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Pourquoi je suis toujours célibataire à plus de 30 ans

En fait, je crois que je suis dans l’absolu: je veux le grand amour ou pas d’amour du tout.
Man Pan Yiu / EyeEm via Getty Images

On aurait pu faire de moi une caricature de ces «working girls» des années 1980. C’était il y a peu, mais c’était avant. À l’époque, les costumes à épaulettes représentaient la femme forte et émancipée du joug masculin.

Aujourd’hui, mes robes à manches bouffantes sont courtes, voire très courtes. Elles résument bien toutes mes contradictions. Voulant m’imaginer forte et indépendante financièrement et dans mes relations, je me sens cependant d’une grande fragilité sentimentale.

Jusqu’à maintenant, je me suis toujours assumée, j’ai toujours vécu seule. J’ai eu des moments de grand calme sentimental, comme j’ai consommé, dans ces mêmes robes, des relations éphémères comme on va au fast food. C’est une façon de me préserver affectivement, sans trouver de compagnon de route. En fait, je crois que je suis dans l’absolu: je veux le grand amour ou pas d’amour du tout.

“Trentenaire et endurcie de la solitude sentimentale, je me demande ce qui a façonné à ce point mes attentes comme mon imaginaire affectif.”

Je n’ai pas de problème d’insertion sociale, j’ai des amis, je sors, plutôt pas mal pour mon âge, je rencontre du monde, des hommes. Nous pouvons partager quelques heures sur consentement mutuel. Certains signent le contrat d’une vie, d’autres d’une nuit; je suis dans ce cas. Pour résumer, trentenaire et endurcie de la solitude sentimentale, je me demande ce qui a façonné à ce point mes attentes comme mon imaginaire affectif, brouillant ainsi mes élans sentimentaux. Bref, pas plus bête et plus moche qu’une autre, pourquoi suis-je toujours célibataire?

Un célibat dû à mes problèmes affectifs et relationnels

Suite à une période difficile, peut-être en recherche de réconfort, j’appelle mon frère. Lui, qui me connait par cœur, arrive à percer les tréfonds de ma pensée et me lance tout de go «Annabelle, concernant tes relations avec les autres, tu as foncièrement besoin de parler à un spécialiste».

Badaboum, ça ne fait qu’un tour, je pense à mes relations sentimentales, ou plutôt à leur absence. Je me rends alors compte que j’ai 32 ans, et une seule relation de trois ans à mon compteur. Bref, ma vie sentimentale se résume à des rencontres superficielles, soit à peau de chagrin.

Il est grand temps de faire le bilan, non pas que le temps presse, mais que je n’ai plus 20 ans non plus et rêve de la fiabilité d’un lien stable, d’un havre de confiance réciproque, d’une source d’échanges constructifs, etc. Et puis je rêve aussi de sensualité exacerbée. Cependant, en recherche d’absolu, mon sentiment est que je désire tout en ayant peur de m’ouvrir.

Une solitude accentuée par des standards affectifs inatteignables

Fille de divorcée, selon mes amies, il y a tout d’abord le —plus ou moins conscient— constat de l’abandon, puis l’éducation vers l’indépendance prodiguée par ma mère: «il ne faut pas compter sur un homme». Je me demande si cette phrase ne me laissait pas présager d’un inéluctable abandon relationnel futur.

En effet, j’imaginais l’amour comme la construction de fondations communes vouées à être détruites comme par coup de Stromboli d’un homme, ma confiance brisée et ma vie familiale et sociale terrassée. Mes standards affectifs sont donc très élevés, la confiance et l’entraide mutuelle étant au centre. Très bien. Cependant, si professionnellement et socialement, j’ai fait en sorte de m’assumer, sentimentalement parlant, je constate aujourd’hui que l’on ne peut s’autosuffire.

La peur de l’engagement ou de la blessure égotique?

Il y a aussi cette séparation douloureuse il y a dix ans. Celle-ci venait clore une relation d’une grande intensité. Je ne parlerais pas aujourd’hui de complicité intellectuelle mais d’échanges vifs, presque passionnés. Nous n’avions pas grand-chose en commun, c’est peut-être ce qui me fascinait.

