Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Les démons réveillés par la Charte des valeurs québécoises

Nous sommes nombreux à déplorer le glissement du débat sur la Charte des valeurs québécoises aux quasi seuls signes religieux. Nous sommes aussi étonnés du déferlement de haine des médias anglophones et du parti pris démagogique de la droite québécoise à son endroit. Et que penser de la primauté que s'accorde le gouvernement des juges sur les représentants du peuple?
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Nous sommes nombreux à déplorer le glissement du débat sur la Charte des valeurs québécoises aux quasi seuls signes religieux. Nous sommes aussi étonnés du déferlement de haine des médias anglophones et du parti pris démagogique de la droite québécoise via des médias fort complaisants à son endroit. Et que penser de la primauté que s'accorde le gouvernement des juges sur les représentants du peuple, dûment élus? La promotion de l'identité québécoise a réveillé bien des démons dont certains sont plutôt virulents. Je passerai sous silence ici les petits démons du genre commentaires stupides et même diffamatoires d'une certaine minorité d'imbéciles et les cas isolés de gestes racistes.

L'intimidation intégriste

La Charte des valeurs québécoises représente pour les intégristes islamistes (*) une occasion inespérée de rappeler aux musulmans et aux islamistes canadiens dont la majorité - on parle de 85% - s'occidentalisent que le droit islamique c'est la Charia. Il leur a suffi, par femmes libres (!) «messagères» interposées, à l'exemple de Dalila Awada, de faire dévier le débat sur le port du voile islamique que garantirait la Charte canadienne des droits et libertés. J'y vois clairement une opération d'intimidation des intégristes envers les immigrants maghrébins, d'autant que peu de leaders ou groupes musulmans et/ou islamistes canadiens se soient prononcés (ou aient osé se prononcer?) en faveur de la Charte québécoise. Le silence des hommes musulmans et islamistes inquiète.

La domination anglo-saxonne

Le déferlement de haine anglophone envers le Québec, surtout dans les grands médias anglophones, est aussi une occasion saisie au vol pour en finir avec le PQ et le nationalisme québécois. Et réaffirmer la primauté du multiculturalisme canadien. Mais cela cache un autre enjeu, plus fondamental, de la minorité anglo-saxonne (30% de la population canadienne). L'usage de la langue anglaise ne semble plus suffire pour assurer la domination anglo-saxonne - à preuve l'inquiétude que suscite l'usage du mandarin en Colombie-Britannique, ni d'ailleurs les symboles britanniques largement promus par le gouvernement Harper. Mais pourquoi la haine comme tactique?

J'y reviendrai dans un autre blogue, car la Charte québécoise révèle à la minorité anglo-saxonne, paradoxalement, son propre enjeu identitaire.

La démagogie fédéraliste

Je réfère ici à l'excellente analyse de Djemila Benhabib « La Charte de la laïcité et le jeu sournois des médias dominants et multiculturalistes.» J'ai rarement vu un tel déferlement démagogique, pour ne pas dire démentiel quand le PQ est comparé au régime nazi, entre autres, et ce, par des députés (libéraux). Mis à part les Charles Taylor, tombés dans la marmite multiculturelle, tous comprennent que les fédéralistes cherchent à fidéliser le vote ethnique, seule porte de sortie pour chasser le PQ du pouvoir, tout en discréditant les indépendantistes pour gruger un peu plus le vote francophone. Par ailleurs, ce n'est pas un hasard si, en même temps que les débats sur la Charte, le PQ, au grand étonnement de sa propre base militante, fasse la promotion de l'exploitation du pétrole québécois. J'y vois une façon de s'approprier d'urgence (!) aux dépends des libéraux, la proportion du vote qui lui assurerait une majorité, le vote plafonnant avec sa proposition de Charte.

Le gouvernement des juges

La Charte canadienne des droits et libertés ne parle que de droits individuels. Tout au plus mentionne-t-elle que ces droits «ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans les limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.» (art 1, loi constitutionnelle de 1982). En d'autres mots, le fardeau de la preuve incombe à la société. On ne pouvait pas mieux banaliser les droits collectifs, ceux-là même qui découlent de l'identité culturelle, de l'appartenance à une nation. Qui plus est, et ce n'est pas juste une dentelle juridique, la Charte canadienne affirme la primauté de Dieu. Belle porte ouverte aux intégristes? Passons...

C'est sur cette base constitutionnelle que s'appuyait la Commission des droits de la personne pour critiquer le projet de Charte des valeurs québécoises (17 0ctobre 2013), déclarant clairement la primauté de l'individu sur la société. J'y vois un glissement idéologique vers un néo-créationnisme, comme si le droit créait l'individualité et suffisait à protéger l'individu des excès de l'état et/ou des majorités. Ce n'est pas mieux protéger l'individu que de le couper de ses racines sociales, de son rapport à la communauté, à la société. C'est d'en faire un Robinson Crusoé ne comptant que sur lui-même, voire un être socialement schizophrénique. Le Barreau du Québec ne fait guère mieux (16 janvier 2014).

(*) L'aide d'un linguiste me semble requis ici pour préciser l'usage des adjectifs islamiste et islamique. Islamique me semble référer uniquement à la religion tandis qu'islamiste me semble référer au projet politique d'imposer l'islam.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Les réactions du Canada anglais à la Charte des valeurs

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.