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«Dans la solitude des champs de coton», Sébastien Ricard dans la mise en abyme de Koltès

«J'aime souffrir. J'aime sentir mon corps, me mettre en danger...»
Usine C

Entendez-vous? L'Usine C résonne en ce moment des mots de Bernard-Marie Koltès avec la pièce Dans la solitude des champs de coton. Sur scène, Sébastien Ricard dans les habits du «client». Il donne la réplique à un «dealer», interprété par Hugues Frenette. Entre attirance et répulsion, un dialogue de sourd parmi deux personnages piégés dans un affrontement sans fin.

Il y a d'abord ce plaisir de retourner dans le texte de Koltès, confie en entrevue Sébastien Ricard. «C'est tellement une langue forte et raffinée. Mais après le plaisir, on se retrouve vite confronté à l'exigence de l'écriture qui doit se refléter dans le travail de l'acteur. C'est la partie la plus périlleuse. On veut tellement être fidèle à cette force que l'on a sentie dès le début. Une pensée complexe, un texte ancré dans la réalité, mais aux implications philosophiques, les joutes écrites par Koltès sont en soi un tour de force pour un acteur.»

Car si Sébastien Ricard s'était lancé tête première dans le monologue épuisant de Juste avant les forêts, c'était visiblement pour toucher au plus prêt du texte du dramaturge français, mort prématurément à 41 ans. «C'est ce qui fait son unicité, explique-t-il. Il y a dans ce monologue un parallèle entre l'infini de la souffrance et l'infini du langage. Pour Koltès, la souffrance est immuable. Tu peux souffrir toujours plus et sa langue, d'une complexité absolue, reflète l'infini.»

«J'aime souffrir. J'aime sentir mon corps, me mettre en danger»

Retour à Koltès avec Dans la solitude des champs de coton. La même frénésie, le même cauchemar au cœur de l'âme humaine. «Le mystère est encore plus profond. La langue koltésienne ne sert pas à éclairer la situation, mais à l'obscurcir davantage. Contrairement à la plupart des auteurs chez lesquels le langage vient souvent éclairer les esprits, on tombe ici toujours plus dans l'incompréhension. Le plus incroyable, c'est qu'on n'en est pas rebuté, bien au contraire», raconte Ricard.

Les défis demeurent nombreux pour un comédien toujours avide d'expériences théâtrales extrêmes. «Le théâtre est un art qui me nourrit constamment. Il y a quelque chose d'athlétique, c'est presque olympien le théâtre. J'aime souffrir. J'aime sentir mon corps, me mettre en danger. Et puis, l'aspect performatif du théâtre que je ne retrouve nulle part, ni à la télévision, ni au cinéma.»

On l'aura bien compris. L'investissement de l'acteur est autant dans la concentration que dans la corporalité. «La pensée, le corps, la parole, tout doit être précis pour ne pas brouiller les cartes. C'est tellement un texte dense que la moindre scorie, le moindre artifice, pourrait venir gêner l'écoute. Ce qu'il faut éviter à tout prix.»

À toutes ses difficultés inhérentes à cette magnifique pièce contemporaine vient s'ajouter la mise en scène de Brigitte Haentjens, qui a opté pour un espace bi-frontal, les gradins étant répartis de part et d'autre sur toute la longueur de la scène. «Cela convient à l'œuvre puisqu'il s'agit là d'un passage. Même s'il y a des sorties des deux côtés, l'espace est claustrophobe. On y retrouve aussi un aspect labyrinthique. L'impression d'urbanité, comme si l'on se retrouvait sur une ruelle, rappelle à l'acteur qu'il est exposé de partout, qu'il n'existe aucun endroit où il peut se réfugier du regard du public», conclut l'acteur.

Dans la solitude des champs de coton –Bernard-Marie Koltès – Mise en scène de Brigitte Haentjens – Une création de Sibyllines – À l'Usine C du 23 janvier au 10 février.

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