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Il entreprend une 2e grève de la faim pour les personnes trisomiques vieillissantes

Sylvain Fortin réclame la construction d'une maison pour héberger les adultes trisomiques et leurs parents, et déplore que la CAQ ne tienne pas ses promesses.
Sylvain Fortin et son fils Mathieu, qui vit avec la trisomie 21
Courtoisie
Sylvain Fortin et son fils Mathieu, qui vit avec la trisomie 21

Il avait déjà fait une première grève de la faim en mai devant l’Assemblée nationale; cette fois-ci, il s’installe directement devant le bureau de circonscription de François Legault, à L’Assomption.

«La dernière fois, je me suis fait avoir comme un écolier en culottes courtes avec des promesses creuses. Cette fois-ci, je vais me rendre jusqu’au bout: c’est l’ambulance qui viendra me chercher quand je serai dans le coma», tranche Sylvain Fortin, avec qui le HuffPost Québec s’est entretenu tout juste avant qu’il ne se rende à son campement des prochains jours.

Le père d’un jeune trisomique de 22 ans est aussi le président de la Maison Anne et Charles de Gaulle, anciennement la Société québécoise de la Trisomie-21. Depuis plusieurs années, il porte sur ses épaules un grand projet: une maison d’hébergement pour les personnes trisomiques vieillissantes avec leurs parents âgés.

La Maison Anne et Charles de Gaulle – nommée ainsi en l’honneur du célèbre Général, qui aimait plus que tout sa fille Anne, atteinte du syndrome de Down – servirait également comme centre de jour pour les adultes trisomiques de plus de 21 ans. Actuellement, leur scolarisation se termine à 21 ans, obligeant souvent l’un des deux parents à quitter son emploi pour rester à la maison avec son enfant. La recherche serait aussi au coeur des activités de la maison pour assurer «des services humanisés et personnalisés», explique Sylvain Fortin.

«On reçoit un tsunami de demandes. Des septuagénaires, des octogénaires, des nonagénaires qui nous demandent une ressource pour les accueillir avec leur enfant», ajoute-t-il.

Il cite en exemple le cas d’une dame de 92 ans qui a dû être placée en CHSLD, séparée de sa fille trisomique de 64 ans, dont elle avait pris soin toute sa vie, et qui est décédée peu de temps après.

Pendant la dernière campagne électorale, à l’automne 2018, celle qui est par la suite devenue ministre des Aînés, Marguerite Blais, avait signifié publiquement son appui à M. Fortin.

Mais depuis que la CAQ est au pouvoir, le discours de Québec semble avoir changé. Et le projet ne semble toujours pas aboutir.

En mai dernier, après dix jours de grève de la faim, Sylvain Fortin s’était finalement laissé convaincre de stopper son action pour entamer des discussions avec le ministre délégué aux Services sociaux, Lionel Carmant. Il a reçu une subvention de 50 000$.

Une première rencontre a eu lieu au mois de juin, mais depuis, M. Fortin affirme que les discussions sont au point mort.

Un investissement de 2,5 millions $

«Cette fois-ci, ça va me prendre une lettre d’engagement sur place, qui me garantit que le gouvernement va investir 2,5 millions, pour que je retourne chez moi. Mais je sens que ça va durer plus que dix jours.»

Le projet initial de Sylvain Fortin était une maison contenant 70 lits pour accueillir des personnes trisomiques et leurs parents. Après une discussion avec l’actuel ministre des Finances, Pierre Fitzgibbon (et député de Terrebonne, où réside M. Fortin), il avait convenu de diminuer son objectif à 30 lits, ce qui en faisait un projet d’une valeur de 10 millions $. Il affirme que son organisme et ses partenaires pourraient financer ce projet à 75%. Il demande donc un investissement de 2,5 millions de la part du gouvernement.

«Nous sommes vraiment désolés que M. Fortin opte pour une grève de la faim», a affirmé au HuffPost Sonia Côté, conseillère politique au cabinet du ministre Carmant.

«On aurait souhaité qu’il choisisse d’autres options, a-t-elle ajouté. Pour nous, son projet a encore besoin d’être étayé.»

Selon Mme Côté, qui reconnaît la vocation très noble et importante de la Maison Anne et Charles de Gaulle, Sylvain Fortin doit d’abord consulter les autres organismes sur son territoire, ainsi que le Centre intégré de santé et de services sociaux de sa région, et développer un projet en collaboration avec eux.

Sylvain Fortin se prépare au pire, en se remémorant sa dernière grève de la faim. «C’est horrible, dit-il. Je ne souhaite ça à personne. Je me sens triste, pour être honnête. Parce que je sais à quel point c’est violent pour le corps.»

Pendant qu’il campe devant le bureau du premier ministre, Sylvain Fortin laisse son fils Mathieu aux bons soins de son frère aîné. Ce combat, il le fait pour lui, mais il le fait aussi pour «tous les autres petits généraux de Gaulle. Parce qu’on est beaucoup à aimer à l’infini notre enfant avec une trisomie.»

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