Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le confinement m'a donné la chance de vraiment connaître mes enfants. Ça me manquera.

Un membre de ma famille m'a dit que la COVID-19 faisait ressortir le meilleur de nous. Je pense qu'il a fait ressortir le «vrai» nous.

L’étiquette du chandail des Raptors de Toronto de mon fils accroche presque son menton pendant que nous faisons du patin à roues alignées.

«Il y a encore plus de rouge, Dada, donc je peux ressembler à un vrai ninja», me dit-il, ce qui explique pourquoi il a mis son chandail à l’envers.

Je porte un short de sport en nylon gris avec des taches de peinture provenant de je ne sais combien de murs. Je porte le même t-shirt depuis des jours. Il est 14h15 un mercredi. Dans 45 minutes, je serai en vidéoconférence avec des cadres pour le travail.

Je vais mettre une chemise.

Vous avez envie de raconter votre histoire? Un événement de votre vie vous a fait voir les choses différemment? Vous voulez briser un tabou? Vous pouvez envoyer votre témoignage à propositions@huffpost.com et consulter tous les témoignages que nous avons publiés.

L’école vient de recommencer et notre vie réelle reprend son cours. Les devoirs, les matinées et les soirées précipitées, les activités parascolaires et d’autres événements du calendrier habituel qui n’ont pas eu lieu à cause de la COVID-19 retrouveront leur chemin sur le tableau blanc de la cuisine.

Je vis des sentiments contradictoires. Je sais que mes enfants ont besoin de retourner à l’école, mais le rythme plus lent lorsqu’ils sont à la maison me manquera. Je m’ennuierai de voir notre famille faire face à la pandémie ensemble, en partageant chaque repas dans notre petit coin du monde. Je m’ennuierai de ce terrain de jeu qu’est la maison pour eux.

Nous avons vécu plus longtemps dans notre maison ces cinq derniers mois que depuis les huit années où on y habite.

L'auteur et sa famille.
ADAM GRACHNIK
L'auteur et sa famille.

Ça a été difficile, plus difficile que je n’aurais cru. Mes enfants m’ont vu m’adapter au télétravail et à mon rôle de père à la maison. Et nous étions parmi les plus chanceux. D’autres familles ont beaucoup plus de difficultés que nous. Nous vivons dans une maison de banlieue de taille décente, avec une cour et un stationnement. Nous avons tous les deux des emplois stables et bien rémunérés, avec une relative flexibilité. Beaucoup doivent composer avec tout le contraire.

Pourtant, maintenant que cette période est terminée, je me demande si je ressens des émotions similaires à celles que peuvent vivre les parents qui ont le syndrome du nid vide lorsque leurs enfants adultes quittent enfin la maison. Un mélange de réalisme et d’optimisme pour la prochaine étape de la vie, un mélange d’inquiétude et de nostalgie face au passé.

Quelle que soit l’émotion, je suis reconnaissant que cette période m’ait donné une chance unique de vraiment aller à la rencontre de mes enfants. Ça me manquera.

Les défis de la pandémie ont fait ressortir le meilleur de nous

En mars dernier, ma femme (enseignante au secondaire) et moi avons décidé de foncer tête baissée, de nous mettre au travail et de faire de notre mieux pour équilibrer nos engagements.

Nous avons réparti notre temps de manière à donner aux enfants (un garçon de six ans et une fille de huit ans) la meilleure expérience possible tout en continuant à travailler. Au début, mon quart de travail était très tôt, puis il s’est étendu jusqu’à quelques heures dans l’après-midi. Ma femme a pris les choses en charge beaucoup plus que moi. Elle était responsable de la logistique pour notre famille, par exemple, en planifiant la plupart des repas et en veillant à ce que les enfants suivent leurs cours en ligne.

Pourtant, même si j’en avais moins sur les épaules à la maison comparativement à elle, je n’étais pas aussi fort que ma conjointe.

