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J’étais une célibataire échangiste, mais ma vie sexuelle était loin d’être fantastique

Rétrospectivement, je me rends compte que j’étais à la recherche de quelque chose qui aurait dû venir de moi.
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Dans la communauté échangiste, les femmes célibataires sont des "licorne" en raison de leur grande rareté. En effet, en règle générale, la plupart des personnes échangistes s'adonnent à cette pratique en couple. Les couples à la recherche d'une célibataire échangiste sont parfois appelés "chasseurs de licorne".

Je le sais parce que j'ai passé quatre ans dans la peau d'une licorne, ce qui m'a permis de beaucoup apprendre sur les relations humaines, au lit et en dehors. Surtout, j'ai beaucoup appris sur moi-même, sur ce que je voulais et ce que je ne voulais pas.

Quand j'avais 23 ans, une amie que je connaissais depuis le collège a fait la découverte d'un club échangiste dans le centre-ville de Cleveland. Aucune de nous deux n'a pu résister à la tentation de faire ce qui casserait notre image de jeunes filles bien sages.

Après nous être enregistrées en ligne pour une adhésion individuelle annuelle (de 10 dollars pour les femmes, et 75 pour les hommes et les couples), nous avons consulté les "règles de savoir-vivre" en attendant de recevoir nos mots de passe. Le club ne vendait pas d'alcool et affichait une politique de tolérance zéro vis-à-vis des drogues. On pouvait apporter sa propre bouteille et la laisser au barman, et le club se chargeait de fournir les mixeurs.

Pendant l'été 2008, je ne jurais que par le champagne et le Red Bull. Mon amie et moi avons donc bu quelques "cocktails de champagne" avant de nous rendre dans ce club. Le temps d'arriver, nous étions déjà ivres de rébellion postadolescente et pleines d'un courage alcoolisé. Après avoir laissé une bouteille de champagne au barman, nous avons démarré notre visite.

La configuration du lieu n'avait rien d'extraordinaire. Il y avait un bar, une piste de danse, une salle emplie de canapés étonnamment confortables et toute une série de pièces privatisées, le long de couloirs faiblement éclairés.

Où était donc le trapèze sexuel suspendu au plafond? La femme dominatrice aux tétons pincés et son inévitable fouet? Et le mec blanc d'âge moyen à l'air louche qui éjacule sur le gâteau? Ce n'était pas du tout comme je l'avais imaginé en lisant des romans érotiques ou en regardant des films pornos. Nous pensions arriver dans un lieu de débauche et nous nous sommes en fait retrouvées face à des personnes normales, dans un club normal.

Après avoir dansé et bu deux trois autres verres, nous avons décidé d'aller voir ce qu'il se passait dans les chambres privatisées.

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Les clubs libertins de qualité sont très attentifs à la notion de consentement et instaurent des règles pour garantir que chacun se sente à l'aise et en sécurité.

Lorsqu'une porte est fermée, cela signifie que la partie est déjà au complet. A l'inverse, lorsqu'elle est ouverte ou entrebâillée, vous pouvez entrer et regarder. Si vous aimez ce que vous voyez, vous pouvez demander au couple ou au groupe de vous joindre à lui. Quelle que soit la réponse, elle ne peut en aucun cas être contestée. Mon amie et moi-même n'avions aucune envie de participer cette nuit-là. Nous voulions juste regarder.

Les yeux écarquillés, nous avons passé la tête dans toutes les chambres dont la porte était ouverte, en pouffant. Nous avons vu un homme se faire sucer par deux femmes, un pénis en érection sortant d'un "glory hole", comme une sorte de fantasme phallique désincarné, et un homme agenouillé devant une femme assise sur une table de chevet.

Quand nous sommes revenues au bar, une femme d'âge moyen se trouvait sur la piste de danse. Elle ne portait rien d'autre qu'un body en dentelle et encourageait les hommes à lui pincer les tétons et à caresser son corps à travers les mailles.

Cette femme, qui avait facilement 20 ans de plus que moi, un corps imparfait et un sens du rythme discutable, dansait pourtant avec un abandon plein d'assurance. Elle était maître de sa sexualité, et j'ai eu envie de ressentir moi aussi cette maîtrise.

