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Ce couple a vécu la Deuxième Guerre mondiale, voici ce qu'il pense du confinement

Ces grands-parents nous parlent d'un confinement du temps d'avant.
Ridofranz via Getty Images

Depuis ce mardi 17 mars, les Français sont contraints de rester chez eux et d’éviter toute sortie sauf exception, sous peine d’une amende de 210 dollars, dans le cadre de la lutte contre la propagation de la pandémie de coronavirus.

Une situation exceptionnelle qui peut être vécue difficilement car elle signifie pour beaucoup isolement et ennui. Pour ce couple de retraités joint au téléphone par Le Huffpost, cela évoque aussi une autre époque, celle de la Seconde Guerre mondiale. Yves et Marinette se souviennent de ce temps où ils étaient confinés chez eux «sous peine de se faire tirer dessus par les Allemands», racontent-ils.

Yves a 90 ans, sa femme Marinette, 87. Dans les Bouches-du-Rhône, ils ont chacun vécu la Seconde Guerre mondiale et se souviennent de ce confinement qui était bien différent de celui que l’on connaît aujourd’hui.

«Nous préférons ce confinement-là»

Assise à côté de son mari, Marinette se replonge dans ses souvenirs pour répondre aux questions. «J’avais 11 ans, cela remonte à loin mais je me rappelle bien des conditions. Comme aujourd’hui, l’école était arrêtée, mais pourtant la situation était différente de ce que les élèves vivent aujourd’hui» explique-t-elle.

À l’époque de Marinette, pas de cours à la maison. Elle était l’aînée d’une famille de trois enfants et allait travailler chez un voisin où elle ramassait des légumes toute la journée. Celle qui est aujourd’hui grand-mère d’une petite-fille confie que lorsqu’elle avait terminé son boulot, elle était payée avec un œuf. «Comme j’étais la plus grande des frères et sœurs, c’est aussi moi qui prenait la voiture pour aller chercher les cartes de rationnement à la mairie.»

En 1939, dans la ville de La Ciotat où elle vit encore aujourd’hui, les habitants ne pouvaient là aussi sortir qu’en cas d’urgence: pour aller voir le médecin ou chercher de la nourriture. À une grande différence, s’ils ne respectaient pas les règles, ils ne récoltaient pas une contravention de la police, mais risquaient de se faire arrêter par les soldats allemands, voire pire.

À ses côtés, son mari, Yves confirme. En ce temps, lui vivait à Aubagne, une ville également située dans les Bouches-du-Rhône où le fonctionnement était similaire. «Nous étions bien obligés de respecter le confinement! À notre époque ce n’était pas un virus, mais les bombes qui pouvaient nous tomber dessus.» Le couple est bien d’accord sur une chose: ils préfèrent le confinement qu’ils vivent en 2020.

De meilleures conditions

Marinette, qui possède aujourd’hui un téléphone portable, n’hésite pas à se déplacer avec vers la cuisine où on l’entend ouvrir son placard: «j’ai plein de biscuits différents et quelques réserves de conserves, ma fille m’a fait quelques courses et elle me dépose de la nourriture devant ma porte quand je n’en ai plus», explique-t-elle.

En 1939, ses placards étaient vides. Son mari raconte qu’il en était de même dans sa famille. Les deux expliquent que les supermarchés n’existaient pas, il y avait des épiceries où les réserves n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui. «C’était de tout petits magasins, on n’aurait pas pu dévaliser les rayons comme on le voit en ce moment. De toute façon, ce type de comportement ne pouvait pas arriver car nous avions des cartes de rationnement». Ils racontent que ce qui leur fait peur dans cette guerre sanitaire, c’est uniquement la manière dont agissent les habitants.

“Il est très important que les gens restent solidaires et ne paniquent pas, c’est ce qui nous sauvera”

Les habitants devaient se rendre dans les mairies de leurs villes afin de se procurer une carte de rationnement. Celle-ci leur donnait le droit à un peu de pain, de la viande et du sucre. Yves, ancien postier, se rappelle: «le pain était dégoûtant, la mie avait un goût de mastic. Pour le petit-déjeuner, j’en prenais un bout avec du sucre et j’essayais de me rationner de cette façon.»

Lorsqu’ils voient leurs placards remplis de «bonnes choses» aujourd’hui, les grands-parents ne peuvent s’empêcher d’être heureux malgré la situation actuelle de la France. «Nous qui avons vécu la guerre, on se rend bien compte de la chance que nous avons de manger à notre faim, et nous sommes aussi conscients qu’il ne faut pas avoir de comportements égoïstes!»

«Les gens des villes venaient dans les campagnes chercher les légumes»

Au milieu de leur récit, les deux grands-parents insistent: «il est très important que les gens restent solidaires et ne paniquent pas, c’est ce qui nous sauvera.» À plusieurs reprises, ils évoquent des images qu’ils ont vu à la télévision: «cela nous rend tristes de voir tous ces gens qui remplissent leurs chariots de tonnes d’aliments.» Ils racontent avoir demandé à leurs deux enfants de ne leur ramener de nouvelles courses qu’une fois que leurs placards seront vides.

S’ils insistent autant sur la solidarité, c’est parce qu’à l’époque aussi, des débordements avaient lieu: «nous vivions dans de petites villes et nous sommes proches de Marseille. Les Marseillais étaient très agressifs et venaient taper aux portes des paysans pour qu’on leur vendent des légumes» se souvient Marinette. Yves la coupe: «je me rappelle qu’ils se battaient pour avoir les légumes, certains repartaient même avec les racines, c’était de vrais sauvages!»

Prendre conscience d’une chance

Pour ne pas reproduire ces erreurs, le couple aimerait faire passer un message aux plus jeunes: «vous avez vos téléphones portables et vous pouvez communiquer entre vous. Si vous sortez faire des courses, avec des précautions, vous ne risquez pas de voir vos proches mourir fusillés. Profitez de ce temps pour rire ensemble, discuter, ne cédez pas à la panique, et s’il vous plaît, ne soyez pas égoïstes.»

Lorsqu’ils étaient en confinement en 1939, Yves et Marinette racontent qu’ils ne pouvaient rien faire d’autre que discuter et écouter les informations via la radio. Aujourd’hui, le mari continue à écouter régulièrement la radio, il profite également des films à la télévision. De son côté, Marinette opte pour les mots fléchés, la cuisine ou encore le coloriage. «Coloriez des petits mandalas en couleur, c’est très zen et c’est bon pour le moral!»

Ce texte a initialement été publié sur le site du HuffPost France.

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