impôt, qui apporterait une aide considérablement plus élevée chaque mois à 9 familles avec enfants sur 10;
  3. Ramenait à 65 ans l'âge d'admissibilité à la Sécurité de la vieillesse/au Supplément de revenu garanti;
  4. Renforçait les investissements dans l'infrastructure publique afin de donner dès maintenant un élan à l'emploi et à la croissance, et de jeter les bases d'une économie productive, compétitive et prospère à long terme.

Le gouvernement Harper sort fréquemment l'argument selon lequel le doublement du plafond des CELI sera particulièrement profitable aux Canadiens qui font moins de 60 000 $ par année, parce que ce sont eux qui cotisent régulièrement le maximum chaque année.

Mais, comme mon collègue libéral (et expert en statistique) Ted Hsu l'a fait remarquer récemment, la question n'est pas de savoir combien de ceux qui utilisent la totalité de leurs droits de cotisation ont un revenu de 60 000 $ ou moins. La question importante est plutôt: parmi les gens qui ont des revenus de 60 000 $ ou moins, combien atteignent leur plafond de cotisation? Et la réponse est: environ 5 %. Ce sont plutôt les personnes aux revenus plus élevés qui sont plus nombreuses à verser le maximum dans leurs CELI. Ce qui montre que, comme le dit le DPB, les avantages des CELI se déplacent vers les plus riches.

Compte tenu de l'amélioration médiocre du revenu familial médian ces dernières années et de l'explosion de la dette des ménages, il n'est pas réaliste de s'attendre à ce que beaucoup de familles de la classe moyenne aient 10 000 $ après impôt, chaque année, à placer dans un CELI bonifié.

Il y a d'autres priorités plus urgentes auxquelles il serait bien plus profitable de s'attaquer.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Premier budget Oliver équilibré

Budget fédéral 2015 - Les faits saillants

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.