Après cette soirée, j'ai pris l'habitude de regarder la page des événements du club. Chaque week-end, pendant presque cinq mois, je me suis raisonnée pour me convaincre de ne pas y retourner. J'étais tentée par l'idée d'une soirée donjon ou fluo, mais j'arrivais à y résister.

Mais il y a une chose à laquelle je n'ai pas pu résister: le Sybian, un vibromasseur à l'efficacité redoutable. Cet appareil, qui a l'apparence d'une selle, possède un moteur électrique plus puissant que ceux de la plupart des tondeuses à gazon. Un godemiché rotatif est au centre de l'appareil, et des coussinets vibrants se trouvent à la base du "siège" pour stimuler le clitoris. Je n'avais vu cet appareil que dans des films pornos.

Les visages des femmes en disent long sur le porno que vous regardez. Selon le genre, elles semblent en pleine extase, ou honteuses. Mais le porno Sybian est différent. Les femmes qui chevauchent cet appareil ont le visage déformé, signe d'un orgasme très puissant.

À moins d'une grosse rentrée d'argent imprévue, je ne pourrais jamais m'acheter un sex-toy à 1500 dollars. C'était une occasion unique, qui ne se reproduirait pas.

Il fallait que je retourne au club. Cette fois, j'y suis allée seule.

Une file de femmes attendaient le tour pour chevaucher le Sybian, et un cercle d'hommes regardaient. J'étais assez près de la porte pour voir que les femmes prenaient leur pied. Leurs visages étaient crispés par l'extase. L'une d'elles a même pleuré. Elles semblaient tellement libres!

Mon tour est arrivé. Le Sybian avait été désinfecté et recouvert d'un préservatif, prêt à être utilisé. L'homme qui s'occupait de la machine m'a proposé du lubrifiant.

"Je n'en ai pas besoin", ai-je dit en faisant un clin d'œil, désireuse d'impressionner la foule.

Un petit conseil: quand quelqu'un vous propose du lubrifiant, dites toujours oui.

Il y avait tant de regards posés sur moi que je ne parvenais pas à me détendre. La sensation était agréable, mais j'avais l'impression d'avoir envie d'uriner. Comme je n'étais pas assez excitée pour jouir, c'était sûrement ça. Je me laissais porter par les mouvements de l'appareil, veillant à ce que ma poitrine rebondisse de façon attirante, tout en me disant: "Surtout, ne fais pas pipi!"

Le type à ma gauche m'a demandé s'il pouvait peloter mes seins. J'ai dit oui. C'était agréable mais, tout comme le Sybian, ça ne suffisait pas à m'envoyer au septième ciel.

Ce n'était pas la chevauchée de ma vie. Je réfléchissais trop, et l'orgasme était en train de me filer entre les doigts. Mais j'avais fait la queue pendant une heure, et tous ces hommes excités autour de moi attendaient de me voir jouir.

J'ai simulé un orgasme pour ne pas les décevoir, sans comprendre à quel point je me trahissais moi-même.

J'y suis retournée une ou deux fois par mois après ça, déterminée à avoir un véritable orgasme. Pendant cette période, j'ai rencontré:

  • Le type qui n'utilisait que des termes techniques pendant le rapport. Lui: veux-tu que j'embrasse ton bel anus brun? Moi: Euh, non merci.
  • Le type qui n'arrête pas de s'excuser pour l'esclavage jusqu'à la Guerre de Sécession. Bizarre.
  • Le type super mignon qui n'arrivait jamais vraiment à bander (nous nous sommes rencontrés deux fois en dehors du club. Je respecte la règle des trois essais).

Quoi que je fasse, je n'arrivais jamais à me détendre suffisamment pour avoir un véritable orgasme. Que les choses soient claires: j'aimais ces relations sexuelles, les baisers et le contact charnel autant que le rapport en lui-même, mais je ne jouissais pas.

Et puis, en octobre 2008, j'ai été arrêtée pour conduite en état d'ivresse dans le parking de mon immeuble (à la décharge de la policière, il est vrai que je lui ai vomi dessus). J'avais passé une bonne partie de la soirée à boire des shots de tequila en compagnie d'un barman avec qui je voulais passer la nuit.

