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Dans la gueule du loup: j'ai été reçue par Erdogan

12 juin 2013. Il est 13heures. Je suis à l'aéroport d'Ankara. À ma droite -Betul Tanbay- une académicienne de renom s'inquiète, à ma gauche -Ahmet Mumtaz- un acteur adulé fume une cigarette et signe un autographe.
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12 juin 2013. Il est 13 heures. Je suis à l'aéroport d'Ankara. À ma droite -Betul Tanbay- une académicienne de renom s'inquiète, à ma gauche -Ahmet Mumtaz- un acteur adulé fume une cigarette et signe un autographe. Nous attendons. Nous faisons connaissance et échangeons quelques idées, quelques peurs et surtout notre étonnement.

S'ajoutent à nous d'autres individus, un homme d'affaires engagé, une journaliste, une architecte... jusqu'à former une délégation de onze personnes. Oui, nous formons l'échantillon sélectionné par le cabinet du premier ministre. Aujourd'hui, après une nuit de violence sans précédent depuis le début des manifestations à Istanbul nous sommes invités au siège du parti de la Justice et du Développement (AKP).

16h, nous sommes dans le bâtiment, un membre du gouvernement nous installe dans une salle et nous demande de nous présenter. L'accueil est chaleureux et il a l'air sincère. Plusieurs ministres arrivent dans la salle et écoutent nos résumés de vie avec attention. Je suis la plus jeune, la seule étudiante et je suis là pour témoigner, pour poser des questions précises au gouvernement et donner une voix jeune et engagée d'Istanbul.

Rappelons que nous ne sommes pas les représentants du mouvement, nous n'avons pas été élus par les manifestants, ni choisis par eux mais nous sommes des individus invités et sélectionnés par le cabinet du premier ministre pour échanger nos impressions et nos vécus personnels concernant le mouvement #direngeziparki (Résiste Parc de Gezi).

16h30, nous pénétrons dans la salle de réunion. Nous y resterons cinq heures.

Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan s'approche, nous salue et débute la réunion. Il donne la parole à l'un d'entre nous. Et c'est ainsi que chacun notre tour nous nous exprimons sur les événements. Nous défendons tous le mouvement de protestation, bien entendu.

Notre premier ministre, contre toute attente, fait fi de son attitude agressive et nous écoute attentivement -posant des questions pour que nous précisions nos dires- tout en prenant des notes pendant 4heures et demie. L'ambiance est à la confession, aux regrets, à un devoir de dire les choses comme elles le sont. Pas de fioritures dans les discours, l'échantillon se lance dans une longue narration et une critique des mesures adoptées par le gouvernement. Quelques larmes se versent, quelques tensions apparaissent, mais le discours est le même, nous appelons à un début de dialogue et à la paix.

Le billet se poursuit après la galerie

Le 2e assaut sur la place Taksim

Les questions principales que nous avons adressées à notre premier ministre peuvent se résumer en quelques mots: l'arrêt immédiat de la violence, une réunion avec des représentants jeunes de la contestation, l'intégration de la jeunesse dans la politique intérieure de la Turquie, une évolution sociale du pays vers plus de démocratie, la garantie que Gezi demeurera un parc, un discours rassembleur et pacifique de la part du premier ministre, des excuses de Recep Tayyip Erdogan, une enquête précise sur les responsables de cette violence policière et leur mise en examen.

Le gouvernement nous a entendus et répondu. Les enquêtes sur les responsables de la violence sont en cours. Huseyin Celik, nous a demandé notre avis sur la possibilité d'un référendum stambouliote sur l'avenir de notre parc. Nous avons rétorqué que nos avis individuels n'avaient aucune valeur puisque nous étions 11 individus et non les représentants de la contestation.

Cette nuit, dans la même sale des membres de "Taksim Dayanisma" (Solidarité Taksim) -représentants justes et légitimes -ont rencontré à leur tour le gouvernement. Ils ont affirmé leur refus face au référendum. Aujourd'hui, le préfet d'Istanbul a diffusé publiquement son numéro de téléphone pour que les étudiants occupant le parc puissent le contacter et lui exposer leurs idées. Pendant la réunion, nous avons invité le premier ministre à voir de ses yeux cette union pacifique des contraires qu'est devenu Gezi, il a rétorqué que si nous lui garantissions sa protection il viendrait avec plaisir.

Simples gestes de communication pour amadouer les citoyens turcs et les médias? Réelle écoute de ce mouvement qui a enflammé des dizaines de villes turques? Invitation à la coopération? Il est trop tôt, mais n'oublions pas que le gouvernement a exprimé son intention de vider le parc dans les 24h. N'oublions pas non plus que les manifestations ne s'essoufflent pas non plus.

À l'image des autres membres de "l'échantillon" je finirai en disant: faites attention à vous, la réunion semblait être un message pour inviter les manifestants à quitter le parc et à s'atteler à la préparation du référendum, nous connaissons les dangers de ceux-ci. Alors que la police continue d'intervenir dans les autres villes turques, c'est à nous de choisir et d'agir.

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Graffiti sur une plaque "Police"

Quelques images de la Place Taksim

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