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Trépanier congédié pour mieux rester

Trépanier congédié pour mieux rester
Radio-Canada

Marc Deschamps admet que Bernard Trépanier a continué à récolter des dons pour Union Montréal après son congédiement par le maire Gérald Tremblay en février 2006. Il se défend cependant d'avoir su que l'argentier du parti faisait de la collusion avec des entrepreneurs et des firmes de génie et soutient que s'il collectait effectivement une ristourne de 3 % sur les contrats auprès de ces derniers, c'était pour la mettre dans ses poches.

Marc Deschamps admet que Bernard Trépanier a continué à récolter des dons pour Union Montréal après son congédiement par le maire Gérald Tremblay en février 2006. Il se défend cependant d'avoir su que l'argentier du parti faisait de la collusion avec des entrepreneurs et des firmes de génie et soutient que s'il collectait effectivement une ristourne de 3 % sur les contrats auprès de ces derniers, c'était pour la mettre dans ses poches.

« Si je vous comprends bien, en bref, pour vous, l'argent que collectait M. Trépanier, le 3 % n'allait pas dans les coffres d'Union Montréal, mais il restait dans ses poches? Oui. » — Échange entre la commissaire Charbonneau et Marc Deschamps, représentant officiel d'Union Montréal

Sous la pression du procureur Paul Crépeau, mais aussi des commissaires, M. Deschamps a reconnu lundi que Bernard Trépanier avait été congédié « pour la forme », puisqu'il est demeuré très actif par la suite dans le cadre d'activités de financement, dont celle organisée annuellement au profit du maire Tremblay, et d'autres liées plus spécifiquement aux campagnes des maires de Saint-Léonard et de Lachine, Frank Zampino et Claude Dauphin.

Le représentant officiel d'Union Montréal a ainsi confirmé à la commission Charbonneau qu'il a lui-même signé les certificats de solliciteurs demandé par Bernard Trépanier en 2007, 2008 et 2009.

« C'est comme s'il n'était jamais parti, si je comprends bien ? Oui » — Échange entre la commissaire Charbonneau et Marc Deschamps

Marc Deschamps dit qu'il n'a jamais su, à l'époque, les raisons pour lesquelles le maire Tremblay avait exigé le départ de Bernard Trépanier. Le procureur Crépeau a suggéré que cette décision avait été prise après que le maire eut été informé que l'argentier d'Union Montréal avait tenté d'extorquer 1 million de dollars au promoteur immobilier Smart Centre dans le cadre d'un projet dans le quartier Saint-Michel.

Le témoin a cependant dit ne pas être au courant d'une telle histoire.

Le représentant officiel d'Union Montréal soutient que Gérald Tremblay ne lui a en fait parlé des raisons justifiant le départ de Bernard Trépanier que l'automne dernier. Le maire de Montréal lui aurait alors dit lors d'une conversation téléphonique qu'il avait exigé son congédiement en raison de sa trop grande proximité avec l'ex-président du comité exécutif, Frank Zampino, et d'une autre raison qu'il ne lui a pas dévoilée.

Le témoin a laissé entendre à plus d'une reprise que Gérald Tremblay la révélerait lui-même, lors de son éventuel témoignage devant la commission.

Bernard Trépanier, qui gagnait environ 82 000 $ par année, a officiellement été congédié d'Union Montréal en février 2006, a dit Marc Deschamps. Il a quitté le bureau qu'il occupait à la permanence du parti, situé rue St-Jacques, avec quatre mois de salaire en poche et une prime de 25 000 $. Son poste a été officiellement aboli.

Le congédiement s'est fait de façon « hermétique » a dit le témoin, qui a notamment révélé qu'aucune lettre officielle n'a été envoyée à Bernard Trépanier à l'époque. Le comité exécutif du parti n'a d'ailleurs été informé qu'après coup, a-t-il dit.

Selon Marc Deschamps, Bernard Trépanier n'a pas non plus été informé des raisons de sa mise à pied. « Je n'ai rien fait. Pourquoi? » aurait-il dit à M. Deschamps.

Les procureurs et les commissaires ont longuement demandé à Marc Deschamps comment il avait pu, à titre de trésorier du parti, offrir une telle prime de départ à Bernard Trépanier, alors qu'il ne connaissait pas les raisons sous-jacentes à son renvoi. Le témoin a maintenu sa version des faits, mais a convenu qu'il n'aurait pas été approprié d'offrir une prime de départ à l'argentier du parti s'il s'avérait qu'il avait été impliqué dans des activités de nature criminelle.

