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Les compressions en santé, ça veut dire quoi?

Au cours des trois dernières années, j'ai pu observer plusieurs changements dans le domaine hospitalier. Voici, concrètement, ce que cela signifie.
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Au cours des trois dernières années, j'ai pu observer plusieurs changements dans le domaine hospitalier. Mises à pied de personnel qualifié, suppression de jours de travail, permanence inexistante, baisse des services offerts et disparition de matériel constituent désormais le lot quotidien. Mais concrètement, qu'est-ce que ça signifie?

Ça signifie que maintenant, des départements comme celui du mère-enfant n'offre plus de couches aux nourrissons. Par couches, je ne parle pas d'une boîte. Je ne parle même pas de cinq couches. Je parle d'une couche. Dorénavant, on dit aux parents qu'ils doivent se débrouiller et ce, même s'ils ont dû se précipiter d'urgence à la salle d'accouchement parce que bébé a décidé de se pointer le bout du nez plus tôt que prévu. Disons que dans ces moments-là, penser aux couches ne doit pas trôner au sommet de la liste des priorités. Nous ferons bien l'effort de vous en trouver une, cachée quelque part entre deux rangées de bouteilles d'eau stérile, mais pour la suite des choses, vous devrez trouver une solution.

Il en va de même pour les serviettes sanitaires qui étaient autrefois utilisées pour les mères venant d'accoucher. Il n'y a pas si longtemps, des serviettes médicales spécialement conçues pour les nouvelles mamans étaient distribuées, tant pour le confort des nouvelles mères que pour le travail des infirmières. Grâce à ces serviettes, elles pouvaient calculer avec exactitude la quantité de sang perdu et, ainsi, s'assurer que la mère n'en perdait pas trop. C'était utile, c'était pratique. Mais pas assez pour qu'elles survivent à la coupe à blanc! Aujourd'hui, les femmes arrivent dans leur chambre (avec tout ce que ça implique de fatigue et d'épuisement) les mains vides. Lorsque l'infirmière leur demande si elles ont apporté leurs propres serviettes sanitaires, elles sortent, bredouilles, les Always ultra-minces qui traînaient dans leur sac à main, bafouillant que personne ne leur avait dit qu'elles devaient en apporter. «Désolée, ce n'était pas comme ça avant», qu'on leur répond. Et même si on en cherche entre deux rangées de bouteilles d'eau stérile, il n'y en a plus. Même plus une.

Ça signifie aussi que même les gants ont changé. Par gants, j'entends ceux utilisés par le personnel. Ceux que nous avions avant étaient fait exclusivement pour prodiguer des soins de santé sans risque, tant pour le patient que pour celui ou celle qui administrait les soins. Maintenant, ceux que nous avons pourraient aussi servir à garnir une dinde. C'est effectivement ce qui est écrit sur la boîte, au point #3. «Peuvent être utilisés pour garnir une dinde.» Charmant, non?

Ç'a même des répercussions sur la literie utilisée dans les chambres. Des draps troués qu'on refuse de jeter, des débarbouillettes tachées, des serviettes maculées. On use jusqu'à la corde au lien de remplacer. Il en va de même pour la lingerie stérile devant être utilisée sur le département de néonatalogie, par exemple. Avant, un commis se chargeait de remplir les chariots afin qu'il y en ait toujours une quantité suffisante. Aujourd'hui, il ne passe que quelques fois par semaine. Il en manque. Souvent. On fait quoi dans ce temps-là? On remplit un rapport d'accident et on court dans l'hôpital pour essayer de trouver ce qu'il nous manque. Sinon, on s'en passe.

Ça veut également dire que plusieurs personnes sont encore sur ce qu'on appelle une liste de rappel et ce, malgré les années qui défilent. C'est mon cas. Même après trois ans, on ne peut jamais m'assurer des heures de travail, hormis un week-end sur deux durant l'année scolaire. Disons que vivre avec quatre jours de salaire par mois a quelque chose d'assez effrayant. Lorsque l'été arrive, c'est l'angoisse perpétuelle qui se répète. Vais-je pouvoir travailler à temps plein cet été? Plus souvent qu'autrement, la réponse est non. Je suis chanceuse si je travaille 7 jours aux deux semaines durant un mois. Par la suite, je peux être deux semaines sans travailler et donc, sans salaire.

Lorsque j'ai commencé à travailler à l'hôpital il y a trois ans, on me téléphonait chaque fois que je donnais des disponibilités supplémentaires. Depuis un an et demi, on ne m'appelle jamais. Aujourd'hui, il arrive souvent qu'on ne remplace pas l'employé qui n'entre pas. On dit aux autres de s'arranger pour les huit prochaines heures. Faites-en plus avec moins. Certaines personnes ne travaillent pratiquement jamais, même l'été; même lors des vacances de Noël. Et pourtant, elles veulent travailler.

Ça veut également dire que les délais sont de plus en plus longs lorsque des appareils sont en réparation. Ça veut aussi dire que toutes les infirmières auxiliaires perdront leur emploi sur le département de néonatalogie dans les prochaines années. Ça veut également dire que les femmes enceintes ne sont plus retirées de façon préventive par la CSST. Oh, bien sûr, il n'y a pas de danger pour le bébé si elles continuent de travailler. Mais n'importe qui ayant déjà été enceinte sait à quel point cela peut être exigeant pour le corps et pour l'esprit. Imaginez rester debout une bonne partie de la journée, courir une autre partie et gérer une anémie ou un diabète gestationnel en même temps, tout en prodiguant des soins de santé de qualité, tout en restant focalisée. Ça donne le vertige, non?

Et tout ceci n'est qu'une infime pointe de l'iceberg. Déjà l'année dernière, le CSSS Ahuntsic-Montréal-Nord annonçait l'abolition de quinze postes, dont ceux de deux infirmières scolaires, et le CSSS de la Montagne annonçait l'abolition de dix-sept postes. En avril dernier, les directions régionales de santé publique devaient avoir réduit leur budget de 30%. Et que dire de la surcharge de travail dans les CHSLD? De l'impact sur les femmes, qui occupent majoritairement les emplois dans le secteur de la santé et des services sociaux?

En faire plus avec moins ne devrait pas avoir sa place en santé.

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