Avoir un travail exigeant, très prenant (mais flexible), et le fait d’attendre des enfants qu’ils fassent preuve d’un bon comportement sont effectivement des éléments qui ont conduit à des conflits. Je mettais le tout de côté parce que j’étais occupé par autre chose au travail. J’ai parfois perdu patience trop vite quand un enfant brisait ou faisait tomber quelque chose, ou quand ils disaient des mauvais mots ou ne m’écoutaient pas. J’étais trop facilement frustré s’ils ne voulaient pas faire de vélo ou jouer au basket pendant «mon temps», ou s’ils demandaient constamment une collation, ou encore s’ils refusaient simplement de s’occuper.

Trop souvent, j’avais l’impression de ne pas vivre le moment présent.

Un vieux matelas est devenu un trampoline dans le jardin, et il a été utilisé pendant des dizaines et des dizaines d'heures.
ADAM GRACHNIK
Un vieux matelas est devenu un trampoline dans le jardin, et il a été utilisé pendant des dizaines et des dizaines d'heures.

Je sais que le comportement de mes enfants était relativement normal, surtout dans le contexte d’une pandémie qui a bouleversé leurs habitudes. Mais, au lieu d’être patient et d’accepter leurs crises, je les ai trop souvent confrontés de front.

Mes enfants ont eux aussi vécu toutes sortes d’émotions, et ce, en peu de temps. Mon fils pouvait surprendre gentiment sa mère en lui préparant un smoothie, puis pousser agressivement sa sœur hors du chemin la minute suivante. Ma fille pouvait se mettre à pleurer sur ce que je percevais comme des banalités, comme devoir partager avec son frère un jouet dont elle s’était débarrassée il y a des années. Ils s’échangeaient des coups de poing et des coups de pied de ninja, puis s’endormaient blottis l’un contre l’autre dans le même lit.

Alors qu’ils retournent à leur vie normale - mais avec un masque et la distanciation sociale - j’espère qu’ils se sont imprégnés de tous ces moments de plaisir.

Nous avons tous célébré nos anniversaires en confinement, nous avons fait des journées «ni oui ni non» et des chasses au trésor, nous avons cuisiné un gâteau à trois étages avec des bonbons au centre, et nous avons transformé notre terrasse arrière en une plage paradisiaque avec des palmiers gonflables.

Mes enfants se sont habillés avec nos vêtements de mariage d'il y a neuf ans, pour faire comme s'ils étaient au mariage.
ADAM GRACHNIK
Mes enfants se sont habillés avec nos vêtements de mariage d'il y a neuf ans, pour faire comme s'ils étaient au mariage.

Notre sous-sol est devenu une arène de ballon-chasseur, un jeu auquel mes enfants jouaient à l’école mais jamais à la maison avec leurs parents. Parfois, au dîner, mon fils portait un complet et ma fille mettait la robe de ma femme pour qu’ils puissent «vivre» le jour de notre mariage. Un vieux matelas est devenu un trampoline dans notre cour pendant des mois. J’ai littéralement regardé mon fils apprendre à lire pendant que ma femme, assise sur un banc dans la cuisine, travaillait avec des cartes faites maison pour l’aider avec la sonorité des lettres.

Un membre de ma famille a dit que la COVID-19 faisait ressortir le meilleur de nous-mêmes.

Je pense qu’il a fait ressortir le «vrai» nous. Malgré les difficultés, j’ai toujours été un père engagé, mais je compte bien continuer à faire de notre maison leur terrain de jeu et leur salle de classe. Je suis plus énergisé que jamais pour tout ce qu’il nous reste à vivre sous ce toit avant que nous ne soyons un jour confrontés au syndrome du nid vide.

L’autre soir, je bordais mon fils sous sa couverture de Batman. «Dada... toi et maman faites beaucoup de travail», m’a-t-il dit. «Pas comme le travail que tu fais sur ton ordinateur. Mais du travail comme le ménage, la cuisine et tout ça.»

On dirait bien que les enfants aussi ont appris à mieux nous connaître.

Ce texte, initialement publié sur le HuffPost Canada, a été traduit de l’anglais.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.