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J'ai choisi de vivre le confinement seule et je n'ai aucun regret

Alors que plusieurs étudiants retournaient chez leurs parents, mon désir de solitude est devenu plus fort que jamais.
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En tant qu’étudiante universitaire, j’ai une chambre à moi, mais pas de maison.

Lorsque la pandémie s’est aggravée, le logement où j’habite a commencé à se vider, et tout le monde était en train de se demander mutuellement «quand on prévoyait de rentrer chez nous». En quelques jours, les frontières entre les pays ont fermé, les possibilités de voyager se sont faites de plus en plus rares et la bâtisse s’est vidée rapidement.

Lorsque ma mère m’a demandé si je voulais quitter Londres, ma réponse a été simple: de nombreuses raisons faisaient en sorte qu’il valait mieux que je reste là où j’étais. J’avais déjà fait des réserves de nourriture, je risquais facilement d’être infectée à l’aéroport, et je pouvais mieux me concentrer sur mon écriture en étant seule. Et aussi, soyons honnêtes, ne nous serions-nous pas entretués, tôt ou tard, coincés sous le même toit sans aucune issue?

Finalement, uniquement pour des raisons financières, j’ai décidé de partir en achetant mon billet deux jours avant la fermeture des frontières du Royaume-Uni. Il y a par contre une condition que j’ai gardée pour moi: je n’ai accepté de partir qu’après avoir découvert qu’il y avait un endroit où je pourrais vivre seule près de la maison de mes parents.

“Partager l’espace avec les autres à long terme me terrifie plus que tout.”

On pourrait être tenté de dire que c’est la meilleure issue pour tout le monde. J’ai été en quarantaine pendant 14 jours de toute façon et en vivant seule, je protège ma famille. Mais ce que je fais va beaucoup plus loin que l’amour de ma famille.

La plupart de mes choix de vie sont alimentés par mon besoin de solitude, d’ordre et d’indépendance, et par le sentiment de sécurité que ces choses me procurent. Partager l’espace avec les autres à long terme me terrifie plus que tout.

Mon besoin d’intimité, je crois, est la conséquence des pires moments passés avec mon trouble alimentaire. Même si mes habitudes ne sont pas aussi destructrices qu’elles l’étaient autrefois, elles font écho en moi et ça implique que je ne suis jamais vraiment seule. Même si je ne me fais pas vomir et que je ne cache pas de paquets de chocolat dans ma chambre, je sursaute encore lorsque quelqu’un perturbe mon rituel du soir. Si je suis complètement seule, sans personne pour frapper à ma porte ou m’observer, je me sens indépendante et autonome.

Vivant seule, enfermée, lors de mes bonnes journées, je réussis presque à me faire croire que tout est normal. Je fais mon café, je lis et j’écris, j’essaie d’étudier. Je suis un peu trop excitée à l’idée de préparer mes repas de la journée. Je me laisse aller à la spontanéité dans mon cadre parfaitement organisé. Et aucune partie de mon corps n’est tendue - je n’ai pas à préparer cinq scénarios potentiels pour une conversation, ni à me protéger de la surcharge sensorielle. Je suis capable de respirer librement, sans avoir à me rappeler comment «être humain» correctement.

Les mauvais jours? La solitude m’amène à m’intéresser aux nouvelles, et ne me fait pas oublier la réalité de ce qui se passe. Pour ne pas penser, j’écris des nouvelles (très mauvaises), et je m’assois sur mon canapé avec un livre à la main, en faisant semblant de lire et en étant perturbée par des idées de nouvelles (très mauvaises). Je commence à me demander: comment ça se vit, la solitude? C’était une constante, mais je ne m’en souviens plus.

“Je pense que prendre soin de soi, ça implique d’être parfois un peu égoïste.”

Mais il ne se passe pas une journée sans que je ressente cette dichotomie entre la culpabilité et un excitant sentiment d’indépendance. J’apprends encore à m’occuper de mes propres besoins et à les respecter. Est-ce que ça signifie que ma décision pourrait être considérée comme un acte d’amour et de «self care», ou est-ce que c’est tout simplement de l’égoïsme? Est-ce que les deux sont possibles?

Je pense que prendre soin de soi, ça implique d’être parfois un peu égoïste. Ça nous oblige à abandonner les relations toxiques, à ignorer la voix de ceux qui nous rabaissent. Pour ceux d’entre nous qui sont plus introvertis, ça exige également de limiter le temps que nous pouvons passer avec d’autres personnes sans devenir fous.

J’ai toujours été du genre solitaire, mais ma réaction à la pandémie a atteint un tout autre niveau. J’ai construit cette identité pendant des années et ce n’est que récemment que j’ai cessé de me sentir coupable.

J’appelle encore ma mère tous les jours, même si nous vivons dans la même ville, donc elle n’est plus aussi inquiète pour moi qu’avant. L’autre jour, mon père est venu sortir mes poubelles - puisque je ne peux pas encore quitter l’appartement. Il portait un masque et une paire de gants jetables, et nous étions à deux mètres l’un de l’autre. C’était un moment surréaliste, mais sincère - et le moment où j’ai réalisé que j’avais peut-être été égoïste, mais que j’ai aussi envisagé la solitude comme une façon de prendre soin de moi.

Je ne regrette rien. Mes parents sont en sécurité et en bonne santé, et nous sommes suffisamment proches pour savoir que nous pouvons être là l’un pour l’autre si quelque chose arrive. Je me réveille tous les jours, je traverse les hauts et les bas, passant de l’hypersensibilité à l’évitement naïf. Mais au moins, j’ai tout l’espace pour me permettre et permettre à mes habitudes d’errer librement.

Ce texte, initialement publié sur le site du HuffPost Royaume-Uni, a été traduit de l’anglais.

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