De façon plus romantique, on peut dire que nous nous complétions, nous acceptions nos névroses. Aussi passionnée fut la rupture. Pour la première fois était trahie ma confiance, dans mon cercle intime. Petite blessure égotique provoquant jusqu’à aujourd’hui encore ma crise de confiance envers les hommes. Aussi, consciente de ma fragilité, aujourd’hui, lorsqu’il arrive qu’un homme m’intéresse, les plaisirs de la chair obtenus, dans les cas les plus soft, je prends les devants pour envoyer un texto assassin, c’est ainsi moi qui pars.

Il y a aussi ce grand romantisme devant être édulcoré…

Je constate aujourd’hui à quel point une première relation marque, laisse son empreinte et façonne la vision de l’amour. C’était intense. Aussi, son legs culturel est toujours présent, je lui dois par exemple mon ouverture au hip-hop. Peut-être voulant reproduire ce schéma, j’attends une rencontre avec un homme qui vit d’émotions fortes.

En attendant, je joue avec des hommes qui ne m’intéressent, en général, que moyennement, probablement par peur de m’attacher, comme si je me refusais à donner relief à quelconque relation. Au fond, je pense que mon inconscient doit me dire que je ne me livrerai pas à celui qui ne lèvera pas le voile, j’attends d’être comprise. Je cherche à être sublimée par l’amour, l’inextricable profondeur des liens sentimentaux. Je rêve, je me préserve. Cependant, un homme me fait mettre de l’eau dans mon vin quant à ces attentes fumeuses. Désolée pour moi.

… Pour apprendre à tisser des liens sincères.

Pour le coup, il n’y a rien de romantique, ce n’est pas le moment. Il sort d’une relation, il n’est pas disponible, et nous avons un cahier des charges, «plaisir et respect l’un de l’autre». Soit. Cependant, à son contact j’apprends la simplicité. Pas de messages réguliers, mais un petit plaisir, se faire une place dans nos agendas, et être chaleureusement accueillis.

Je ne suis pas dans la méfiance, je passe de chouettes moments avec cette personne que je crois cerner, basta, je ne cogite pas trop. Il est un peu perdu, mais ce qui m’impressionne est certaines de ses qualités qui font échos à des valeurs qui me semblent cardinales. On peut parler d’attraction, et ainsi, pour la première fois, j’accepte de vivre une relation transitoire. L’abandon est inéluctable, mais ma confiance n’en prendra pas un coup, je suis avertie. Pour la première fois depuis bien longtemps, j’accepte de m’imprégner d’une personne.

Confier sa personne à une autre, c’est aussi apprendre à lâcher prise

Il me fait réfléchir à moi. Il m’a brièvement raconté son passé, je m’y suis reconnue, et je me suis identifiée à son présent, et je le conscientise face à son mal-être, malgré lui. Je comprends que ça ne fait pas une relation sentimentale, mais ce sont les premières conditions pour l’acceptation de l’autre dans son monde.

Peut-être aussi que je me laisse aller, car son manque de disponibilité est un filet de sécurité psychologique pour moi, parce que je n’y projette pas ma peur de l’abandon, et mon égo comme mon estime de moi ne dépendent pas du regard que projette cette personne.

Aussi, j’apprends que les sentiments ne sont pas dans l’absolu, que se priver de chouettes moments par peur d’être trahie ne peut constituer une vie épanouie. S’assumer et être indépendante ne veut pas dire s’affranchir de tout lien relationnel et affectif. Un haut standard relationnel ne veut pas dire sentimentalement vampiriser la personne. Alors, oui, aujourd’hui j’ai accepté de me laisser aller à mes impulsions, comme sublimées par la poésie de doux moments érotiques.

M’émanciper de la tutelle d’un homme oui, mais pas du nécessaire lien affectif. Je comprends aujourd’hui que sans réussir à accepter l’autre dans mon intimité, je n’irai pas vraiment plus loin personnellement et professionnellement. En effet, qui ai-je pour me confronter à moi-même et à mes contradictions? Et puis, ne parle-t-on pas d’une épaule?

Probablement dû à mon passé, je suis une femme dans la défiance, je voudrais me soigner. Je comprends maintenant que blessures ou trahisons servent à clore de beaux moments. Je comprends aussi qu’indépendance affective ne veut pas dire solitude. Bref, je ne dis pas que demain je serai en couple, mais je fais le premier pas!

Ce texte a initialement été publié sur le site du HuffPost France.

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