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Le cyberpsychopathe, un nouveau genre de tueur en série

Le cyberpsychopathe est un parasite, maladivement obsédé par son petit pouvoir, son illusion de contrôle; ce manipulateur est convaincu que le monde lui doit tout.
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Le tueur en série américain Edmund Kemper a été accusé de 10 meurtres, dont celui de sa propre mère. Personnage impressionnant par sa taille et son poids, il a commencé sa série de meurtres avec celui de ses grands-parents à 15 ans.
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Le tueur en série américain Edmund Kemper a été accusé de 10 meurtres, dont celui de sa propre mère. Personnage impressionnant par sa taille et son poids, il a commencé sa série de meurtres avec celui de ses grands-parents à 15 ans.

«Je ne suis pas un expert. Je ne suis pas une autorité. Je suis seulement un assassin depuis plus de 20 ans.» C'est par ces mots simples qu'Edmund Kemper, redoutable tueur qui terrifia les États-Unis durant des décennies, se décrivait dans un documentaire récent diffusé sur la chaîne télévisée Oxygen.

En 1984, celui qui n'était déjà pas avare en entretiens depuis sa cellule de la prison d'État de Vacaville, se disait conscient d'avoir été longtemps indétectable par les autorités et se vantait de cette invisibilité. Il avait néanmoins laissé suffisamment de traces derrière lui pour être retrouvé au terme de vastes enquêtes et opérations policières, les plus importantes de l'Histoire criminelle américaine.

Certes, tous les psychopathes ne sont pas violents à l'instar de Kemper ou d'autres profils du même acabit, mais tous partagent un point commun: cibler et détruire une proie, selon une dynamique s'assimilant aujourd'hui, sur le web, à une véritable «psychopathie en série».

En 2018, le sémiologue François Jost, auteur de La méchanceté en actes à l'ère numérique, mentionnait avec justesse l'objectif de «mort sociale» poursuivi par ces personnes, notamment par le biais de campagnes d'anéantissement menées sur les réseaux sociaux, où un nombre croissant d'utilisateurs voient leur existence bouleversée.

Mode opératoire

Quels sont les marques et modes opératoires de cette abjection parfois découverte, mais encore très souvent silencieuse? Depuis leur émergence, forums et réseaux ont libéré la parole; toutefois, celle-ci a vite perdu sa fonction première.

Psychopathes et détraqués de tout acabit ont submergé le nouveau monde digital, engendrant dans leur sillage un chaos aux proportions démesurées.

Et la tendance s'aggrave: comme l'illustrent les statistiques disponibles, sur l'ensemble des individus atteints de psychopathie dans le monde, seuls 5% sont incarcérés, soulevant plusieurs questions légitimes: qui sont les 95% restant? Où se cachent-ils? Que font-ils? La réponse se mesurera au nombre de vies ruinées, brisées sur Internet.

La cybervictime incarne tout ce que le cyberpsychopathe rêverait d'être: éduquée, dotée d'un statut social supérieur, appréciée.

Cette cyberpsychopathie n'est pas entièrement nouvelle, du reste: elle a hérité, plusieurs siècles avant notre ère, des célèbres chasses aux sorcières que l'on observe clairement sur les représentations médiévales. Le choix des victimes relève moins de motifs matériels que d'intentions plus infâmes: anéantir une réputation, faire perdre à une cible son activité, la pousser au suicide, pour ne citer que ces faits.

Typiquement, la cybervictime incarne tout ce que le cyberpsychopathe n'est pas et rêverait d'être: éduquée, dotée d'un statut social supérieur, influente dans un domaine particulier, appréciée. Celui-ci va dès lors chercher le talon d'Achille, la faille à exploiter, puis la jeter en pâture à un auditoire complice.

Une fois la cible désignée, le «jeu» commence

L'employeur de la victime sera contacté dans le cadre d'immondes campagnes collectives de harcèlement. La victime sera accusée de tous les maux, dénoncée aux forces de l'ordre, aux services sociaux sans raison, aux administrations et à ses collègues, proches parents et associés.

Le cyberpsychopathe s'emploiera à dénigrer, diffamer, calomnier et corrompre tout semblant de vérité. Il ira jusqu'à se déclarer lui-même «victime» en provoquant une diabolisation encore plus prononcée de celle qui l'est vraiment. Traquée, la proie verra chaque aspect de sa vie décortiqué, examiné à la loupe, au microscope, afin d'accroître sa vulnérabilité et la brutalité de l'attaque.

Les «spectateurs de l'abjection» escompteront quant à eux d'autres «révélations», s'improvisant procureurs, jurés, juges et bourreaux à la fois. Ces campagnes sont loin d'être éphémères; certaines peuvent durer toute une vie et causer tantôt la fin des interactions sociales et professionnelles présentes et passées, tantôt la mort des relations personnelles de la cible.

Profil toxique du cyberpsychopathe

Le cyberpsychopathe est mu par une seule et unique émotion: la haine, assortie de jalousie, de colère, d'une rage narcissique d'autant plus vive que certaines victimes refusent de tomber à terre aussi promptement et de mourir sous ses assauts.

Sa personnalité est double et mensongère: positive, d'un côté, adoubée par un public; négative, de l'autre, accumulant les troubles de la personnalité les plus graves. Or, le cyberpsychopathe se porte à merveille, alternant les «rôles» pour ne pas souffrir. Il poursuit inlassablement son œuvre en quête d'une improbable admiration, arguant de sa «grandeur» inégalée.

Le cyberpsychopathe est un parasite, maladivement obsédé par son petit pouvoir, son illusion de contrôle. Il est un manipulateur convaincu que le monde lui doit tout.

Généralement, il passera à l'acte s'il sent qu'il a échoué à arracher cette reconnaissance, dont il manque cruellement. Il n'oubliera pas, enfin, de donner des nouvelles à ses «abonnés» dûment tenus en haleine et mis au fait des réactions engendrées par son attitude et ses agissements les plus exécrables. Pour ce faire, le cyberpsychopathe tentera, par tous les moyens, de maintenir un lien avec sa victime; s'il n'y parvient pas, il entrera parfois même en relation avec son milieu, restreint ou élargi, allant jusqu'à se faire passer pour un «ami». Désormais, cette abjection n'est plus tapie dans l'ombre. Bien au contraire, elle prend place au grand jour, au vu et au su de tous. Quel intérêt, en effet, à sévir en loup solitaire?

En d'autres termes, le cyberpsychopathe est un parasite, maladivement obsédé par son petit pouvoir, son illusion de contrôle. Il est un manipulateur convaincu que le monde lui doit tout, dénué d'empathie, quoiqu'il sache la simuler avec brio. Il se croit au-dessus des normes et des contraintes sociales, au centre de toute l'attention.

Alors que font les réseaux sociaux et moteurs de recherche pour l'arrêter? Depuis des mois, voire de longues années, des mesures sont annoncées, passant par une modération accrue des contenus. Qu'en est-il dans les faits? Là encore, la réponse est limpide: le cyberpsychopathe, tueur en série numérique, est libre.

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