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Comment les mèmes «Make America Great Again» enrichissent des adolescents de droite

Les mèmes «Make America Great Again» génèrent des abonnés et attirent les marques.
Un vaste réseau de comptes de mèmes «Make America Great Again» (MAGA) créés par des adolescents profite du climat politique actuel aux États-Unis grâce à des contrats avec des marques sur Instagram.
Un vaste réseau de comptes de mèmes «Make America Great Again» (MAGA) créés par des adolescents profite du climat politique actuel aux États-Unis grâce à des contrats avec des marques sur Instagram.

Casey, un jeune new-yorkais de 16 ans, a engrangé plus de 90 000 nouveaux abonnés Instagram depuis le début de l’année. Sur son compte @FuriousPatriot, il produit à la chaîne des mèmes qui chantent les louanges de Donald Trump et ridiculisent les démocrates et les médias traditionnels.

L’un de ses mèmes (une image détournée) présente un Joe Biden, le candidat démocrate, endormi sur son pupitre et un autre (un GIF) traite Kamala Harris, sénatrice de Californie et colistière de Biden, de «pute» et la montre dans une grimace évoquant une fellation. Un troisième accuse faussement CNN d’avoir retouché une photo pour éclaircir la peau d’un homme armé.

Au milieu de cet océan de mèmes, une publication se démarque des autres. Il s’agit d’une pub rémunérée pour les t-shirts d’une marque de vêtements, avec un motif où Donald Trump terrasse Joe Biden dans un combat de lutte. Ce type de publicité, connu sous le nom de «sponcon», est courant sur Instagram; les influenceurs décrochent régulièrement des contrats publicitaires avec les marques et touchent une commission sur la vente des produits auprès de leurs abonnés.

Des publications qui marchent

Casey ne se voit pas comme un influenceur. D’ailleurs, il ne correspond pas vraiment pas à l’image que l’on s’en fait. Les starlettes d’Instagram, qui peuvent gagner des salaires à six chiffres sur la plateforme, sont souvent de jolies jeunes femmes qui attirent leur public avec des photos glamour où elles se prélassent au bord de la piscine, en voyage de luxe ou en lingerie, et qui profitent de l’attention qu’elles suscitent pour signer des contrats avec les marques.

Mais ces dernières années, le modèle économique du marketing d’influence a donné naissance à une génération radicalement différente de créateurs de contenu animés d’un esprit d’entreprise: des jeunes hommes ou adolescents comme Casey. En lieu et place des selfies, ils ont trouvé un autre créneau qui, avec l’aide du puissant algorithme de recommandation d’Instagram, s’est avéré très efficace pour attirer en masse des abonnés (et des contrats avec les marques): les mèmes MAGA.

Casey fait partie d’un vaste réseau de créateurs de mèmes avides de publicités, fort de millions d’abonnés. Ils cherchent la croissance à tout prix en déversant un torrent de pièges à clics dont le contenu va de la satire politique à la désinformation et au sectarisme. Et bien qu’ils décrient les «fake news», ils n’hésitent pas à faire circuler des contre-vérités et des théories du complot enracinées dans le mouvement d’extrême droite QAnon. Ils n’ont eu de cesse, par exemple, de minimiser la pandémie de coronavirus en diabolisant les responsables de la santé publique et en dénonçant le port du masque. Ils flattent aussi leur base en attaquant, par des propos grossiers et sexistes, de célèbres responsables féminines du Parti démocrate, surtout des Noires.

Leur démarche profite de la polarisation politique à outrance qui secoue actuellement les États-Unis et de la caisse de résonance que représente Instagram pour les contenus incendiaires. Elle est remarquablement efficace. A deux mois du scrutin, les leaders des mèmes MAGA comptent toujours plus d’abonnés. Ils gagnent des «likes», des republications ou des abonnés chez les proches du président, dont ses fils, Donald Trump Jr. et Eric Trump. Leur petite entreprise florissante sert d’opération de propagande gratuite pour la campagne présidentielle et met en lumière le rôle que jouent les réseaux sociaux dans cette polarisation, en encourageant la propagation d’une agitprop hyper partisane.

