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Et si on apprenait le métier de parents!

Pour devenir menuisier ou architecte, on suit des cours. Pour devenir parents, on ne suit que les sillons des aïeux, parfois profonds, parfois boueux, rarement clairs. Pourquoi donc n'éduque-t-on pas sur la vie, la vraie, celle qui occupe nos jours et nos nuits ?
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ALAMY

Pour devenir menuisier, couturier, plombier ou architecte, on suit des cours. Pour devenir parents, on ne suit que les sillons des aïeux, parfois profonds, parfois boueux, rarement clairs. Pourquoi donc n'éduque-t-on pas sur la vie, la vraie, celle qui occupe nos jours et nos nuits ? Pourquoi n'instruit-on pas sur la paternité et la maternité, fondements de notre passage sur terre ? Pourquoi l'Éducation nationale ne propose-t-elle pas un enseignement pour dire le futur père, la future mère, pour apprendre à recevoir le bébé, pour comprendre la famille qui va naître ?

L'État gère les agressions et les actes d'incivilité par des lois répressives, des déploiements de force et des déclarations politiques sans se demander si cette violence ne trouve pas ses racines dans l'absence d'accompagnement psychologique sérieux des futurs parents. Je ne suis pas loin de considérer que c'est là une des tragédies de notre société.

Le dernier plan périnatalité de la France couvrait la période 2005-2007. Il était intitulé : "Humanité, proximité, sécurité et qualité". Il proposait de mieux répondre aux interrogations et préoccupations des futurs parents, notamment par l'entretien précoce du quatrième mois et "plus d'humanité par une meilleure prise en compte de l'environnement psychologique de la naissance".

Mais les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. 21% seulement des femmes déclarent avoir bénéficié de l'entretien prénatal du quatrième mois. 40% des maternités n'offrent toujours pas de consultation de psychologue. Le recours a un psychiatre est encore largement effectué par un intervenant extérieur.

Quant aux hommes ils sont dramatiquement oubliés. Deux exemples : sur les 650 maternités que compte la France, une cinquantaine seulement organise des groupes de paroles pour les hommes. Et encore ils sont généralement payants. Second exemple : le carnet de paternité, dont la diffusion a été décidée lors de la conférence de la famille en 2001, n'est qu'un rapide assemblage de textes de lois sur les droits et les devoirs parentaux.

Le 7 mars 2013, le président de la République François Hollande a certes annoncé une réforme du congé parental avec une période de six mois obligatoirement réservée au deuxième parent, non transmissible au premier. Mais cela est tellement dérisoire, tellement insuffisant, au regard de la réalité...

13% des femmes enceintes sont touchées par ce que l'on appelle le Mummy blues. Alors qu'elles voulaient plus que tout un bébé, elles sont irritables, manquent d'appétit, d'énergie, ont besoin de s'isoler, se sentent seules et souffrent en silence par crainte d'être considérées comme des mauvaises mères. 50 à 80% des femmes sont touchées par une dépression post-partum. 20 à 25% des couples se séparent dans les premiers mois après la naissance du bébé, selon le Dr Bernard Geberowicz.

Ce sont les chiffres du fiasco des actions de tous ceux - corps médical, Etat, législateurs - qui s'occupent de périnatalité, trop concentrés sur les questions purement médicales et d'accès aux soins. Les chiffres sont aussi l'effet boomerang dévastateur des messages publicitaires qui font croire que la grossesse est une extase, la naissance un nirvana, le bébé une poupée docile, la nouvelle mère une madone enchantée et le nouveau père un héros des temps modernes.

La dimension psychologique de la grossesse est dramatiquement négligée voire oubliée. Or, ces neuf mois là sont une période de bouleversement majeure. L'homme et la femme sont placés dans un état de transparence psychique où les blessures d'enfances ressurgissent, où les vulnérabilités sont exacerbées, où les questionnements existentiels déferlent. L'homme et la femme ne sont ni préparés à ces perturbations, ni armés pour y faire face, alors qu'ils sont devant la nécessité impérieuse de la métamorphose, qu'ils doivent reprendre possession de leur monde intime, renouer les liens de leur histoire, transformer la souffrance, accepter que tout projet créateur trouve aussi sa source dans un traumatisme.

Résultat, la grossesse qui devrait être un temps solidaire entre l'homme et la femme, est trop souvent un temps solitaire où chacun rumine ses troubles. Ainsi ce n'est pas seulement un enfant qui grandit, mais un mal-être, des incompréhensions, des doutes qui se développent dans le silence et les non-dits. Si le partage entre l'homme et la femme n'est pas réel, profond, sincère, comment le père et la mère peuvent-il échapper au sentiment d'être réciproquement abandonnés ? Comment peuvent-il ne pas être submergés et effrayés tous les deux par leurs devoirs ? Comment peuvent-ils ne pas se sentir désespérément seuls ? Et comment ensuite être surpris des séparations, ruptures, conflits qui s'éternisent pendant des années ?

Comme bien souvent dans ce pays, le diagnostic existe, comme dans cette "fiche action numéro 20" de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé de mai 2010. Il y est écrit :

"Le passage de l'état d'homme à l'état de père nécessite une véritable transition, un temps de gestation mentale (...) Le futur père a davantage de travail d'ajustement à réaliser que la future mère".

Mais les bonnes pratiques qui suivent sont d'une indigence et d'une banalité sans nom : "Inciter le père à participer aux cours de préparation à la naissance, encourager le conjoint à accompagner sa compagne aux consultations de suivi médical, proposer au futur père de réaliser un bilan de santé". A-t-on à ce point peur de s'intéresser à l'âme humaine ?

Il faut inventer, imaginer, construire du symbolique pour permettre à la femme, à l'homme, au couple, plongés dans leur magma psychologique, d'être ensemble porteurs de l'enfant à venir. Il faut pour les couples en devenir un cadre organisé et planifié sur le plan psychologique.

Il faut des structures d'écoute de la condition masculine pour les temps de grossesse, eux qui ont déjà tant de mal à exprimer leur intériorité.

Il faut développer l'haptonomie en France, alors qu'il n'existe aujourd'hui qu'une centaine de praticiens face à près de 800 000 naissances annuelles. Cet art du toucher et de l'affectivité, prônée par Catherine Dolto, permet la communication avec l'enfant, favorise les liens affectifs entre l'enfant, le père et la mère.

Il faut des psychologues à toutes les étapes de la grossesse, pour la femme comme pour l'homme. À l'image de ce qui est pratiqué à la Clinique de l'Essonne depuis deux ans.

Il faut des ostéopathes pour préparer les futures mères à l'accouchement et pour libérer les bébés, dans les heures qui suivent leur naissance, de leurs tensions liées à leur vie intra-utérine ou au déroulement de l'accouchement. En France, certaines maternités ont ouvert leurs portes aux ostéopathes, trop peu encore comparativement à d'autres pays.

Mesdames, Messieurs les parlementaires, les ministres de ce pays, Monsieur le président de la République, au lieu d'attiser de nauséabonds débats sur le droit ou l'interdiction à avoir un enfant, aidez-les couples, accompagnez-les dans la venue d'un enfant et vous ferez œuvre utile pour la société. Économiquement, vous réduirez le trou abyssal des finances publiques parce que les juridictions des affaires familiales seront moins encombrées. Philosophiquement, vous contribuerez à un peu plus d'harmonie dans la société.

Francis Guthleben est l'auteur de Enceint - Journal d'un futur père, Editions Gawsewitch

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