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«Crise d'identité» à Télé-Québec: qui sommes-nous? (PHOTOS)

«Crise d'identité» à Télé-Québec: qui sommes-nous? (PHOTOS)
Télé-Québec

Qui sommes-nous? «Nous», les Québécois? Sommes-nous ouverts? Notre peuple est-il si distinct de ceux du reste du Canada et d’ailleurs dans le monde? Avons-nous surmonté nos vieux complexes d’infériorité linguistique? Sommes-nous encore imprégnés de l’esprit judéo-chrétien qui a guidé nos éducations pendant des années? Avons-nous peur de prendre la parole? Sommes-nous dérangés par la réussite des autres?

Ce sont des questions de cette lignée que Bernard Derome et l’équipe de Productions Swan ont posées à 14 personnalités d’ici, provenant de divers milieux. Des visages de tous les âges, qui incarnent la réussite dans leur domaine, dont les propos s’élèvent au-dessus de la mêlée, dont l’opinion est articulée avec recul et nuance, et qui incitent au questionnement. Le documentaire Crise d’identité, que Télé-Québec diffuse ce soir, à 21h, propose un condensé de ces entretiens absolument fascinants.

Plusieurs perles de réflexions s’échappent de l’émission réalisée par Marie-Hélène Grenier, à laquelle on aurait bien ajouté une heure ou deux tant elle est intéressante, et tant le sujet brûle d’actualité présentement.

Quand on voit défiler les commentaires racistes et haineux sur les réseaux sociaux lorsque surviennent des événements comme ceux de Paris, ou lorsque s’imposent des débats de société comme celui entourant l’arrivée des réfugiés syriens, on se dit qu’on a parfois encore bien besoin, collectivement, de se faire «parler dans le casque», ce que s’emploie à faire Crise d’identité, sans condescendance. «Peut-être qu’ils auraient intérêt à le regarder (le documentaire)», a d’ailleurs souligné Bernard Derome, en rencontre de presse, la semaine dernière, en parlant des gens qui prennent position sur le web sans réellement s’informer des enjeux dont ils discourent.

«Crise d'identité» à Télé-Québec

Universalité et placotage

Dans Crise d’identité, l’ancien chef d’antenne de Radio-Canada discute donc avec Robert Lepage, qui soutient qu’à force de vivre dans son cercle fermé, son joual et son star système, le Québec est demeuré ignorant de l’Autre («à un moment donné, il faut s’ouvrir»), et qui martèle qu’il n’y a «rien de plus «impur» qu’un Québécois «pure laine». L’homme se dit néanmoins fier d’être québécois et est certain que, dans 20 ans, notre Belle Province sera perçue comme une référence un peu partout, à plein de niveaux.

Le créateur, qui voyage partout dans le monde avec ses œuvres, vit depuis 21 ans avec un Américain venu apprendre le français au Québec et est bien placé pour comparer les différentes cultures entre elles. Comme Michel Tremblay, Lepage croit dur comme fer qu’il y marge entre «être international» et «être universel» ; pour correspondre à la première affirmation, il n’y a qu’à apprendre l’anglais ou quelque autre langue étrangère, à voyager et à s’adapter aux différentes mœurs, tandis que l’universalité réside davantage dans le fait de rayonner en étant soi-même, en parlant sa propre langue et en racontant ce qui se passe chez soi, «dans sa cuisine».

Fred Pellerin raconte avoir réalisé sa «nord américanité» au cours d’un séjour d’un mois et demi à Paris. Adib Alkhalidey, d’origine mi-marocaine, mi-irakienne, jure n’appartenir à aucune nation, mais se sent chez lui là où on parle français. «Le français, c’est mon pays», avance l’humoriste, qui se dit terrifié du nombre de fautes d’orthographes qui pullulent sur les réseaux sociaux.

Le peintre et romancier Marc Séguin n’est pas mal à l’aise de lancer haut et fort que les Québécois sont «profondément en désaccord avec quelqu’un qui réussit, même si on le souhaite publiquement». Jeff Stinco, membre de Simple Plan, défend le choix – naïf, dit-il - de son groupe de faire carrière en anglais, en soutenant que ses camarades et lui ont grandi en écoutant Green Day, The Offspring et Blink 182, et qu’ils sont simplement allés vers ce qu’ils connaissaient le mieux. Le musicien est né dans le West Island, au sein d’une famille francophone, dans une rue anglophone, jongle avec les deux langues et ne s’est jamais vu comme un «traître» de ne pas chanter en français.

Boucar Diouf, de son côté, sent que la religion n’est pas encore complètement évincée de nos valeurs et de nos comportements collectifs. Il nomme d’ailleurs des expressions courantes qui lui donnent raison. Comme Adib Alkhalidey, Diouf déplore par ailleurs que les Québécois soient si frileux à s’obstiner, à se confronter. «J’aurais aimé qu’on soit un peu plus guerriers, dans le sens de tenir son bout», suggère-t-il. Ce à quoi obtempère aussi Fred Pellerin. «On ne se «pogne» pas, ici, on placote», observe le conteur de Saint-Élie de Caxton.

Pas de petite gêne

Au départ, 36 personnalités ont été interpellées pour prendre part à Crise d’identité mais, faute de temps, on a dû réduire ce nombre à 14. De toutes les personnes approchées, aucune n’a refusé de se mouiller – il faut dire que la prestance de Bernard Derome facilite les échanges -, même que bien d’autres auraient voulu pouvoir apporter leur grain de sel quant à cette riche thématique. Dany Laferrière, Louis Garneau, Bryan Mulroney, Louise Arbour, Dominique Anglade, Elizabeth Plank, et Hicham Ratnani et Ethan Song, fondateurs des boutiques Frank & Oak, sont les autres figures en vedette dans le document.

«Aucun ne s’est gardé une petite gêne», s’est réjoui Bernard Derome, qui a passé environ deux heures trente en compagnie de chacun de ses invités pour leur soutirer points de vue et confidences, et qui estime avoir dressé un «portrait très éclairant de ce qu’on est» à travers les mots de ses interlocuteurs.

Aucune prise de position politique n’est mise de l’avant dans le documentaire ; d’ailleurs, Bernard Derome a indiqué que les segments avec Dominique Anglade avaient été enregistrés avant que la politicienne ne se porte candidate libérale aux dernières élections. Or, comme celles des autres intervenants, les opinions de la dame s’avèrent extrêmement judicieuses.

Désormais passionné par le médium qu’est le documentaire, qui lui permet un grand luxe, celui de prendre son temps, Bernard Derome avait déjà offert la série Les grands moyens, au début de l’année 2014, aussi à Télé-Québec. De nouvelles idées à aborder dans d’autres projets lui trottent déjà en tête.

Crise d’identité, ce lundi, 7 décembre, à 21h, à Télé-Québec. En rediffusion le mercredi 9 décembre à 13h, et le jeudi 10 décembre à 23h, puis en rattrapage dans la zone vidéo de la chaîne

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