«Instagram est une mine d’or de plus en plus profitable», estime Casey.

Les créateurs de mèmes MAGA publient des contenus incendiaires pour attirer les internautes, tout en vendant de l’espace publicitaire.
Les créateurs de mèmes MAGA publient des contenus incendiaires pour attirer les internautes, tout en vendant de l’espace publicitaire.

Au cœur de l’usine à mèmes MAGA

Il existe des centaines de comptes mèmes MAGA avec placement de produits dont le nombre d’abonnés varie de quelques milliers à plus d’un million. Beaucoup sont en fait des pages créées par des partisans de Donald Trump et des membres de son entourage, comme Donald Trump Jr., sa compagne Kayleigh McEnany (l’attachée de presse de la Maison-Blanche), ou Dan Crenshaw, député du Texas.

Certains se consacrent à la démolition systématique de Joe Biden, Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants et députée démocrate de Californie, Chuck Schumer, chef de file de la minorité démocrate au Sénat et sénateur de l’État de New York, ainsi que d’autres figures majeures du Parti démocrate. Mais la plupart se font passer pour des comptes d’actualités partisanes et de satire, comme celui de Casey.

Certains termes et thèmes apparaissent fréquemment dans les noms d’utilisateur de ces comptes, où l’on trouve d’innombrables variantes de «patriot», «libtard» [gaucho], «deplorable» [allusion à une remarque d’Hillary Clinton lors de la campagne de 2016] et «snowflake» [terme péjoratif utilisé contre les gens de gauche, qualifiés d’hypersensibles].

La sous-culture des adolescents MAGA créateur de mèmes regroupe des partisans purs et durs ou des opportunistes, et parfois les deux à la fois. Casey, un républicain convaincu qui a d’abord créé son compte pour y partager ses opinions politiques de manière ludique, ne s’attendait pas à rencontrer un tel succès. Mais il s’est vite rendu compte qu’il pouvait en tirer parti.

«J’ai vu que d’autres pages mèmes de droite publiaient des publicités et je me suis dit: “Si j’arrive à faire grossir ce compte, il pourra me faire gagner de l’argent”», explique cet élève qui travaille également à temps partiel dans un restaurant.

«C’est un truc que je fais dans mon temps libre. Mais j’ai compris qu’il y avait un gros potentiel à exploiter,» dit Daniel, 21 ans, créateur de mèmes MAGA.

Casey a commencé par publier plusieurs fois par jour et étudié le type de contenus qui générait du trafic. Il fallait qu’il soit incendiaire et qu’il se conforme à un point de vue spécifique. Après avoir partagé une publication où il se demandait si un policier avait injustement tiré sur quelqu’un lors d’une arrestation, il a reçu des messages haineux et même perdu des abonnés. Il s’est rapidement rendu compte qu’il pouvait gagner plus de «likes» et d’abonnés en s’attaquant à Alexandria Ocasio-Cortez (jeune députée féministe new-yorkaise, et étoile montante du Parti démocrate).

«Généralement, les gens de droite la détestent», explique-t-il. «Nous, on le fait simplement pour gagner des abonnés. On n’essaie pas vraiment de donner une mauvaise image d’elle. C’est juste pour faire grossir nos comptes.» Et c’est le cas. «J’ai franchi le cap des 50 000 abonnés bien avant la date que je m’étais fixée», ajoute-t-il. «À l’approche des élections, j’ai l’impression de “booster” encore plus mon Insta.»