Marc Deschamps nie par ailleurs avoir été au courant que M.Trépanier collectait illégalement de l'argent auprès d'ingénieurs et d'entrepreneurs. Il soutient qu'aucune rumeur de financement illégal n'était dans l'air à l'époque de son départ. Interrogé au sujet des ristournes de 3 % que Trépanier a collecté auprès des firmes de génie-conseil entre 2004 et 2009, selon les témoignages récents de plusieurs de leurs hauts dirigeants, il dira que l'argent n'a certainement pas été déposé dans le compte officiel du parti.

Le procureur Crépeau a suggéré que le directeur d'Union Montréal avait emporté des boîtes remplies d'argent lorsqu'il avait quitté son bureau à la permanence du parti en 2006. Là encore, le témoin a dit ne pas être au courant.

Que savait le maire?

Marc Deschamps a convenu ultérieurement que c'était comme si Bernard Trépanier « n'était jamais parti ». Selon lui, le maire Tremblay et Bernard Trépanier ont d'ailleurs continué de se croiser. Ils ont notamment assisté à un même évènement tenu au club privé 357c en décembre 2007. Frank Zampino était également présent. « Ces gens-là se sont retrouvés dans la même salle [...] et il ne semble pas y avoir de contradiction entre sa présence et celle du maire ».

Il a aussi affirmé avoir vu Bernard Trépanier et Gérald Tremblay lors d'un bal annuel organisé pour la Fondation du maire en 2006 ou 2007. Cet évènement se tient toujours à l'automne, de sorte qu'il est certain que, même en 2006, il aurait eu lieu après le départ de Bernard Trépanier d'Union Montréal. Selon Marc Deschamps, il est « clair et limpide » que Bernard Trépanier jouait un rôle dans le financement de la fondation.

Marc Deschamps affirme aussi que Bernard Trépanier a assisté à des rencontres dominicales que le parti organisait lors de la campagne électorale de 2009.

Marc Deschamps dit qu'il n'a cependant pas demandé la permission du maire pour lui signer de nouveaux certificats de solliciteur en 2007, 2008 et 2009. « Les événements de l'année 2009 ont peut-être joué un rôle » pour expliquer pourquoi aucun certificat de solliciteur en lui a été donné en 2010, précisera le représentant officiel d'Union Montréal, en évoquant des « rebondissements » qui avaient secoué Union Montréal à cette période.

Marc Deschamps a lu aussi continué d'entretenir des relations étroites avec Bernard Trépanier après son départ d'Union Montréal. La commision a révélé que les deux hommes se sont parlés plus de 1400 fois entre janvier 2005 et août 2011. Le témoin dira qu'il est impossible de dissocier ce qui relevait des activités d'Union Montréal, et ce qui relevait des liens qu'il entretenait avec lui à titre de comptable.

« J'ai dit d'entrée de jeu que c'est un feu roulant de téléphone, je ne suis pas surpris (...) c'est presque robocall quand on le compile. » — Marc Deschamps

Le témoin, qui est un associé de la firme de comptables Raymond Chabot Grant Thornton, a en effet révélé qu'il s'était aussi occupé de dossiers personnels de Bernard Trépanier. Ce dernier a commencé à avoir des problèmes avec le fisc en 2005, relativement à des sommes importantes qu'il avait amassé à la fin des années 1990 ou au début des années 2000, mais qu'il n'avait pas déclarés. « Ce sont des périodes qui ne recoupent pas la période de son emploi à temps plein à Union Montréal », a précisé Marc Deschamps.

Marc Deschamps a dit que Raymond Chabot Grant Thornton s'était occupé des affaires de Frank Catania et associés à partir de 2007, mais principalement en 2008. La firme a aussi commencé à travailler pour les compagnies de l'entrepreneur Tony Accurso à compter de 2009, a-t-il dit. Marc Deschamps dit aussi avoir fait les impôts de l'ex-directeur général de la Société d'habitation de Montréal (SHDM), Martial Fillion, et de sa conjointe, l'ex-vice-présidente du comité exécutif de la Ville Francine Sénécal, ainsi que ceux d'André Fortin, de Frank Catania et associés.

La mystérieuse facture de Morrow Communications

En après-midi, Marc Deschamps a été interrogé sur une facture de 75 000 $ que Morrow Communications a envoyé à Pierre Anctil de SNC-Lavalin à l'automne 2005.

