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Climat: les marchés financiers montent au front

Le verdict des marchés financiers est de plus en plus clair: l'ère des combustibles fossiles tire à sa fin.
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Le 22 septembre 2014, la famille Rockefeller annonçait que le Rockefeller Brothers Fund allait retirer ses investissements des combustibles fossiles. Cette annonce des héritiers de la Standard Oil a fait le tour du monde. Elle symbolise à elle seule le mouvement global visant à sortir des investissements dans les combustibles fossiles. Avec la Conférence de Paris sur le climat, la vague de désinvestissement prend de l'essor et rien ne semble vouloir la ralentir.

Le mouvement de désinvestissement amorcé en 2010 sous l'impulsion de Bill McKibben et de l'organisation 350.org a mené à ce jour au retrait de 50 milliards $ en investissements dans les secteurs du charbon, du pétrole et du gaz. Plus de 400 institutions dont la capitalisation dépasse les 2600 milliards $ ont amorcé un désinvestissement. On compte parmi elles des universités, des fonds de pension, des organisations religieuses ou caritatives, des fondations et des agences gouvernementales. Même l'acteur Leonardo DiCaprio s'est joint au mouvement.

La cadence s'est accélérée ces derniers mois et inclut maintenant des acteurs financiers majeurs. Le plus grand fonds souverain au monde, le Statens pensjonsfond Utland de la Norvège, dont la valeur atteint plus de 900 milliards $ annonçait en juin qu'elle retirait ses investissements du secteur du charbon. Au début de septembre, c'était au tour de la Californie d'annoncer que ses deux fonds de pension, CalPERS and CalSTRS allaient sortir du charbon.

Le mouvement de désinvestissement fait également boule de neige sur les campus universitaires. La grande université Standford en Californie a annoncé en mai 2015 qu'elle désinvestissait le secteur du charbon. Toujours en mai l'université d'Oxford en Angleterre a annoncé qu'elle se retirait du charbon et des sables bitumineux. Trois jours plus tard, 70 diplômés de l'université dont le journaliste George Monbiot du Guardian remettaient symboliquement leur diplôme à l'université pour protester contre le fait qu'elle n'ait pas annoncé son intention de se retirer de tous les combustibles fossiles. En tout, ce sont une quarantaine d'universités aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Suède qui ont désinvesti à ce jour et la liste s'allonge. Aucune université canadienne n'a encore emboîté le pas.

En avril 2015, c'était au tour du grand quotidien britannique The Guardian de sauter dans la mêlée en annonçant non seulement qu'il allait désinvestir son fonds de 1,2 milliard $ mais aussi lancer une campagne mondiale sur le désinvestissement : Keep it in the Ground qui a recueilli à ce jour plus de 225 000 signatures dans le monde pour demander à la Fondation Bill & Melinda Gates de désinvestir. Le Guardian a aussi mis une équipe de journalistes d'enquête et créé une nouvelle section pour documenter le désinvestissement et la transition énergétique.

Deux raisons motivent principalement les organisations et les fonds d'investissement à désinvestir des combustibles fossiles. La première est d'ordre éthique. De la même manière que certains investisseurs - notamment les organisations religieuses - refusent d'investir dans l'armement, le nucléaire, le tabac, le jeu ou la pornographie, plusieurs organisations considèrent immoral de maintenir des investissements dans le charbon, le pétrole ou le gaz sachant que l'exploitation de ces ressources menace les conditions mêmes de la vie sur Terre.

La seconde raison est le risque de s'exposer à l'éclatement d'une bulle carbone comparable à l'éclatement de la bulle immobilière en 2008. La valeur boursière des actifs de combustibles fossiles est adossée aux réserves prouvées et exploitables de charbon, pétrole et gaz naturel qui figurent dans les livres des grandes compagnies qui les possèdent. Or selon l'agence internationale de l'énergie et plusieurs recherches indépendantes, les deux-tiers de ces réserves - dont 82% des réserves de charbon et 85% des réserves des sables bitumineux - doivent demeurer inexploitées pour éviter un réchauffement supérieur à deux degrés. La valeur de ces actifs «échoués» est de 28 000 milliards $.

Le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney a reconnu l'existence de cette bulle carbone. Ses commentaires rejoignent ceux de l'ancien Secrétaire au Trésor américain, Mark Paulson, qui lancé une mise en garde contre un crash financier climatique. L'éclatement de cette bulle est déjà manifeste dans le secteur du charbon où les actifs de compagnies de charbon comme Peabody ont perdu 80% de leur valeur boursière depuis 2011. Depuis 2010, les investisseurs qui se sont retirés du pétrole du charbon et du gaz ont obtenu un rendement 1,2% supérieur à ceux qui sont demeurés dans les combustibles fossiles.

Pour des raisons éthiques autant que financières, de plus en plus de grands fonds planifient leur retrait progressif des combustibles fossiles. Deux initiatives ont vu le jour en 2015 : le Portfolio Decarbonization Coalition qui représente des actifs de 100 milliards $ et est endossé par le Secrétaire général des Nations-Unies, Ban ki-Moon. Ses membres se sont engagés à opérer une transition vers un portefeuille sobre en carbone. Cette initiative est appuyée par le Montreal Carbon Pledge, dans le cadre duquel les investisseurs s'engagent à mesurer et divulguer leur empreinte carbone.

Le verdict des marchés financiers est de plus en plus clair: l'ère des combustibles fossiles tire à sa fin. Dès 2010, les investissements dans les énergies renouvelables ont dépassé les investissements dans les combustibles fossiles, une tendance qui ne s'est pas démentie depuis et qui va s'accélérer au cours des prochaines années. En se retirant des énergies fossiles, les Rockefeller ont démontré leur engagement éthique, mais au final, on retiendra qu'ils ont pris une bonne décision d'affaires. John D. Rockefeller avait compris avant tout le monde le potentiel du pétrole. Ses arrières petits-enfants ont compris que nous entrons dans une nouvelle ère.

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Mai 2017

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