Les jeunes hommes qui se cachent derrière ces comptes ont tendance à souligner leur âge et leur tendance politique: «Patriote de 16 ans», «Adolescent républicain», «Jeune de droite, 20 ans», «Adolescent politique», «Partisan indéfectible de Donald Trump, 15 ans», «Étudiant pro-Trump». Comme d’autres influenceurs avertis, ils apparaissent souvent dans des vidéos diffusées en direct pour interagir avec leurs abonnés, qui ont tendance à être beaucoup plus âgés. Ceux que nous avons interrogés disent que leur communauté se compose essentiellement de baby-boomers. Les propriétaires de nombreux comptes mèmes étant mineurs, le HuffPost protège leur identité en modifiant leur nom.

Pour Daniel, 21 ans, qui se cache derrière le compte @TrumpsPlans et relaie les théories du mouvement QAnon, les demandes d’annonceurs ont commencé à arriver lentement une fois passée la barre des 10 000 abonnés il y a quelques mois. Il compte aujourd’hui plus de 40 000 abonnés et dit recevoir plus de demandes marketing qu’il ne peut en traiter (de plus, le fait de publier des pubs trop souvent peut effrayer les abonnés). Le mois dernier il dit avoir gagné 1 200 dollars.

«C’est un truc que je fais dans mon temps libre. Mais j’ai compris qu’il y avait un gros potentiel à exploiter.»

Les comptes mèmes MAGA tirent profit de l’industrie du marketing d’influence en sollicitant de manière agressive des partenariats rémunérés.
Les comptes mèmes MAGA tirent profit de l’industrie du marketing d’influence en sollicitant de manière agressive des partenariats rémunérés.

«DM For Business»

La plupart des créateurs de mèmes MAGA sollicitent ouvertement des partenariats marketing dans leur bios Instagram en demandant aux marques de les contacter en privé avec des phrases telles que «DM for Business» («Contactez-moi en privé pour qu’on parle affaires»), «Msg for biz promo» et «DM FOR AD RATES!!!» Souvent, les comptes novices paient des comptes plus importants pour qu’ils leur fassent de la pub et les aident à se faire connaître via des «shout-outs» [le fait de mentionner un autre compte Instagram] dans des publications ou des «stories».

En ce qui concerne les marques, les créateurs de mèmes MAGA à succès travaillent presque exclusivement avec des entreprises peu connues en quête d’exposition ciblée pour vendre leurs accessoires ou vêtements à l’effigie de Donald Trump.

Les contrats publicitaires impliquent le plus souvent de publier des contenus dans lesquels apparaissent des produits ou promotions (souvent des cadeaux «gratuits» qui cachent en fait une arnaque appelée pratique du prix d’appel) avec des légendes demandant aux utilisateurs de cliquer sur le «lien dans la bio» pour se rendre sur le site de la marque. Les Proud Republicans, Keep Gifts Great, The Patriot Factory, Trump Face Mask 2020, Right Revolt, Bold Eagle USA, The MAGA Shop, Republican Gadgets, The Louder Party, Crusader Outlet, Trump Collection Co., pour n’en citer que quelques-uns, travaillent avec des créateurs de mèmes pour écouler leurs produits.

Bien que la Federal Trade Commission enjoigne les influenceurs et les marques à communiquer clairement et ostensiblement leurs relations payées sur Instagram et d’autres plateformes, la plupart ne le font pas.

Un représentant d’Instagram (propriété de Facebook) a invité le HuffPost à consulter la page de la politique Facebook dédiée à son outil de contenu de marque, qui permet d’identifier un partenaire commercial et de révéler le caractère publicitaire d’une publication. Mais les créateurs de mèmes MAGA ne l’utilisent presque jamais car ils ne souhaitent pas attirer l’attention sur le fait qu’une publication est sponsorisée.

