Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Climat: un économiste à la tête du GIEC

Un économiste à la tête du GIEC
La Presse Canadienne

À huit semaines de l'ouverture de la conférence de Paris sur le climat, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) vient d'élire à sa présidence l'économiste sud-coréen Hoesung Lee, qui aura beaucoup de pain sur la planche.

Un texte d’Étienne Leblanc, journaliste spécialisé en environnement

C'est un économiste spécialisé dans les questions de politiques énergétiques qui dirigera le GIEC, la plus grande autorité en matière de science sur le climat. Réunis à Dubrovnik en Croatie, ce sont les représentants des différents gouvernements qui avaient la lourde tâche de choisir qui allait devenir la plus grande autorité mondiale en matière de science du climat.

Leur choix s'est porté sur Hoesung Lee, un des vice-présidents du GIEC, et professeur à l'université de Corée. Il est le 3e président de ce groupe né en 1987, et le premier à ne pas avoir une formation purement scientifique.

Fin d'une période tourmentée

Cette élection met fin à une année de tourmente pour le GIEC. Le règne du dernier président, l'Indien Rajendra Pachauri, s'était brutalement interrompu en février dernier par sa démission forcée. Accusé de harcèlement sexuel auprès d'une employée du centre de recherche qu'il dirigeait à Delhi, M. Pachauri a quitté ses fonctions dans la controverse.

Un triste épisode qui faisait suite à une autre polémique, le fameux «Glaciergate». Fortement relayé par les climatosceptiques, ce «scandale» mettait en lumière une erreur qui s'était glissée dans le 4e rapport du GIEC de 2007. Ce document, publié tous les cinq ans, fait la synthèse de toutes les études scientifiques révisées par les pairs au cours de quatre ou cinq années précédentes.

Dans le rapport de 2007 - 938 pages au total -, le GIEC y rapportait que les glaciers de l'Himalaya allaient fort probablement fondre d'ici 2035. Une information qui s'est avérée non fondée au point de vue scientifique, et dont la source était un rapport du groupe écologiste WWF. Comble du malheur, le scientifique responsable de la publication de cette information était un expert des glaciers embauché par Rajendra Pachauri lui-même, au centre de recherche qu'il dirigeait à Delhi.

Le GIEC avait dû se rétracter et s'excuser, un épisode dont les climatosceptiques ont largement fait leurs choux gras sur la toile.

Réformes attendues

Le nouveau président du GIEC aura fort à faire. De par le monde, des scientifiques réclament que le groupe révise ses méthodes de travail pour mieux servir les besoins des gouvernements.

Dans un article publié dans la revue «Science» au début du mois d'octobre, des scientifiques, dont un ancien vice-président du GIEC, l'Allemand Ottmar Edenhofer, proposent trois grands changements au groupe :

1. Le GIEC doit faire des rapports plus petits, mieux ciblés (par thème), et les publier plus souvent. Le groupe d'experts publie actuellement un rapport d'environ 4000 pages à tous les cinq à sept ans, et le divise en trois grands volumes : un sur la science du climat, un autre sur les impacts et l'adaptation aux changements climatiques, et un dernier sur les moyens d'atténuer le climat (mitigation). Pour M. Edenhofer et ses collègues, le GIEC devrait diviser ses rapports par thèmes (les océans, les glaciers, les pôles, etc.), les faire plus courts et les publier plus souvent. Cela répondrait mieux aux besoins des gouvernements, qui ne peuvent pas toujours attendre cinq ans pour mettre en place une politique.

2. Le GIEC devrait faire une analyse plus approfondie de l'efficacité des politiques climatiques mises en place par les différents gouvernements, qu'ils soient à l'échelle nationale, régionale ou municipale. Selon Ottmar Edenhofer, cela donnerait aux pays des outils supplémentaires pour mieux cibler leurs actions.

3. Le GIEC doit inclure davantage d'experts qui proviennent des pays en développement. Les états les plus pauvres de la planète sont les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre, mais ils sont ceux qui en subissent les plus grands effets. L'expertise des scientifiques provenant de ces pays doit être valorisée davantage pour avoir des politiques mieux adaptées à leur réalité.

L'économie au service du climat

En conférence de presse mercredi matin, Hoesung Lee a promis d'être à l'écoute des propositions de changements.

Il a aussi réaffirmé sa volonté de mettre de l'avant le rôle de l'économie dans la lutte contre les changements climatiques. Il est un grand partisan de l'établissement d'un prix sur le carbone :

«Nous avons besoin du milieu des affaires et de la finance pour lutter contre les changements climatiques. À cet égard, mon expérience dans ces milieux sera bénéfique». - Hoesung Lee

Il promet aussi de faire plus d'efforts pour offrir aux gouvernements des données plus régionales, notamment pour les pays en développement, afin que ces derniers puissent améliorer l'efficacité de leurs politiques publiques.

Un monde d'homme, conservateur

Une autre critique souvent formulée à l'égard du GIEC, c'est qu'il est un peu trop conservateur. Conservateur dans ses prévisions, conservateur dans la façon dont les scientifiques qui en sont membres expriment l'urgence de la situation, et conservateur dans la place qu'il fait aux femmes dans son organisation.

Le Belge Jean-Pascal Van Ypersele est le seul à avoir fait de ce dernier problème un de ses chevaux de bataille dans sa campagne pour devenir président :

«Les femmes doivent jouer un plus grand rôle dans le GIEC», a-t-il rappelé aux délégués quelques minutes avant que le vote débute à Dubrovnik. - Jean-Pascal Van Ypersele, candidat à la présidence du GIEC

De fait, parmi les six candidats sur les rangs pour devenir président, il n'y avait aucune femme.

Reste à voir maintenant si cet économiste, nouveau représentant de la science des changements climatiques, saura convaincre les politiciens du monde entier de signer un accord global sur le climat à Paris en décembre prochain. Ce n'est pas les arguments scientifiques qui manquent.

Six candidats étaient en lice

Corée du Sud

Hoesung Lee, économiste et professeur, School of Energy and Environment, Université de Corée

Vice-président du GIEC

Langues : Coréen, anglais

Suisse

Thomas F. Stocker, professeur de physique du climat à l'Université de Berne (Suisse)

A travaillé à l'université McGill

Langues : Français, anglais, allemand et italien

Belgique

Jean-Pascal Van Ypersele, professeur de physique du climat à l'Université catholique de Louvain (Belgique)

Vice-président du GIEC

Langues : Français, anglais, néerlandais

États-Unis

Christopher Bower Field, biologiste, professeur en études environnementales à l'Université de Stanford (Californie)

Langue : Anglais

Autriche

Nebojsa Nakicenovic (natif du Monténégro), économiste de l'énergie, Université de Vienne

Langues : Serbo-croate, anglais, allemand, russe

Comores

Ismaël Bachirou, directeur général de l'environnement et des forêts (Comores)

Langues : Français, anglais

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.