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Se faire demander, chaque fois qu'on voit une tante ou un ami pas vu depuis longtemps: «quand est-ce que tu vas perdre du poids?»
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Ça m'a pris 30 ans prendre conscience de cette violence, que je subissais pourtant presque tous les jours.
Fournie par Équilibre
Ça m'a pris 30 ans prendre conscience de cette violence, que je subissais pourtant presque tous les jours.

La scène se passe à Tadoussac, pendant le festival de la chanson. À la sortie d'un spectacle, des gars, un peu chauds, ou plutôt assez saouls, lancent des «Oh! Check le gars là-bas! Il est vraiment gros! On dirait Ventripotent dans Austin Powers!» Après quelques rires gras, ils crient, juste pour relancer leur fun, des «Hey! Ventripotent! Hey!»

Cette anecdote en est une parmi des centaines. Ma vie a profondément été marquée par ce genre de remarques. Des remarques qui ne venaient pas toujours de la part d'inconnus en état d'ébriété, mais aussi de mon cercle d'amis, de la cour d'école, de ma famille. De mon enfance à... encore aujourd'hui. Si la cadence a diminué, ça n'a jamais vraiment cessé.

La plupart des personnages obèses au cinéma et à la télévision sont niaiseux, maladroits, timides, rejetés, ridiculisés.

C'était et c'est encore aujourd'hui la culture populaire. La plupart des personnages obèses au cinéma et à la télévision sont niaiseux, maladroits, timides, rejetés, ridiculisés. Ils servent à mettre en valeur les autres personnages ou à créer des situations comiques. Repensez à Ventripotent. Rien de valorisant.

Se faire demander, chaque fois qu'on voit une tante ou un ami pas vu depuis longtemps: «quand est-ce que tu vas perdre du poids?» Voir des vedettes faire la une d'un magazine pour la première fois... parce qu'elles ont perdu du poids.

Il y a toutes ces fois, aussi, où des amis dénigrent la laideur d'une personne grosse devant moi. Comment voulez-vous que je ne me sente pas visé?

Chaque fois aussi que l'économie veut bien te faire sentir que tu es un problème, que tu es un cas spécial. Que ce soit les compagnies aériennes qui veulent te faire payer plus cher, les rares cas de vêtement dépassant le XL, les banquettes des restaurants trop serrées ou les fois où des revues daignent mettre en vedette une vedette en surplus de poids... c'est un numéro «spécial gros!». C'est tellement «inclusif»...

Certaines personnes se cachent derrière la santé pour se donner le droit de faire des commentaires sur la vie privée des gens, pour faire des jugements, pour donner des «conseils». La belle excuse.

Comment dire? Premièrement, avant de porter ces jugements ou conseils, il faudrait connaitre l'ensemble du portrait. De se fier que sur l'apparence pour préjuger est vraiment présomptueux. Tu ne connais pas le contexte, tu ne sais pas si ce que la personne fait est rare ou fréquent, ce que fait la personne le reste de son temps, comment elle s'alimente, comment elle bouge.

De plus en plus d'études démontrent que le poids n'a pas de corrélation avec la santé. Évidemment, il y a des personnes en surpoids qui ont de mauvaises habitudes alimentaires. Certaines personnes minces aussi. Pourquoi vise-t-on alors que les personnes en surpoids?

Des études démontrent même que ces préjugés touchent aussi les médecins. Trop de docteurs résument tout problème de santé d'une personne à son obésité. Que ce soit un rhume, une douleur chronique, une pneumonie, une bactérie... le conseil est souvent de perdre de poids. Ça serait une caricature amusante si cela ne créait pas des problèmes de santé plus graves. Vu que le problème de santé est mal ou pas du tout diagnostiqué, le problème s'aggrave et peut devenir mortel. Tout ça pour un préjugé.

Aimeriez-vous vraiment que la société au complet et des inconnus passent leur temps à vous juger, à vous dénigrer, à vous donner des pseudo-conseils et à se mêler de ce qui ne les regarde pas?

Et même dans les cas où l'obésité serait due à une mauvaise habitude, je serais bien curieux de connaitre vos habitudes, à vous. Vous ne faites rien du tout qui augmente le risque de cancer? Qui augmente la possibilité d'un AVC? Du diabète? Aimeriez-vous vraiment que la société au complet et des inconnus passent leur temps à vous juger, à vous dénigrer, à vous donner des pseudo-conseils et à se mêler de ce qui ne les regarde pas? Imaginez que chaque fois que vous vous affaissez sur votre chaise, quelqu'un vous lance un : «Hey! Assis-toi droit tas de crème molle! La société n'a pas à payer pour tes futurs problèmes de dos!»

Ce n'est même pas le plus triste, selon moi, dans tout ça. Le plus triste est que nous devons, nous, les personnes avec un surpoids, mener des campagnes pour revendiquer notre droit d'exister, plus encore, notre droit de s'aimer comme on est.

Ça m'a pris 30 ans prendre conscience de cette violence, que je subissais pourtant presque tous les jours.

Le message est tellement martelé partout, tellement assimilé, qu'il n'est même pas vu comme une violence. Ça m'a pris 30 ans prendre conscience de cette violence, que je subissais pourtant presque tous les jours. Cinq ans plus tard, je suis encore en train de combattre tout ce que la société m'a fait croire.

Non, je ne suis pas un boulet pour la société, je peux participer à ce monde et pas seulement en être un triste spectateur. Non, je ne suis pas nécessairement laid, je peux plaire à des gens et j'ai droit, moi aussi, à l'amour. Non, je ne suis pas que mon corps, je suis une personne entière, avec, comme n'importe qui, des forces et des faiblesses, avec de la lumière et des zones d'ombres.

Non seulement on a le droit d'être différent, mais vive cette différence!

La diversité corporelle est importante, pour mettre fin à cette violence, premièrement. Pour arrêter de briser des vies, aussi. Mais surtout parce que la beauté est dans la diversité et que l'amour se contrefiche totalement des cases que la société tente de créer. Non seulement on a le droit d'être différent, mais vive cette différence!

Bref, «Le poids? Sans commentaire!»

Avril 2018

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