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Nous sommes rendus en 2017... et le spectre de notre histoire politique nous hante encore. Entre les personnes de ma génération et celle qui est naissante actuellement, nous avons enseigné à une génération entière à ne pas prendre position ou à adopter une position neutre.
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Un regard sur notre monde actuel m'amène à ouvrir sur une réflexion qui m'habite depuis déjà un moment. Il est question ici d'un piège dans lequel notre société a pris la démocratie. Le but de cette lettre ouverte est de mettre en lumière ce que nous avons fait.

Dans une époque pas si lointaine, le débat politique occupait beaucoup d'espace sur la place publique. En ce temps, il y avait principalement les rouges et les bleus. De part et d'autre, les positions s'exprimaient ouvertement, non seulement en provenance de la classe politique, mais aussi au sein de la population. Une fois le suffrage passé, notre société était cataloguée comme ayant voté «du bon bord» ou du «mauvais bord». Mais qu'est-ce que cela pouvait bien dire? La plupart du temps, d'avoir voté «du bon bord» faisait en sorte que ce comté, circonscription, municipalité ou autre pouvait penser recevoir les largesses des élus. Un peu à la blague (mais à peine), il était question d'avoir «un bout de chemin» qui serait asphalté.

L'époque où je suis né fut celle de la naissance d'un mouvement politique voulant donner au peuple davantage de place. Cette période des années 70, qui faisait suite à la Révolution tranquille, ouvrait la marche à une nouvelle expression de valeurs. C'était celle de la prise du pouvoir par le peuple sur sa destinée. Ainsi, le discours politique n'était plus sous le contrôle de la classe politique, mais aussi sous celui des citoyens. Pendant près de deux décennies, les discussions s'animaient dans des débats parfois enflammés, mais qui menaient à une construction collective du sens politique qui devait être porté.

Si le naturel est chassé, il revient au galop comme le dit si bien l'adage. L'esprit d'un passé pas si lointain est revenu ensuite, telle une ombre de laquelle on ne peut se défaire. Mais au lieu de ramener les échanges politiques sur les histoires de «bouts de chemin» et où les gens étaient blues ou rouges, le principe de «voter du bon bord» a engendré un nouveau phénomène, celui de la «neutralité politique».

D'un côté, des cadres d'emplois furent contraints d'arborer une telle position de soi-disant neutralité et de l'autre, des personnalités importantes dans différents milieux ont adopté ce mode d'expression. Cette trouvaille allait permettre d'éviter de dévoiler ses convictions et d'espérer donner l'impression d'être «du bon bord». Par ce phénomène, le discours politique est devenu de plus en plus stérile et les échanges entre les citoyens s'alignant sur la neutralité politique font en sorte que nous n'avons plus de débats réels de société.

Entre les personnes de ma génération et celle qui est naissante actuellement, nous avons enseigné à une génération entière à ne pas prendre position ou à adopter une position neutre.

Nous sommes rendus en 2017... et le spectre de notre histoire politique nous hante encore. Entre les personnes de ma génération et celle qui est naissante actuellement, nous avons enseigné à une génération entière à ne pas prendre position ou à adopter une position neutre. Ce n'est pas ainsi que nous arriverons à nous doter de projets de société, car en adoptant le mutisme, nous abandonnons notre sort entre les mains d'élus qui n'ont aucune idée de ce à quoi nous voulons aspirer en tant que société.

La présente année sera sous le signe des élections municipales, la prochaine sera pour les élections provinciales et l'autre après, pour le fédéral. Si je tente de mettre en lumière ce que nous avons fait depuis ce passé pas si lointain, ce n'est pas pour lancer des mises en accusation, mais bien pour déterminer si nous pouvons en apprendre quelque chose. Encourageons l'expression politique des gens, ramenons le débat sur la place publique et aspirons à construire, à partir de tous ces échanges, un univers politique à l'image de notre société. Ça suffit ce désengagement pensant que nous ne pouvons rien y faire et que ça ne vaut pas la peine d'aller voter. Tandis que le terme démocratie peut encore vouloir dire quelque chose un jour tous les quatre ans, faisons de cette prochaine journée celle qui ouvrira la voie à nouveau à la construction de projets de société à la hauteur des aspirations de notre collectivité.

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