Cette approche marketing peut être plus rentable que les stratégies publicitaires traditionnelles. Contrairement aux publicités télévisées ou radiophoniques, les publications sur les comptes mèmes touchent un public spécifique de personnes partageant un intérêt commun – en l’espèce, Donald Trump –, et beaucoup de jeunes créateurs de mèmes proposent de meilleurs tarifs que les géants de la publicité numérique comme Facebook ou Google. Daniel facture entre 10 à 15 dollars une publication sponsorisée qu’il conserve 24 heures sur sa page avant de la supprimer. Casey la facture 30 dollars.

Ce n’est pas grand-chose au départ mais plus le compte se développe, plus ils génèrent des revenus importants. Casey dit avoir demandé à un créateur de mèmes conservateur qui comptait près de 2 millions d’abonnés de publier un «shout-out». Son tarif était de 400 dollars de l’heure. Dans le climat politique actuel, ces comptes peuvent rapidement prendre de l’ampleur.

Certains affichent des centaines de milliers d’abonnés, voire plus.

Rogan O’Handley, un millénial originaire de Tampa, en Floride, a abandonné le droit financier pour lancer un compte mèmes pro-Trump, @DC_Draino, peu après les élections de 2016. Il compte désormais 1,5 million d’abonnés et sa biographie contient la mention «DM FOR BUSINESS». Son contenu, noyé au milieu des publicités, tourne autour de l’actualité politique. Il est parfois republié par Donald Trump Jr., qui se fait appeler «General in the Meme Wars» [général de la guerre des mèmes] sur Instagram. L’influence de Rogan est telle que l’an dernier, la Maison-Blanche l’a invité à participer à sa conférence sur les réseaux sociaux.

Il n’a pas répondu à notre demande d’entretien. Son compte semble être né d’une passion que viennent nourrir fréquemment des publicités mais son succès a inspiré de nombreux créateurs de mèmes qui sollicitent agressivement des contrats avec les marques dans l’espoir de tirer profit du climat électrique qui règne avant les élections. Il a même distillé, dans une «story» Instagram, quelques conseils aux gens de droite débutants: «Just do it. Chaque mème compte.»

Dans l’espoir de l’imiter, beaucoup courent après les contrats publicitaires en publiant des contenus incendiaires pour générer du trafic, que ce soit sous la forme de messages de soutien qu’ils ont reçu de leurs collègues de droite ou de commentaires haineux de gens de gauche.

«Ça m’aide vraiment», indique Casey. «Mes abonnés réagissent et ça me motive encore plus. Les commentaires haineux, j’aime ça.»

Ils flattent également leur base en attaquant, par des propos grossiers et sexistes, de célèbres responsables féminines du Parti démocrate, surtout des Noires.
Ils flattent également leur base en attaquant, par des propos grossiers et sexistes, de célèbres responsables féminines du Parti démocrate, surtout des Noires.

Exploiter l’algorithme

Les créateurs de mèmes qui espèrent se faire connaître flirtent souvent avec le racisme, la misogynie et la désinformation. Mais certains tiennent compte des conséquences de la diffusion d’un tel contenu.

Daniel, qui a pourtant publié des mèmes accusant Joe Biden de pédophilie et qualifiant les militants antifascistes de «gaspillage complet de sperme», nous explique qu’il essaie de réduire le partage de messages clivants parce qu’il n’aime pas opposer les gens les uns aux autres.

«Certains comptes vont trop loin», dit-il. «Il ne faut pas se contenter d’insulter les gens.»

Pourtant, quelques jours plus tard, il a publié une vidéo montrant un homme déguisé en Donald Trump qui soulève une femme grimée en Hillary Clinton avant de la jeter par terre. Sa publication a été vue par des dizaines de milliers d’internautes.

Ce type de contenus clivants et préjudiciables rappelle la campagne de mèmes que la Russie a lancée sur Facebook avant les élections américaines de 2016 pour diviser et manipuler les électeurs. Bien que les objectifs des créateurs de mèmes MAGA soient moins néfastes, et avant tout financiers, ils continuent d’exploiter et d’exacerber les divisions politiques avant l’une des élections les plus importantes de l’histoire des États-Unis. Et Instagram les aide dans leur entreprise.

