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En déplaçant le crucifix et en démontrant sa logique concernant la laïcité, il ferait un geste de bonne volonté devant les opposants aux signes religieux chez les enseignants.
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La présence d'un crucifix à l'Assemblée nationale, dans un premier temps, ne me dérange pas, puisque j'y suis habitué et qu'il me rappelle tant de choses. Il est un symbole. Celui des 400 ans d'Histoire de l'édification du Québec d'aujourd'hui.
Francis Vachon / Canadian Press
La présence d'un crucifix à l'Assemblée nationale, dans un premier temps, ne me dérange pas, puisque j'y suis habitué et qu'il me rappelle tant de choses. Il est un symbole. Celui des 400 ans d'Histoire de l'édification du Québec d'aujourd'hui.

Y a-t-il un crucifix aussi célèbre que celui qui trône au-dessus du fauteuil du président à l'Assemblée nationale du Québec ? Il soulève les passions les plus vives.

Il est fustigé par tous les laïcs purs et durs, les athées, les indifférents et les opposants à la Charte des valeurs du Québec, qui souhaitent sa disparition. D'autre part, il est louangé par les catholiques pratiquants de toute nationalité et ceux qui l'associent aux traditions, à l'histoire religieuse, aux racines du Québec et au patrimoine.

Né en 1941, j'ai été élevé au milieu de crucifix les plus divers. Tous les édifices publics et presque toutes les maisons comme la nôtre en affichaient un à l'entrée. Les chapelets au fond de nos poches et les chainettes à notre cou arboraient aussi une croix.

Presque tous les citoyens du Québec, durant 400 ans, se sont retrouvés tous les dimanches matin, sur le perron de l'église et autour de ses crucifix.

Je me souviens des célèbres processions, surtout celle du Vendredi saint, où le christ sur la croix ouvrait la marche : le christ mort sur la croix pour la rémission de nos péchés.

Dans les faits, elle était omniprésente. La croix pavoisait tout le paysage québécois. Pour nos ancêtres et nos parents, une grande sincérité animait leur respect porté au crucifix. Nous appartenions tous à la chrétienté dont il était le symbole. Presque tous les citoyens du Québec, durant 400 ans, se sont retrouvés tous les dimanches matin, sur le perron de l'église et autour de ses crucifix.

À la limite de bien des rangs à la campagne, on élevait le symbole du Christ en croix sous un abri. Que ce soit devant ces abris ou le crucifix de la maison, un Québec, majoritairement à genoux et en famille, y récitait le chapelet tous les soirs. Loin d'être une corvée, nous assistions à un rituel salvateur. C'était là une croyance profonde. Le crucifix a fait partie du quotidien du Québec pendant 400 ans. Les rituels religieux s'inséraient comme partie intégrante et culturelle de la vie citoyenne.

Comme un grand nombre de Québécois, je suis aujourd'hui en rupture avec l'Église pour des raisons de dogmes irréconciliables. Au-delà de mon éloignement, les grandes valeurs positives enseignées par l'Église continuent malgré tout de couler dans mes veines et au cœur de la société où je vis. Je ne peux rayer la présence religieuse favorable et défavorable de ma culture et de mon histoire, de celle mes parents et de l'Histoire.

La présence d'un crucifix à l'Assemblée nationale, dans un premier temps, ne me dérange pas, puisque j'y suis habitué et qu'il me rappelle tant de choses. Il est un symbole. Celui des 400 ans d'Histoire de l'édification du Québec d'aujourd'hui. Tout mon être vibre à cette Histoire. J'ai vécu la fin de cette époque, jusqu'à aujourd'hui.

Dans ce contexte, vous comprendrez qu'il serait normal et justifié que je fasse partie du groupe des citoyens favorables à sa présence.

Quelle est l'histoire de ce crucifix?

Outre la grande Histoire patrimoniale, il est aussi impératif de s'arrêter à l'histoire même de ce crucifix. Nouveau premier ministre en 1936, Maurice Duplessis a installé ce crucifix pour sceller une alliance entre l'Église et l'État, pour, selon ses dires, démontrer que son gouvernement est à l'écoute des enseignements de la hiérarchie et des intellectuels catholiques. Ces derniers cherchaient à étendre l'autorité de l'église sur le pouvoir politique. Ce n'est donc pas marginal.

Duplessis faisait un pied de nez au Parti libéral, qui prônait déjà la laïcité. Il n'y avait pas de crucifix avant. Donc, ce crucifix a bel et bien joué un rôle politique, le symbole de l'alliance Église-État.

Pour cette raison, je change ma position. Je crois que l'on doit enlever ce crucifix.

Son histoire laisse une trace trop partisane. On doit le remplacer par un symbole historique pertinent comme une fleur de lys ou un autre symbole qui rassemblera davantage l'ensemble de la population autour d'une fierté historique. Glorifions sans gène notre langue officielle et le symbole de notre histoire.

La présence religieuse a cependant sa place au parlement pour se souvenir de ce patrimoine. Sans elle, le cheminement du Québec sera spolié d'une trame essentielle à son évolution. Faire seulement disparaitre la croix ne sera pas pertinent. La déplacer dans une autre place, dans une pièce historique du Parlement où l'on pourrait souligner l'importance qu'a eue la religion dans le destin québécois. Et faire vivre cette époque dans laquelle j'ai vécu.

Le premier ministre Legault a déjà pris parti en faveur de son maintien pour une raison patrimoniale, malgré le rapport Bouchard-Taylor. Dans son projet sur la laïcité, il voudrait éliminer tous les signes religieux chez les personnes en état d'autorité au sein du gouvernement. Tel que recommandé par ce rapport. Rapport qui lui sert d'évangile.

Mais ce même rapport recommande le déplacement du crucifix de la salle de l'Assemblée nationale vers un autre lieu. Une mesure qui semble incorrecte de son point de vue.

À la recommandation originale du rapport, notre premier ministre ajoute les enseignants. Cet ajout suscite bien des tollés de la part de ceux qui portent des signes religieux. Pour diminuer la colère publique, il risque de brader ce projet par un compromis comme la clause de droit acquis.

En déplaçant le crucifix, auquel il tient mordicus, et en démontrant sa logique concernant la laïcité, il ferait un geste de bonne volonté devant les opposants aux signes religieux chez les enseignants. Une tractation de bon aloi. Rigueur pour le crucifix et rigueur pour les signes religieux à la satisfaction de son électorat.

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