Je gérais super bien au boulot, mais ma vie personnelle devenait incontrôlable. Alors, tout naturellement, j'ai décidé de noyer mon chagrin dans des rapports anonymes. Mais plus j'allais au club, plus je couchais au hasard avec des gens, moins je m'aimais.

J'avais beau être une licorne, ma vie n'avait rien d'un rêve.

Attention: il peut évidemment y avoir des moments magiques dans un club libertin, surtout entre des partenaires qui apprécient sincèrement l'échangisme. Je l'ai expérimenté une fois, avec un couple que j'avais choisi pendant l'été 2011.

À ce moment-là, j'étais devenue plutôt douée pour donner des orgasmes aux femmes. Il y a quelque chose dans l'orgasme féminin qui vous donne un sentiment d'accomplissement, et que vous ne retrouvez pas avec les hommes.

Cet homme et sa femme aimaient faire l'amour avec des femmes. La plupart des couples avec qui j'ai été étaient hétérosexuels et voyeurs. Mais cet homme et cette femme avaient tous les deux envie de moi, et c'était un sentiment enivrant.

J'étais en train de faire l'amour avec son mari quand elle a commencé à jouir. Elle s'est redressée, ne le quittant pas des yeux tandis que je la caressais avec dextérité.

"Tu es belle", lui a-t-il dit.

"Je t'aime!" a-t-elle répondu. Ils étaient en train de partager un incroyable moment d'intimité et, moi, j'étais juste... là. La voyeuse, c'était moi. Il me pénétrait, mais j'étais encore la cinquième roue du carrosse. Je suis rentrée chez moi et j'ai pleuré.

J'aurais dû tout arrêter à ce moment-là, mais ces relations sexuelles anonymes et frustrantes étaient devenues une drogue. ET elle était gratuite. À l'église, personne ne sentait mon haleine chargée, ou le sexe qui suintait de mes pores. Je ne faisais de mal à personne, sauf à moi-même.

L'escalade a continué, jusqu'à cette nuit où j'ai accepté d'avoir des relations sexuelles violentes avec deux hommes. Le lendemain, j'étais couverte de bleus et j'avais mal partout, mais une partie de moi avait le sentiment que je l'avais bien mérité.

J'ai craqué et ai fini par confier à mon psychologue que je couchais avec des inconnus.

"Ces relations sexuelles sont-elles agréables?" a-t-elle demandé. J'ai fait signe que non. "Alors, pourquoi faites-vous cela?"

Je n'ai pas su quoi lui répondre. J'ai décidé de m'abstenir jusqu'à ce que j'aie trouvé la réponse.

Je me suis finalement rendu compte à quel point je manquais de confiance en moi. Le sexe n'était que le dernier élément dans la chaîne de stupéfiants en tous genres que je consommais pour satisfaire ma soif d'amour inconditionnel. Le problème ne venait pas du club, mais de moi.

La plupart des personnes célibataires et en couple que j'ai rencontrées dans "ce milieu" allaient dans des clubs échangistes pour explorer leur sexualité au sein d'un environnement sûr et dénué de jugement, renforcer leur intimité avec leur partenaire ou avoir des relations sexuelles consensuelles et sans contrepartie.

Je ne faisais pas partie de cette majorité. J'étais profondément déprimée et fragile émotionnellement. J'utilisais ce club pour éviter de me confronter à l'intimité et la vulnérabilité d'une vraie relation. Je n'arrivais pas à croire que quiconque ait envie de rester avec moi plus longtemps qu'un orgasme, puisque j'avais déjà du mal à me supporter moi-même.

Rétrospectivement, je me rends compte que j'étais à la recherche de quelque chose qui aurait dû venir de moi. La femme qui dansait dans son body et le couple dont la complicité m'avait émue aux larmes savaient déjà ce que je suis enfin en train de découvrir: l'amour inconditionnel de soi est le filet de sécurité indispensable à toute liberté, qu'elle soit sexuelle ou non.

Ce blog, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Elisabeth Mol pour Fast ForWord.

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