«Il y a plein de comptes qui ne sont là que pour le fric. (...) Pour eux, c’est un boulot comme un autre», relate Reed Cooper, 15 ans, créateur de mèmes MAGA.

Les mèmes décrits ci-dessus apparaissent fréquemment dans les mots-clics sélectionnés par l’algorithme et la rubrique «explorer» d’Instagram. Ils atteignent ainsi des utilisateurs qui ne suivent pas encore les comptes mèmes et incitent ces derniers à répandre encore plus de «fake news» et de messages haineux.

Instagram récompense régulièrement ces contenus en leur donnant davantage de visibilité. Si vous tapez #MichelleObama sur Instagram, par exemple, vous tombez d’abord sur #MichelleObamaIsAMan, une référence à la théorie du complot (alimentée par des mèmes) selon laquelle l’ex-Première Dame du pays serait transgenre.

Comme pour la plupart des réseaux sociaux, le moteur de recommandation d’Instagram a été conçu pour montrer aux utilisateurs un contenu que l’algorithme a déterminé et qui, selon lui, les retiendra le plus longtemps possible sur la plateforme. Ce qu’Instagram vend à ses annonceurs, c’est l’attention de ses utilisateurs. Les influenceurs le savent et ils ont appris à produire systématiquement le type de contenu accrocheur qui plait aux algorithmes, que ce soit des selfies agréables à regarder, des images de «fashion inspo» ou des pièges à clics clivants.

Le rôle d’Instagram dans la diffusion de fausses informations et de discours haineux est méconnu. Bien que l’application travaille avec des organisations de vérification des informations, elle ne supprime pas les contenus mensongers. La semaine dernière, elle a annoncé la mise en place d’une politique visant à enrayer la propagation des contenus de QAnon, mais ne l’a pas encore fait.

Contrairement aux plateformes comme YouTube, Instagram ne donne pas à ses utilisateurs la possibilité d’empocher une part des revenus publicitaires qu’ils génèrent. Financièrement parlant, il y a donc moins d’incitation directe à engranger les abonnés ou publier des contenus populaires, incendiaires notamment.

Mais Instagram est la colonne vertébrale de l’économie du marketing d’influence (qui a quasiment doublé en trois ans et devrait valoir 15 milliards de dollars d’ici à 2022) et son moteur de recommandation peut rapidement transformer des créateurs de contenu en stars attirant les marques comme les mouches.

Les créateurs qui ont accepté de répondre à nos questions insistent généralement sur le fait qu’ils ne bénéficient d’aucune amplification algorithmique et reprochent même au réseau social de les censurer, faisant écho à la thèse complotiste selon laquelle la Silicon Valley cible les prises de position des gens de droite.

Pourtant, dans les légendes de leurs publications Instagram, ils demandent régulièrement aux utilisateurs de les suivre, ce qui montre qu’ils sont non seulement conscients de toucher un nouveau public via la rubrique «explorer» et les mots-clics, mais qu’ils comptent sur cette publicité pour développer leurs comptes.

Les créateurs de mèmes MAGA ont fréquemment recours à des tweets et titres de journaux mensongers pour attirer de nouveaux abonnés.
Les créateurs de mèmes MAGA ont fréquemment recours à des tweets et titres de journaux mensongers pour attirer de nouveaux abonnés.

«Fake News», au sens propre du terme

En dehors de l’amplification algorithmique, les créateurs de mèmes MAGA ont généralement recours à des tactiques bon marché pour gagner des abonnés. Un compte publie un faux tweet semblant émaner d’un responsable démocrate (lequel appelle à la mise hors ligne d’un autre compte pour avoir déversé un discours haineux), et l’accompagne d’un message exhortant les utilisateurs à suivre cet autre compte pour lui exprimer leur soutien. Le compte prétendument ciblé renvoie ensuite l’ascenseur en publiant à son tour un faux tweet et en invitant les utilisateurs à suivre le premier compte. Ils partagent également des fausses notifications Instagram comme «preuves» de leur exclusion, et des titres de journaux mensongers dans lesquels les principaux organes de presse appellent à leur exclusion.