Selon Yves Cadotte, qui y occupe le poste de vice-président principal, Bernard Trépanier avait demandé à sa firme de payer une facture de Morrow Communications à Union Montréal afin de s'acquitter d'une partie du montant de 200 000 $ qu'il exigeait en vue de la campagne de 2005.

Il s'agissait donc d'une « fausse facture » pour des services en fait rendus à Union Montréal, a dit M. Cadotte.

Mais M. Deschamps a soutenu que cette facture ne concernait en rien Union Montréal et que le parti avait lui-même payé tout ce qu'il devait à Morrow Communications.

« Union Montréal a payé toutes les heures facturées par Morrow Communications », a dit le témoin. « Il n'y a pas d'heures impayées, et il n'y a pas d'heures de travail non facturées » à Morrow Communication pour des services rendus à Union Montréal.

Le témoin a alors expliqué qu'André Morrow lui a révélé vendredi dernier que la facture avait été envoyée pour des services effectués pour SNC-Lavalin. « M. Morrow a fait une déclaration à la commission » à ce sujet, a-t-il dit. M. Morrow lui a dit que ce n'était donc en aucune façon une facture pour services rendus à Union Montréal, et qu'il n'avait incidemment jamais entendu parlé de l'entente évoquée par Yves Cadotte.

M. Morrow lui aurait par ailleurs dit que Morrow avait, en réalité, rendu bien peu de services à SNC-Lavalin.

Le fait que Marc Deschamps ait discuté avec André Morrow au beau milieu de son témoignage, entrepris jeudi dernier, a fait bondir les procureurs et les commissaires. Lorsque la commissaire lui a demandé pourquoi il avait agi de la sorte, le représentant officiel du parti a répondu qu'il voulait « avoir l'heure juste ».

Deschamps nie la pratique d'une double comptabilité

M. Deschamps a par ailleurs affirmé que, lors de sa conversation avec le maire en octobre 2012, le jour même du témoignage de Martin Dumont, les deux hommes ont convenu que jamais il n'y avait eu de rencontre en 2004 avec ce dernier en marge d'élections partielle dans l'arrondissement Saint-Laurent.

L'ex-organisateur politique d'Union Montréal a soutenu puis maintenu devant la commission qu'il avait participé à une rencontre au cours de laquelle M. Deschamps lui avait révélé, devant le maire Tremblay, que le parti pratiquait une double comptabilité.

Trépanier, Zampino et Tremblay très attendus

M. Deschamps devrait être interrogé cet après-midi sur le fait qu'il a siégé au comité de sélection qui a sélectionné Frank Catania et associés dans le dossier du projet immobilier Faubourg Contrecoeur, alors que sa firme avait des mandats avec l'entrepreneur et que lui-même était le comptable personnel de Paolo Catania, selon le témoignage de l'enquêtrice Isabelle Toupin.

Cette dernière portion du témoignage ne sera cependant pas livrée publiquement. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a déposé une requête partielle et préventive de non-publication afin de « préserver l'équité procédurale » dans le cadre du procès que doivent subir Frank Catania et associés et huit personnes, dont Frank Zampino et Bernard Trépanier, dans le dossier du Faubourg Contrecoeur.

Marc Deschamps a expliqué la semaine dernière qu'il avait accès à toutes les informations sur la comptabilité du parti Union Montréal, dont il signait d'ailleurs les états financiers. À titre de représentant officiel du parti, il en était l'agent officiel lors de périodes électorales, y compris lors d'élections partielles. M. Deschamps a d'ailleurs précisé qu'il lui revenait de signer les certificats que doivent obligatoirement détenir les solliciteurs du parti.

Marc Deschamps a aussi expliqué que son rôle consistait notamment à vérifier la légalité des contributions faites à Union Montréal. Pour qu'une contribution soit officielle, a-t-il dit, elle doit être déposée dans le compte du parti.

L'agent officiel d'Union Montréal a dit qu'il avait commencé à faire de la politique en 1989, lorsque Gérald Tremblay s'était présenté comme député libéral dans Outremont. M. Deschamps a ensuite été le représentant officiel de l'association libérale de la circonscription jusqu'en 2011.

Il n'a quitté ce poste que cette année-là, lorsqu'il s'est joint à la Coalition avenir Québec, dont il a brièvement été l'agent officiel. Il a quitté cet autre poste au moment où s'amorçait la campagne électorale de 2012, en raison d'allégations à son endroit dans le dossier du Faubourg Contrecoeur.

Un texte de Bernard Leduc et François Messier

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