Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.
Après 52 ans de conflit, le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) ont signé un accord historique de cessez-le-feu définitif le 23 juin dernier à La Havane (Cuba).
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Après 52 ans de conflit, le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) ont signé un accord historique de cessez-le-feu définitif le 23 juin dernier à La Havane (Cuba). Cet accord, qui intervient après un long processus de négociation entamé en 2012, constitue vraisemblablement l'une des dernières étapes de la fin du plus vieux conflit armé des Amériques, qui aura fait 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,9 millions de déplacés. Pour inscrire définitivement la Colombie dans la paix, les différents acteurs devront toutefois veiller à la mise en application des différents accords signés. De plus, le gouvernement colombien devra trouver un accord avec l'autre groupe rebelle du pays, l'Armée de libération nationale (ELN).

Le désarmement des Farc: point crucial de l'accord

L'accord de cessez-le-feu signé le 23 juin est l'aboutissement de dures et longues négociations dont les bases ont été définies à Oslo (Norvège) en octobre 2012 et qui se sont tenues à partir de novembre de la même année à La Havane. Ces négociations tournaient autour des cinq points: la réforme agraire, la participation politique des Farc, le désarmement des rebelles, la lutte contre les drogues illicites et l'indemnisation des victimes. L'accord sur le premier point a été annoncé le 26 mai 2013 et il prévoit entre autres la mise en place de politiques publiques pour faciliter l'accès à la terre en milieu rural ainsi qu'une redistribution aux agriculteurs de terres illégalement acquises par les Farc.

Un accord sur le deuxième point a pour sa part été conclu le 6 novembre 2013 et il garantit la future participation politique des Farc. Le 16 mai 2014, les deux parties sont aussi parvenues à un accord sur la question des drogues, qui prévoit la mise en place d'un programme de substitution des cultures de coca, l'adoption d'un programme de prévention de la consommation de drogues et le renforcement de la lutte contre la production et la commercialisation des produits narcotiques. Le 15 décembre 2015, les deux parties sont ensuite parvenues à un accord sur la question des victimes avec la mise en place d'une juridiction spéciale qui jugera de manière autonome les crimes commis pendant le conflit.

En plus du cessez-le-feu définitif bilatéral, l'accord qui vient d'être signé porte sur le processus de désarmement des Farc. Le désarmement des rebelles se fera dans 23 zones de sécurité et huit campements à travers le pays, et ce, dans un délai maximal de six mois après la signature de l'accord de paix définitif. Ces campements, dont l'accès sera interdit aux civils, permettront d'assurer la sécurité des anciens rebelles qui ne pourront en sortir qu'en tant que civils non armés. L'accord précise également que ce n'est pas l'armée colombienne qui procédera à la démobilisation des 7 000 combattants des Farc, mais plutôt des militaires sous mandat des Nations unies. Il faut préciser également que l'accord de paix définitif que le président Juan Manuel Santos souhaite signer le 20 juillet - date de l'anniversaire d'indépendance du pays - devra être validé soit par le peuple colombien à travers un référendum comme le souhaite le gouvernement, soit par une assemblée constituante comme le souhaitent les Farc. C'est la Cour constitutionnelle qui doit décider de la procédure par laquelle l'accord de paix sera entériné.

En plus de la sécurité des anciens combattants des Farc et de leur réinsertion dans la société, l'un des défis auxquels sera rapidement confronté le gouvernement colombien concerne le contrôle des territoires jusqu'ici occupés par la guérilla marxiste. En effet, il est à craindre que les organisations criminelles, les narcotrafiquants et autres groupes armés tenteront de reprendre le contrôle de ces zones, ce qui constituerait un frein à la sécurisation et à la pacification du pays. Cette crainte concerne également la deuxième rébellion du pays, l'ELN, et c'est pour cette raison que le gouvernement colombien a annoncé en mars dernier le début de discussions avec ce groupe rebelle, né d'une insurrection paysanne en 1964.

Reste maintenant à savoir si Bogota arrivera à obtenir un accord avec l'ELN à l'image de celui qu'il a obtenu avec les Farc. Pour le président Santos, la signature d'un accord de paix définitif avec ces deux groupes armés serait certainement l'une des plus grandes réalisations de sa présidence. Celui qui est arrivé au pouvoir en 2010 avait décidé, malgré les critiques d'une partie de l'opinion publique, de donner une chance au dialogue avec les Farc, contrairement à son prédécesseur Alvaro Uribe - dont il a été le ministre de la Défense de 2006 à 2009.

Il est intéressant de noter que si cet accord ne peut qu'être bénéfique pour la Colombie et de manière générale pour l'Amérique du Sud en termes de stabilité et de sécurité, il représente aussi une victoire pour un pays qui a joué un rôle important dans les négociations, à savoir Cuba.

Cuba, l'autre vainqueur de cet accord

Au-delà du fait qu'elle a abrité les négociations de paix depuis 2012, Cuba - comme la Norvège - a été très active dans les pourparlers. Il est vrai que le Venezuela et le Chili ont également contribué aux négociations en tant que pays facilitateurs, mais leurs actions et engagements sont loin d'être comparables à ceux du gouvernement cubain. À travers son chef d'État, Raul Castro, l'île caribéenne a joué son rôle de garant du processus en servant de médiateur entre les différentes équipes de négociation. La Havane a su offrir un cadre de confiance et de sécurité qui était fondamental pour la tenue et la réussite des négociations. Ainsi, la signature de cet accord participe à la consolidation du statut d'acteur important en Amérique latine que Cuba cherche à défendre depuis quelques années. Il s'agit par conséquent d'une victoire d'envergure pour la diplomatie cubaine dans un contexte où le gouvernement s'est engagé dans la voie de la normalisation de ses rapports avec plusieurs grands acteurs internationaux, dont l'Union européenne (UE) et les États-Unis.

En définitive, l'accord de cessez-le-feu illustre la possibilité de régler un conflit, aussi vieux soit-il, par le dialogue lorsque les différentes parties s'y montrent favorables. Cet accord, salué partout en Amérique latine et dans le monde, montre le chemin tortueux parcouru par la Colombie dans la résolution de ce conflit.

Toutefois, après la signature de l'accord de paix définitif, le plus dur reste à faire avec la consolidation de la paix à travers notamment la réconciliation nationale. Pendant plus d'un demi-siècle, des milliers de Colombiens se sont déchirés et la population a souffert des meurtres, des enlèvements et des séquestrations de la part des deux parties. Il faudra donc du temps pour faire face aux ressentiments des victimes et pour que la justice soit rendue de façon équitable. La paix en Colombie apparait donc comme un long processus dont l'accord du 23 juin 2016 constitue une étape historique.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

El Matuy

La Colombie au-delà des clichés

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.