«Je sais que c’est débile, mais ça marche», reprend Casey, qui fait remarquer que la technique du faux tweet peut lui faire gagner jusqu’à mille abonnés d’un coup. «C’est vraiment facile. Il y a même une application pour ça.»

Ces canulars ne trompent pas tout le monde mais il y a toujours quelqu’un pour y croire, probablement parce que l’utilisateur admire l’influenceur qui les partagent. Une publication a reproduit par exemple un faux tweet, soi-disant écrit par la militante écologiste Greta Thunberg, qui disait: «Je n’arrive pas à croire que le compte de campagne de Donald Trump @trumpfact sur Instagram puisse être aussi blessant. Il a dit “Joyeux Noël” au lieu de “Bonnes vacances”». Dans le tsunami de commentaires haineux qui a déferlé, la jeune fille a été traitée de «petite morveuse», de «connasse» et d’«Européenne prétentieuse et stupide».

Un utilisateur a même demandé à quelqu’un de «lui fourrer quelque chose dans la bouche assez longtemps pour la faire taire et lui procurer une agréable sensation de chaleur dans la gorge».

«Je publie certains trucs parce que je sais qu’ils auront des “likes”», dit Casey, 16 ans, membre MAGA.

La communauté des mèmes MAGA est tellement en proie à la désinformation et à la publicité mensongère qu’elle suscite des critiques jusque dans ses propres rangs.

«C’est un peu une arnaque», déclare Reed Cooper, 15 ans, qui demande que l’on mentionne son vrai nom (qu’il affiche d’ailleurs sur sa page mèmes @GodBlessDJT). «Je ne veux pas être méchant mais il y a plein de comptes qui ne sont là que pour le fric. J’en ai contacté plusieurs. Pour eux, c’est un boulot comme un autre.»

Ce jeune originaire de Virginie publie des citations de Donald Trump, des versets de la Bible et des théories du complot du mouvement QAnon sur un compte qu’il a démarré en janvier et qui compte aujourd’hui plus de 40 000 abonnés. Mais il ne diffuse pas de pubs et son rêve est de devenir si célèbre sur les réseaux sociaux qu’on lui donnera l’occasion de rencontrer le président.

«Je porte des t-shirts à son effigie partout où je vais», dit-il. «On peut dire que c’est une obsession!»

Donald Trump Jr. a même republié l’un de ses mèmes, marqué de son logo original, mais ne l’a ni tagué ni crédité. Reed espère toujours que le «général de la guerre des mèmes» s’abonnera à son compte. En attendant, il utilise sa page pour aider à «rassembler la base» avant novembre.

S’il partage les mêmes idées que Reed, la motivation de Casey — comme celle de nombreux adolescents dans la sphère des mèmes MAGA — reste financière. Après avoir œuvré pour tant de marques de vêtements républicaines sur Instagram, il espère créer la sienne un jour. Il est bien décidé à faire tout ce qu’il peut pour gagner de nouveaux abonnés et se constituer une future clientèle.

Lorsqu’on lui demande s’il croit réellement au message clivant derrière les mèmes qu’il publie, ou s’il réfléchit à leur impact, l’adolescent répond, après une pause:

«Non. Je publie certains trucs parce que je sais qu’ils auront des “likes”. Mais c’est à vous de savoir si je partage mes convictions ou si j’essaie de développer quelque chose pour me lancer plus tard!»

Cet article, publié sur le HuffPost américain, a été traduit par Karine Degliame-O’Keeffe pour FastForWord.

La version française de ce texte a été publié originalement sur le HuffPost France.

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