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«Cendrillon» au Carrefour international de théâtre: Hors du souvenir point de salut (ENTREVUE)

«Cendrillon»: Hors du souvenir point de salut (ENTREVUE)

Sous la plume des frères Grimm, les demi-sœurs de Cendrillon s’amputent une partie du pied pour chausser la fameuse pantoufle de verre. Chez Disney, les oiseaux habillent la jolie blonde qui finira avec la bague au doigt.

Dans sa relecture présentée en ouverture du Carrefour international de théâtre, qui se tient du 24 mai au 11 juin 2016, Joël Pommerat évacue toute quête du grand amour et de lendemains qui chantent. Sa Cendrillon, dont c’était la 375e représentation hier soir depuis sa création en 2011, s’articule plutôt autour du chemin de croix d’une jeune fille qui trouve dans les tâches qui lui sont imposées une sorte de punition.

«Cendrillon» au Carrefour international de théâtre

Convaincue que sa maman décédée « mourra pour de vrai » si elle arrête de penser à elle, la petite Sandra porte une montre qui sonne tous les cinq minutes. Cet aide-mémoire, conjugué à une discipline mentale quelque peu spartiate, empêche la jeune fille d’oublier et tombe sur les nerfs d’à peu près tout le monde.

Comme dans le traditionnel conte, la perte d’une mère est remplacée par le gain d’une belle-famille qui verse dans la caricature. Non seulement Sandra se retrouve avec une belle-mère imbue de son image et limite hystérique qui lui impose mille corvées, mais elle doit aussi endurer deux demi-soeurs ricaneuses qui partagent la même garde-robe et la même personnalité.

Se faire violence

S’il avoue que le point focal de son œuvre demeure le deuil, Joël Pommerat explore dans Cendrillon la culpabilité et la violence infligée à soi en guise de punition.

« En travaillant sur cette histoire-là, j’ai eu l’impression de comprendre que cette fameuse gentillesse de Cendrillon, cette manière d’accepter la violence et la méchanceté des autres n’était rien de plus qu’une volonté de passer par les autres pour se faire du mal et de souffrir, comme une compensation à quelque chose qu’elle aurait fait de travers », explique le fondateur de la Compagnie Louis Brouillard.

« Ça va me faire du bien de me sentir mal », lâche doucement l’héroïne lorsqu’elle s’installe dans une chambre dépourvue de fenêtre et de confort. Du reste, nettoyer les salles de bains et récurer la cuisine convient tout à fait à la jeune fille qui ne croit pas mériter le bonheur.

Abonné aux contes de fée

Ce n’est pas la première fois que le metteur en scène et dramaturge français se frotte aux contes merveilleux. Après avoir revampé Pinocchio et Le Petit Chaperon Rouge avec sa compagnie de théâtre, Joël Pommerat s’attaque à Cendrillon, à ses yeux « le conte des contes ».

Son intérêt pour ce genre d’histoire réside dans leur portée universelle. « On va vers ces histoires quand on est forcément en panne d’inspiration en tant qu’auteur, mais c’est aussi une manière de continuer à apprendre l’art d’aller à l’essentiel et de toucher à des questions fondamentales de l’être humain », lance-t-il en entrevue.

Toucher à une autre de ces fables n’est pas dans ses plans, mais il n'est pas dit que le récipiendaire de plusieurs prix Molière n’ira plus dans cette voie. Un sujet qui lui plairait pour un quatrième opus ? « Blanche-Neige. Pour le mythe de la beauté et de la jeunesse éternelle, le mythe de la beauté qui contient la question de la finitude, du vieillissement, de la mort », se prend-t-il à rêver.

Cendrillon, du 24 au 26 mai 2016 au Carrefour international de Québec. Pour plus d'informations, c'est ici.

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